CÉLINE GUEGUEN, La neige c’est surfait…
…et autres nouvelles.
La neige c’est joli. C’est blanc, immaculé. Ça recouvre tout d’un épais manteau cotonneux, épais, moelleux. Mais quand elle fond, la neige, ça devient vite dégueulasse, ça salope tout. Ouais, c’est joli la neige, mais la neige c’est surfait, aussi. Le titre de ce premier recueil de nouvelles de Céline Gueguen porte en son sein des nouvelles policières, des nouvelles fantastiques aussi, des textes courts ou plus longs qui nous ravissent par leur espièglerie.
Ce terme colle à merveille à l’univers dépeint dans cette collection de textes à l’humour noir, presque pervers, retors en tout cas, délivrant dans leurs dernières lignes le fin mot d’une histoire qui nous met bien souvent la tête à l’envers. Cette conclusion, très souvent, nous ne l’avions pas vus venir, ou du moins pas de cette façon,preuve de l’efficacité de notre autrice du mois à nous balader dans ses facéties.<
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La plume.
La première des nouvelles donne le ton en nous plaçant justement dans cet instant du dégel, celui où la neige disparaît, où des choses pas forcément catholiques surgissent. La plume est alerte, dynamique, révèle déjà un talent pour nous entraîner plus avant dans la lecture. Le vocabulaire est soigneusement choisi, ne se répète pas malgré le thème développé. Autrement dit, pour une première partie fortement orienté « polar » ou policier, les mots crime, sang, assassin etc. ne reviennent jamais de façon récurrente. Mieux, ils sont absents, pour ainsi dire, du lexique.
Céline Gueguen suggère plus qu’elle ne montre, du coup notre imagination s’emballe, galope en découvrant ces textes. Les situations sont variées, s’enchaînent avec une certaine cohérence et nous permettent de découvrir la malice jubilatoire dont fait preuve l’autrice pour déjouer nos certitudes. Petit plaisir coupable, La neige c’est surfait et autres nouvelles est une sucrerie au goût salé et piquant, celui qui nous fait adorer une fois encore le genre policier qui parvient sans cesse à se renouveler.
Les thèmes.
Une grosse partie du recueil est orientée vers le policier donc, du moins tout une première partie, d’un peu plus d’une soixantaine de pages. La deuxième moitié, d’un nombre similaire de pages, ou presque, s’oriente vers des textes plus longs et surtout orientés, eux, vers le surnaturel, voire l’horrifique. Pourtant, l’autrice reste lucide et ne nous propose pas une surenchère d’hémoglobine, de situations abracadabrantesques, mais reste, comme pour les nouvelles policières, dans un cadre presque quotidien.
Étrangement, ces textes, qu’ils soient policiers ou plus fantastiques, sont souvent orientés autour de la famille, à quelques exceptions près. En effet, outre Tout devait finir comme ça qui relate plus une histoire d’amis qui finit (très) mal, oui cette sombre histoire se déroulant dans un escape game, la majorité des nouvelles se déroule, de prés ou de loin dans un cercle très restreint. Histoire de deuil qui dérive vers l’inexplicable, expérience de mort imminente, tout est propice à l’exploration d’un imaginaire fort et indomptable.
Si les formats courts et rapides des premières nouvelles nous enchantaient par leur dynamisme et leur cynisme, les formats plus longs délivrent des charmes un peu différents, aux parfums tout aussi enivrants. Cécile Gueguen prend le temps de planter un décor, de nous faire nous y sentir « comme chez nous », avant de nous embarquer dans son « délire ». Nous la suivons sans hésiter tant la chose est bien amenée.
Imaginaire.
Ainsi, nous découvrons les pensées intimes d’une famille loin d’être parfaite, ou nous découvrons les secrets d’un conteur et de ses histoires, qui lentement nous embarquent dans des décors fantasmés, des situations purement imaginaires, mais toujours avec ce souci du détail qui se fait pertinent. Pour les nouvelles policières au format plus long, les enquêtes prennent des dimensions plus vastes, prennent des détours et des voix sans issue, sans nous livrer instantanément leurs secrets. Comme pour les formats courts en revanche, les motifs sont eux aussi bêtement terre à terre, terriblement « humains ». Cela ne manque jamais de nous amener à nous poser la question de « c’est quoi au juste l’humanité ».
Ainsi, ce recueil s’avère hautement réjouissant, cohérent, en plus d’être un premier livre qui montre une maîtrise certaine. Il nous tarde donc de découvrir les autres histoires que Céline Gueguen possède en réserve et qui devraient voir le jour dans les semaines ou mois à venir. On les attend de pied ferme.
Lire l’extrait de La neige c’est surfait, Un si bon fils.
Lire le portrait de Céline Gueguen
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