[PORTRAIT] Souad Mani, plasticienne et chercheuse techno- humaniste.
Souad Mani, artiste plasticienne, archéologue des médias vers le vivant.
Par le biais d’un artiste poète et peintre (Georges Thiery pour ne pas le nommer), nous avons fait connaissance avec l’artiste tunisienne Souad Mani qui, dans son art, utilise les nouveaux médias dans une visée humaniste. Nous vous dressons son portrait avant de publier l’interview que nous avons menée ensemble.
Synchroniser les données.
C’est assez ironique, mais dans son art, que nous allons essayer de définir au mieux dans quelques lignes, Souad Mani étudie les interactions entre numérique et organique, entre le monde technologique et celui des humains. Pour cela elle doit sans cesse synchroniser ses données avec ses observations. Pour notre rencontre, aussi virtuelle soit-elle, il nous a également fallu nous synchroniser afin de mener à bien cette interview et ce portrait.
En effet, les différents projets de Souad Mani, les événements récents parvenus dans son pays, et notre propre agenda ont quelque peu entravé nos discussions. Néanmoins, avec un peu de patience, nous y sommes arrivés, et nous tenons à remercier Souad pour toute sa gentillesse et sa compréhension. Nos échanges furent riches, et la personnalité de cette artiste pas comme les autres les ont rendus agréable et très humain.
Ceci étant dit, entrons un peu plus dans le vif du sujet concernant la pratique, complexe, de cette artiste exploratrice.
Utiliser le numérique pour étudier les relations humaines.
Creuser, numériser, archiver, chercher les interactions en l’être et la technologie, comme un archéologue recherche les traces d’un passé révolu, tel est le métier de Souad Mani, une chercheuse plasticienne qui relie le monde et ses territoires en utilisant de multiples moyens, dont ceux des moyens technologiques actuels.
Souad Mani est une précurseure dans son genre. Dès ses études, elle s’intéresse aux technologies numériques pour les incorporer à la pensée de son art . À l’époque, l’internet ne bénéficiait pas encore du haut débit, et les ordinateurs n’étaient pas encore cet outil indispensable qu’il est devenu aujourd’hui.
Pourtant, curieuse et avide des implications que peut avoir cette technologie sur nos vies et notre regard, elle s’engage à corps perdu dans cette voie novatrice et encore partiellement inconnue.
Travail expérimental.
Sa recherche consiste à faire interagir le monde du vivant avec celui des technologies numériques. En partant, par exemple d’un autoportrait, Souad Mani va étudier, via les métadonnées, son parcours dans le monde digital, et ainsi tisser, directement ou indirectement, des liens avec des relations, conscientes ou non, de leur participation à cette œuvre tentaculaire. Chaque « rebond » de cet auto-portrait produira de nouvelles informations et interactions que Souad Mani traitera afin d’en étudier les mouvements, les répercussions, les tensions également et créer des nouveaux recits.
Le travail artistique de Souad Mani est expérimental car toujours soumis à une pensée de la technologie, de la relation, de l’outil et du temps d’implication. Si les bases de son travail sont bien définies, quoi que dépendant des interactions d’une relation humaine ou naturelle le plus souvent, son étude, elle, se meut au grès des innovations techniques. Ainsi, elle se saisie de tous ces outils inédits et analogiques pour approfondir sa recherche plastique et philosophique.
En effet, ses axes de recherche sont très ancrés dans une forme de spiritualité, laquelle serait presque d’ordre philosophique puisque tissant une toile entre un territoire terrestre et un monde technologique. En étudiant les relations générées par un partage de données (toujours cet autoportrait et ses formes abstraites cité ci-dessus), elle cartographie le cheminement de celui-ci dans une mappemonde subjective en constante évolution.
Interroger le rapport technologie/vivant.
Les interrogations de Souad Mani concernent non pas la technologie mais les implications de celle-ci sur le vivant. Quels sont les liens qui se créent, qui se défont, en fonction de tel environnement ou de tel paramètre d’entrée ou de sortie ? En traçant les fécondations de son processus de semence, en les transposant et les transformant dans un nouvel environnement, le travail d’étude de Souad Mani commence.
Il est en est de même lorsqu’elle pratique le land-art (pratique souvent éphémère consistant à créer une œuvre d’art sur un territoire donné, sans apport autre que ceux de la nature. Par exemple, le château de sable qui redeviendra sable une fois la marée l’ayant avalé), dont elle numérise les mouvements et les climats, interrogeant ainsi sur les notions de paysage, d’écologie et de la trace du passage que nous laissons sur notre planète.
Cela nous éclaire un peu sur la façon d’être de Souad Mani. À la fois à la pointe de la technologie pour mieux faire parler, penser, agir l’humain. Son travail est pour nous assez bluffant, visionnaire, existentiel, poétique également, mêlant deux univers a priori incompatibles pour en tirer une substance organique complexe.
Mais pour mieux appréhender son œuvre, vous trouverez quelques liens en bas d’article (en attendant la reconstruction de son site) conduisant vers les travaux de cette artiste protéiforme à la curiosité insatiable.
Le tumblr de Souad Mani (et un autre en particulier)
Ses vidéos ICI ICI et ICI
Son instagram