Toute la force du Madcalais !

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Baasta !
François-Xavier Notel, chanteur guitariste, et Yoann Dirryckx, bassiste

Interview : Baasta !

Le duo lensois Baasta ! était en concert à Paris à l’International mercredi 19 avril dernier. Rencontre détendue pour décrypter tout le potentiel d’un électro-punk tendu venu des corons. Les balances ont été réalisées sans trop de soucis, François-Xavier Notel, chanteur guitariste, et Yoann Dirryckx, bassiste, sont tranquillement assis à la terrasse d’un bar du quartier d’Oberkampf, à Paris. Ils sont ici pour présenter  » Madcalais « , leur deuxième album, digne successeur de « Paanic« , un premier essai plus que concluant sorti juste avant la pandémie.

Ce disque leur a néanmoins ouvert de belles portes, comme celles du festival Mainsquare, mais le duo peine encore à trouver ses marques hors de ses terres. A tort, car leur musique, mélange hybride de punk-rock et d’électro, possède tous les arguments pour conquérir le monde ou tout au moins le royaume de France. « Madcalais », affirmation pure et dure de leur identité, le confirme, le duo trace sa route dans la continuité. Tous les espoirs sont donc permis. « Cet album ne sort pas pendant le Covid, ou alors nous ne sommes pas encore au courant !, » remarque d’emblée FX. Le premier disque était sorti juste avant la pandémie et avait un peu coupé les ailes au duo. Il n’a pas pour autant baissé les bras. « Ce disque, nous avons quand même mis un peu de temps à le sortir car nous avons commencé à faire des démos dès le confinement. Cela a pris un peu de temps… »

Ce qui n’explique pas totalement la longue attente pour ce deuxième album, le premier étant sorti en 2019. « Cela a été long, beaucoup trop long. Entre les confinement et les wetransfert, tout prend du temps. Nous les avons tous amenés un par un. Des fois, seul le texte allait alors nous changions tout. Cela a finalement mis deux ans à arriver. »

George, le nouveau membre

Changement notoire dans la formation, l’iconoclaste George a rejoint le duo courant 2022. Une belle manière de se distinguer dans la masse des duos du moment. Un élément néanmoins difficile à gérer … « Il nous a rejoint il n’y a pas longtemps. Nous en avions marre d’entendre qu’il nous manquait un truc, qu’il fallait prendre un batteur … Comme nous trouvions que notre musique marchait bien avec des boîtes à rythmes, nous avons eu l’idée, pour que tout le monde arrête de nous faire chier, de prendre un ghetto blaster et de mettre un micro devant. »

De fait, George n’a pas vraiment travaillé et retravaillé les nouveaux morceaux de Baasta ! mais il prend toute sa place sur scène, à l’arrière des deux musiciens. « Cela donne un truc en plus. Et puis il a une vrai liberté de paroles sur scène ! »

Baasta !
Yoann Dirryckx, bassiste choriste
Mercredi 19 avril 2023
Paris L’international

Bienvenue dans le Madcalais

FX et Yoann se sont attachés à peaufiner les chansons à l’extrême. Elles ont été retravaillées jusqu’à l’obtention de la couleur musicale voulue pour coller à l’image du groupe et de sa nouvelle définition identitaire. « Nous avons trouvé le terme de MadCalais puis nous avons voulu pousser dans ce sens-là. La volonté était de faire une musique ressemblant à notre région, le Pas-de-Calais, à la manière de ce qui se faisait à Manchester à l’époque du Madchester, avec cette scène qui regroupait des groupes d’univers différents. »

Toute l’arrogance britannique

Au final, l’ADN de Baasta ! est parfaitement respecté avec ce nouveau disque, belle continuité du premier opus. Le groupe a réussi à se forger une image très cohérente dans ses visuels, dans sa musique et aussi dans le texte. On regroupe logiquement dans Baasta ! toute l’arrogance assumée du rock british des années 80 à une grosse différence près, les sons sont cette fois issus des corons ! « Notre marque de fabrique : une boîte à rythmes assez typée, un son de basse qui fait quasiment toute la mélodie et mes textes. Cela forme le noyau, le reste c’est de la tapisserie. Il y a peut-être moins de guitares saturées et davantage de claviers sur cet album. L’ADN de base reste la programmation, la basse de Yoann et des textes scandés, peut-être un peu plus chantés.» Yoann intervient. « Il y a beaucoup de phrases répétées à l’anglaise Des punchlines répétées, un peu comme des gimmicks. »

Baasta !
François-Xavier Notel, chanteur guitariste
George (Ghetto blaster)
Mercredi 19 avril 2023
Paris L’international

A la sauce des corons

L’album s’appelle donc Madcalais. « Nous avons des briques rouges, de la misère sociale et le RC Lens un club de foot qui cartonne ! » Appeler l’album comme cela est au fil du temps devenu une évidence, celle d’un Madchester adapté « à la sauce des corons ».

Lorsqu’il fallut enregistrer les nouveaux morceaux, le duo a passé une semaine en studio en Belgique. Mais cela n’a servi à rien ! « Enfin un vrai studio, mais c’est à l’image de Baasta !,relativise Yoann. Donc c’est un vrai copain qui a un studio. Cela ne nous a pas coûté trop cher, on était nourris, logés…. On a bien picolé et finalement, on a passé six jours à bien s’éclater mais on n’a rien ramené ! »

Déconfits face à cette malheureuse expérience, nos deux lads des Hauts-de-France n’ont plus qu’une solution, se prendre en charge eux-mêmes. « Cela nous a quand permis de savoir ce que nous ne voulions pas, modère FX. Pour nous, cela ne sert à rien d’aller en studio tout de suite car nous ne sommes jamais convaincus d’une version finale du truc. Du coup, nous faisons tout en homme-studio, à la maison. Nous y faisons aussi les clips, les tee-shirts … Je ne pense pas que nous retournerons un jour en studio. Notre formule marche pour Baasta ! déjà car nous n’avons pas de batterie.»

FX, journaliste des temps modernes

Au final, Madcalais résonne comme neuf nouveaux cris de révolte face à une société globale et carnassière. « Mes textes, c’est une manière comme une autre de faire de la politique. Je ne dénonce pas forcément, je me vois plus comme un journaliste, d’opinion certes. »

La volonté de mettre en lumière les absurdités du monde actuel est flagrante et bien visible dans les clips mis en image en mode DIY. De nombreux singles, tous clippés, ont déjà été diffusés sur youtube. Ainsi, le titre « Faites ce que je dis » a émergé dès le mois de mars 2022. « Il a été arrangé par Pascal Gabriel. Il a bossé avec New Order et pleins d’autres groupes. Cela allait bien dans le cheminement avec Madchester. Nous lui avions envoyé plusieurs démos mais il n’avait alors pas le temps. Nous avons donc sorti « J’ai pas compris » et « Gardons l’élégance » puis il est revenu vers nous pour produire « Faites ce que je dis ». Ensuite, nous avons sorti dernièrement « Fiction vérité ».»

« Cet album, on peut dire que c’est un Best of  » sourit FX. Ses constats cyniques, ironiques, lucides aussi, se retrouvent dans tous les morceaux, une véritable marque de fabrique. « Cynique, dans le sens philosophique, c’est voir la vie comme elle est. Après chacun se fait son opinion sur ça. »

Chose rare pour un groupe inspiré par la scène de Manchester, toutes les paroles sont en français. « La musique qui nous a le plus inspiré vient de là mais nous sommes français. J’écris en français car c’est la langue que je maîtrise le plus. De toutes façons, je n’aurais ni le vocabulaire, ni la diction pour le faire en anglais. Sleafordmod le fait déjà ! C’est en français et cela restera en français. »

Baasta !
François-Xavier Notel, chanteur guitariste, et Yoann Dirryckx, bassiste
Mercredi 19 avril 2023
Paris L’international

Punk dans l’âme

Sur la galette, FX scande souvent plus qu’il ne chante même si certaines phrases sont très mélodieuses. Avec Yoann, parfois choriste, ils apparaissent comme vraiment atypiques, et c’est une qualité, au sein de la nouvelle scène française. Hybride par nature, la musique de Baasta ! ne ressemble à aucune autre mais porte en elle l’héritage du mouvement alternatif. On pense forcément, du fait de la boîte à rythme et de ses cris de révolte, aux Bérurier Noir. Une référence passée à la moulinette du nouveau siècle et des nouvelles technologies. Et là où les Béru se montraient parfaitement dénonciateur, Baasta ! se contente de décrire des états de fait tout en se montrant punk dans l’âme. Le duo peut partager la scène avec de nombreuses formations sans avoir à en rougir ou à complexer.

Adoubé par Frustation

A force de tourner dans des lieux improbables ou alternatifs, il s’est taillé une belle réputation sur les scènes alternatives de France mais aussi de Belgique et même de Grande-Bretagne sans jamais pouvoir être mis dans une case trop étriquée et toujours, Mad Calais oblige, en gardant une certaine distance. « Récemment, nous avons passé un très bon moment avec Frustation, se souvient Yoann. Pourtant, ils chantent en anglais et sont plus vieux que nous ! C’était la première où nous étions adoubés par des gens en place. Ils nous ont pris au sérieux. Après, il y a des groupes avec qui nous avons souvent joués, comme Pogo Car Crash Control ou Mssfrnce, (ndr : dont le batteur Jérémie est d’ailleurs présent ce soir-là), avec qui cela matche rapidement. En trois minutes, on se dit qu’on va se faire des copains. Cela se passe souvent du côté de la scène punk-rock. »

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Baasta !
François-Xavier Notel, chanteur guitariste, et Yoann Dirryckx, bassiste
Mercredi 19 avril 2023
Paris L’international

Le chaînon manquant

Aujourd’hui, Baasta ! compte assoir sa notoriété en mode resserré, à la manière d’un gang. « On n’est pas nombreux, quatre ou cinq, mais nous sommes très soudés, poursuit Yoann. On avance comme ça, ce n’est pas un mal car nous avons le contrôle sur tout mais nous nous disons parfois que si nous avions des aides extérieures, ce ne serait pas si mal … »

Déjà, le groupe a trouvé un distributeur, L’autre distribution, pour cet album mais le manque d’un tourneur se fait cruellement sentir. « On cherchent aussi des mécènes, mais des riches dans notre entourage, il n’y en a pas, sourit Yoann. Le tourneur, c’est le chaînon qui nous manque ».

Avoir la gorge profonde

Forcément, FX et Yoann n’ont pas aujourd’hui les moyens de se consacrer entièrement à la musique. Yoann a un CDI, et FX est intermittent du spectacle. Un métier qui lui permet parfois de passer de l’autre côté du miroir. « J’accueille tous les groupes ringards qui fonctionnent et je les observe en me disant Putain, ils doivent avoir la gorge vachement profonde ! Tu veux des noms ?»

A la marge dans son attitude, et bien évidemment lucide sur son propre sort, Baasta ! chante sur son nouveau disque avec justesse « On a pas la carte ». Avec non pas de la jalousie mais avec quand même un petit pincement au cœur. « Nous ne voulons pas avoir cette carte et devenir plus mainstream mais je pense qu’il y a un public pour ce que nous avons à proposer. C’est juste que nous n’arrivons pas pour l’instant à le toucher. Il y a toujours cette fameuse marche où l’on entend le public de l’autre côté du mur mais il n’y a personne pour te faire la courte-échelle. C’est ça qui est dur. Et nous sommes conscients que de part ce que nous racontons, nous ne pouvons pas aller partout. Soit nous ne sommes pas assez rock français genre les Béru ou Noir Désir, ou soit pas assez mainstream dans la mouvance de ce qui marche en ce moment

Le monde de demain leur appartient

Ce mercredi 19 avril, Baasta ! est néanmoins tête d’affiche d’une soirée très punk organisée par l’association « We InsurrecSound » à l’Internationale, une salle parisienne à la programmation de plus en plus réputée. Pas sûr que cela soit suffisant pour mettre les corons en pleine lumière comme a pu le faire Pierre Bachelet mais force est de le reconnaître, qu’avec ses paroles revendicatives et son show rentre dedans provocateur et incisif, le monde demain, dans sa frange consciente et radicale, appartient à Baasta ! A quand maintenant un hymne pour le RC Lens ?
Texte et photos : Patrick Auffret (avec Lysianne Roche)

Baasta ! Nouvel album MadCalais (Madcalais record / L’autre distibution) disponible le 28 avril 2023.
https://baasta.bandcamp.com/
Infos et booking : mike@madcalais.com. Tél : 07 54 35 79 88

Patrick Auffret (avec Lysianne Roche)

Il a rejoint l’équipe début 2022 et son corps de métier se tourne vers la scène où il photographie les musiciens en même temps qu’il s’imprègne de leur musique, qu’il restitue son forme de live report hyper pointus.

Ancien rédacteur en chef à Publihebdos, Pat Auffret a également collaboré durant 20 ans avec le magazine Longueur d’Ondes et Rock & Folk. Il travaille régulièrement avec l’agence photo Dalle et ses clichés ont été publiées dans divers journaux nationaux (Le Monde, Les Inrockuptibles, Rock&Folk, …) et internationaux.
Il est aujourd’hui président de l’association dédié au spectacle vivant Out of time.

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