WILLIAM AUGEL, Les petits génies T3 : Little Agatha Christie

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Découvrez les aventures rocambolesques de la jeune Agatha Christie, réorchestrées à la sauce humour caustique par un William Augel en grande forme.

Agatha et sa famille détonante, son chien touffu, Tony, des domestiques au bord de la crise de nerfs et une poupée de chiffon, Miss Marple, qui résout la moindre énigme insoluble de main de chiffon de maîtresse !

Agatha développe au fil des pages son esprit critique et ses aptitudes déductives et inventives. Elle fait tourner son monde en bourrique, mais redouble d’énergie et d’inventivité pour se nourrir de la moindre source d’inspiration.

Préparez-vous à rire de bon cœur, à vous creuser les méninges, bref, à suivre les pas crottés d’une gamine roublarde, évoluant dans une société de conventions, de carcans et de contradictions.
Ce Tome 3 vous donnera, qui sait, peut-être envie de vous délecter des deux premiers opus : Le Petit Mozart et Le Petit De Vinci.

De chiffon et de fibres détectives

Le dessin de William Augel est digne de caricatures acerbes à la Daumier avec un trait vif et sûr. Il y a du mouvement dans ces planches à sketches. Tout s’enchaîne à une vitesse effrénée. Les personnages se meuvent et nous émeuvent, l’air de rien, à travers les gags à répétition, le comique de mots, le comique de gestes comme sur une scène de Molière ou de la commedia dell’arte.

Nous voici donc transportés dans un vaudeville moderne avec des personnages clairement définis, d’aucuns diront stéréotypés, je dirais plutôt exagérés, afin de grossir le trait et d’en faire trop pour susciter le divertissement.

En même temps, comme toujours, dans toutes les œuvres d’arts pluriels à l’intention ancrée à la reliure ou au médium, la joute mêlant gaudriole et humour à la Chaplin, Laurel  et Hardy ou Buster Keaton côtoie la densité d’un message universel.

Le créateur polymorphe nous offre des réflexions profondes sur notre propension à cantonner les gens à des tâches incombant soi-disant à leur condition sociale, à leur genre ou à leur esprit, sous prétexte que des patriarches en redingote l’ont un jour décrété dans leurs importantes réunions enfumées de vapeurs de whisky trente ans d’âge et de gros cigares goudronnés.

Young rebel Lady

Notre petite Agatha est en effet bien décidée à prouver qu’elle peut emprunter les chemins de traverse qu’elle a décidés de découvrir. Peu importe la norme, peu importe ses parents, peu importe son frangin et sa frangine qui se jouent d’elle avec délectation parfois.

Au Diable, les conventions ! Au feu, les faux-semblants et les courbettes ! Aux oubliettes, le moule dans lequel les idées conformistes veulent la faire entrer !

Agatha est libre, déjantée, ivre d’apprendre, d’expérimenter. Elle se trompe, se fourvoie, se méprend, mais se reprend, grâce notamment à sa poupée aux yeux-boutons et à la bouche cousue, genre adoratrice vaudoue, dansant la gigue avec le Baron Samedi et tous les Loas. Miss Marple est une figure aux antipodes de l’Autre Mère de Coraline (de Neil Gaiman). Elle ne demandera pas à Agatha de se coudre des boutons à la place des yeux au moins !

Sauf que cette poupée, qui a plus d’un tour dans sa tête de tissu mou, nous lance le défi de résoudre une série d’énigmes qui échauffent nos cerveaux endormis. J’avoue en avoir trouvé certaines, mais en regardant la page révélant le pot au rose, je me suis rendu compte que mes quelques déductions justes ne se basaient pas forcément sur les bons indices.

Pour conclure

Quel plaisir délectable de suivre les chaussures rusées de la petite Agatha Christie ! La grande Reine du Crime aurait-elle applaudi devant cet hommage à l’humour savoureux ou aurait-elle freiné des quatre fers en s’écriant : « Such a shame ! »

Honte à vous, cher Augel, vous qui croquez tantôt un Einstein dépité par le détournement de ses travaux, tantôt un rat passionné par le liquoreux nectar de la vigne, tantôt des petits génies « attachiants » à souhait qui nous font hurler de rire et nous questionnent aussi sur les notions de talent, de prédisposition et d’intelligence prétendument supérieure. Oui, honte à vous, vraiment, car nous nous tenons les côtes de bout en bout, et nous prenons un plaisir fou à ce jeu-là.

Et si au fond, nous nous en moquions comme de notre première déconvenue sentimentale ou professionnelle ? Après tout, chacune chacun doit se réaliser sans pression, sans jugement, sans recherche de la perfection surfaite, mais plutôt tendre vers la concrétisation de ses rêves… même les plus audacieux, et surtout, surtout, ne jamais écouter les rageuses et rageux qui voudraient décider pour elles/eux et leur dire comment mener leur existence ! Non, vraiment, nous n’appartenons à personne, excepté à nous-mêmes !

Les Petits génies T3 : Little Agatha Christie, de William Augel, Boîte à bulles, 80 pages, juin 2021

Florent Lucéa

florent lucéa 2021

Florent Lucéa a rejoint l’équipe Litzic. Il chronique pour vous les BDs qui lui ont tapé au coeur et à l’oeil. Peintre, dessinateur et auteur protéiforme, il apporte son regard à la fois curieux et pertinent sur ce que l’on nomme communément le Neuvième art. Il a été notre auteur du mois en mai 2019.
Depuis 2021, il dirige également la collection encre sèche des éditions Ex Aequo

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Florent

Florent Lucéa a rejoint l'équipe Litzic. Il chronique pour vous les BDs qui lui ont tapé au coeur et à l'oeil. Peintre, dessinateur et auteur protéiforme, il apporte son regard à la fois curieux et pertinent sur ce que l'on nomme communément le Neuvième art. Il a été notre auteur du mois en mai 2019. Depuis 2021, il dirige également la collection encre sèche des éditions Ex Aequo

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