MARIE DUBOIS , Un bébé si je peux, Massot Éditions

un bébé si je peux Marie DuboisParcours d’une combattante

Dans Un bébé si je peux, Marie nous fait vivre son long périple vers la maternité. Ce voyage au bout de l’enfer médical sera semé d’embûches sociétales (ce ne sont plus des embûches, mais de véritables murs labyrinthiques), de cohortes de Docteur House frapadingues et de Ratched bonnes pour la camisole, de conseils soi-disant bienveillants, de flopées d’examens, de ponctions, de piqûres, de prises de température, d’injections en tout genre, à croire que Marie est une pauvre souris cobaye dans un laboratoire de cosmétique se livrant à la vivisection pour tester tout ce qui lui passe sous la main.

Marie tient bon, contre vents et marées. Nous l’accompagnons dans chaque étape de sa quête digne d’une aventure d’Athéna ou de Perséphone aux prises avec l’hydre de l’infertilité. Sauf que Marie, nous parle de sa véritable histoire, intime et bouleversante, drôle et émouvante, et nos cœurs un peu trop égoïstes parfois palpitent pour elle comme si nous nous faisions une nouvelle amie.

Humour et connivence.

Cette semaine, nous découvrons une autre collaboration entre la Revue XXI et Massot Éditions. Marie Dubois avait distillé quelques planches traitant de sa vie et de son combat pour la vie dans les pages de la revue et, Devant le plébiscite de son univers, la Revue XXI en a demandé plus. Massot Éditions s’est joint au projet pour donner vie à la BD Un bébé si je peux.

Marie Dubois nous propulse dans sa vie de trentenaire confrontée à un problème d’infertilité qui touche bien plus de personnes que nous le croyons, tant femmes qu’hommes, dans le silence assourdissant des clichés relayés par des médias débilitants, des médecins ayant refourgué leur humanité au placard, des amies et amis aux remarques stratosphériques. Marie partage heureusement sa vie avec un homme qui la soutient et l’épaule, et ce roc sans faille lui permet de continuer d’avancer sur ce parcours éreintant, malgré les nombreuses pierres dans sa chaussure.

L’autrice témoigne et impulse une force créatrice et inspiratrice à travers des mots et des illustrations qui font mouche, nous font sourire quand elle sourit, pleurer quand elle pleure. Notre thermomètre empathique explose ses graduations. Son combat de lutteuse émérite fait écho aux expériences traumatiques d’autres femmes, il s’expose, il dit les choses clairement sans passer par quatre chemins et cette sincérité évidente crée avec les lectrices et les lecteurs une connivence qui grandit à mesure que défile les planches de cette BD qui vilipende les donneurs de leçon, les scientifiques sans envergure, les théoriciens de la bêtise sans nom et autres égotiques engoncés dans leurs miasmes normatifs.

Le neuvième art libère la parole.

Un bébé si je peux nous a fait sourire dès les premières planches. Les références à la pop culture, les situations rocambolesques et pourtant tristement réelles, les illustrations savamment orchestrées avec des envolées graphiques, des tourbillons, des couleurs presque absentes, distillées avec parcimonie, comme une invitation à l’introspection et non à la débauche chromatique, tous ces éléments participent au plaisir et à l’engouement que l’on ressent en feuilletant fiévreusement ses planches esthétiques.

Ces planches lancent une bouteille dans la mer de l’incompréhension, un pavé dans la mare de la société patriarcale, une colombe d’espoir et d’amour en direction de toutes celles et tous ceux qui se battent pour concrétiser leur désir d’enfant. La BD souffle le vent de la révolte contre l’absence d’information autour de l’infertilité, comme si les personnes confrontées à elle devaient s’effacer, raser les murs et souffrir dans l’indifférence. Or, tout un chacun peut se heurter à ce phénomène de plus en plus présent dans nos sociétés modernes. Tout un chacun connaît une personne ayant subi et traversé les déferlantes qui ont malmené le frêle esquif opiniâtre de Marie Dubois.

Marie Dubois parle et libère la parole sur un sujet épineux si méconnu que même des gynécologues et des psychologues s’y prennent comme des manches pour en parler et aider les personnes infertiles. Elle dresse un portrait peu reluisant de ces pontes sans empathie, se rangeant derrière leurs borborygmes savants. Marie dessine et donne vie à sa vie. Elle nous touche, que nous soyons femmes ou hommes ou intersexes. S’intéresser à tous les sujets de société, c’est faire avancer la société, la faire grandir et exploser les tabous qui nous étouffent !

Pour conclure.

À l’instar de Zainab Fasiki (voir la chronique de HSHOUMA), Marie Dubois donne un bon coup de pied dans la fourmilière des schémas éculés d’une société sclérosées par des idées préconçues à jeter aux oubliettes. Nous sommes toutes et tous des proies de croyances erronées sur l’infertilité, le parcours des couples, des femmes surtout ballotées dans tous les sens, niées en tant qu’individu, violentées même. Vous ne pourrez pas rester de marbre devant les péripéties tragicomiques d’une femme à l’esprit vif et au coup de crayon incisif.

Ce qui ne tue pas, rend plus fort, selon l’adage. Mouais, dites ça à une femme qui a traversé les épreuves vers son rêve de devenir mère. Nous espérons qu’elle vous mettra un uppercut, petits béotiens ! Nous dirions plutôt, à la lumière de notre lecture : ce que l’on tait, tue assurément les femmes à petit feu ! Alors, parlons d’infertilité, parlons d’endométriose, parlons de sexe, parlons d’amour, parlons de tendresse, parlons de consentement, parlons de respect, afin d’enterrer une fois pour toute l’armada des viles et insidieuses atteintes à la féminité.
Encore une BD à mettre dans toutes les mains d’urgence, afin d’éclairer un peu nos lanternes faiblardes !

Un bébé si je peux, de Marie Dubois, Massot Éditions et la Revue XXI, 136 pages, février 2021

Florent Lucéa

florent lucéa 2021

Florent Lucéa a rejoint l’équipe Litzic. Il chronique pour vous les BDs qui lui ont tapé au coeur et à l’oeil. Peintre, dessinateur et auteur protéiforme, il apporte son regard à la fois curieux et pertinent sur ce que l’on nomme communément le Neuvième art. Il a été notre auteur du mois en mai 2019.
Depuis 2021, il dirige également la collection encre sèche des éditions Ex Aequo

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