L.GENEFORT, S.LETENDRE et P.FRISENDA, Peaux-Épaisses

Peaux épaissesIls ont la peau dure

Lark a renié son clan de Peaux-Épaisses, des êtres extraordinaires exploités comme bêtes de somme et dont la peau hypertrophiée résiste au vide spatial. Lark a été « amputé » de cette peau incroyable, mais un message codé de son clan lui rappelle que l’on ne peut pas vraiment rejeter sa lignée.

Aidé d’une étudiante en anthropologie qui n’a pas froid aux yeux, Lark se lance dans une quête pour retrouver son clan. Il devra rivaliser de ruse, afin que des mercenaires à la mine patibulaire n’exterminent pas les siens pour leur voler leur précieuse peau qui se négocie à prix d’or. Parmi ces mercenaires avides se trouve un disciple de Lark, le terrifiant sociopathe Roko.

Est-ce que l’élève surpassera le maître ?

Découvrez-le en vous plongeant dans ce bijou de science-fiction biberonné au space opera.

Adaptation graphique

Peaux-Épaisses prouve encore une fois que les arts s’influencent et se nourrissent les uns les autres. Cette BD est l’adaptation du roman éponyme de Laurent Genefort. Les Éditions Critic s’associent à nouveau à nos inénarrables Humanos pour nous offrir une pièce de neuvième art de haute volée. Les deux maisons avaient déjà conjugué leurs talents avec Hard Rescue.

Les dessins, les couleurs, les décors, les cadrages et les découpages impriment un rythme soutenu et rendent le tout épique. Dopée aux gadgets mortels de destruction massive, aux personnages ambitieux et ambivalents, aux créatures complexes qui disent tant sur notre monde, cette BD nous rappelle les univers déjantés d’Alejandro Jodorowsky et Juan Gimenez pour La Caste des Méta-barons avec une débauche d’organique, de chair et de circonvolutions épidermiques. Les planètes, les vaisseaux et ces Peaux-Épaisses hallucinants marquent au fer rouge de la créativité cette composition cinématographique que nous verrions bien se développer en un film de SF jouissif.

La SF tire son épingle

La science-fiction n’est en rien un sous-genre. Voilà un débat éternel qui devrait être anecdotique, mais qui gangrène les alcôves des esprits humains formatés. Nous sommes tous le pur produit de schémas normatifs tatoués dans nos neurones à grands coups de marketing, de désinformation et du culte de la culture légitime.

En effet, quand j’étais petit, l’on me répétait que la littérature classique était la seule voie possible, que les romans de gare, les albums jeunesse, la fantasy ou les bandes dessinées rentraient dans la catégorie du loisir sans saveur qui ne pouvait nourrir correctement une pensée rationnelle en développement.

Un jour, j’ai fait une overdose de classicisme et je me suis jeté à corps perdu dans la SF, dans les BD, dans des lectures tous azimuts pour diversifier ma culture, car la Culture plurielle, hétéroclite et polymorphe est la garantie d’esprits éclairés, moins étriqués, moins intolérants et moins insensibles à autrui.

Peaux-Épaisses nous en met plein la vue. L’histoire nous interpelle, le suspense court sur toutes les planches jusqu’au dénouement, et tout un univers complexe s’offre à nos yeux ébahis. Nous en redemandons volontiers, parce que de ce divertissement pouvant paraître futile et superficiel naît une réflexion sur l’exploitation de minorités, la quête inutile de l’argent, la vengeance à tout prix.

Pour conclure

Peaux-Épaisses est une BD qui propulse sa lectrice ou son lecteur vers un ailleurs fantasmé, vers un futur tonitruant. Elle nous fait passer un bon moment, comme lorsqu’on se délectait de la SF américaine (Blade Runner et consorts) et renouvelle le genre en digérant ses codes martelés par des pontes des romans, des films ou des BD.

La SF est aussi vaste qu’un champ d’astéroïdes traversant une nébuleuse, et Peaux-Épaisses dépoussière cet artéfact pour créer sa propre genèse et redorer le blason d’une SF française qui mérite d’exister à côté des colosses d’outre-Atlantique.

Adapter un roman n’est pas une mince à faire, et cette BD réussit le pari de transfigurer l’univers du roman de Laurent Genefort. Elle permet d’offrir une autre grille de lecture de l’ouvrage et élargira sans aucun doute le lectorat de cette masterpiece au message plus profond que l’on ne pourrait le croire.

Le propre de tout art réside bien là : divertir, susciter le plaisir, faire voyager la lectrice ou le lecteur et le faire réfléchir sans qu’elle/il s’en rende compte.

Défendons toujours la Culture plurielle ! Elle a encore de beaux jours devant elle, car ses chantres et autres troubadours veillent au grain !

Laurent Genefort, Serge Letendre et Pasquale Frisenda, Peaux-Épaisses, Éditions Critic et Les Humanoïdes Associés, 104 pages, avril 2021

Florent Lucéa

florent lucéa 2021

Florent Lucéa a rejoint l’équipe Litzic. Il chronique pour vous les BDs qui lui ont tapé au coeur et à l’oeil. Peintre, dessinateur et auteur protéiforme, il apporte son regard à la fois curieux et pertinent sur ce que l’on nomme communément le Neuvième art. Il a été notre auteur du mois en mai 2019.
Depuis 2021, il dirige également la collection encre sèche des éditions Ex Aequo

Instagram
FB
Site

soutenir litzic

Retrouver Litzic sur FB, instagram, twitter

Ajoutez un commentaire