MYRIAM OH, L’idée de mouvement perpétuel.

myriam oh interview idée de mouvementDeuxième partie et fin de l’interview de Myriam OH.

Nous vous dévoilons la deuxième partie de l’interview consacrée à Myriam OH. Nous y voyons qu’il y est question de l’idée de mouvement, toujours. Qu’il s’agisse de l’instant, éphémère, ou du moment où il se pose sur papier, de cet instant où les mots doivent sortir et de celui ou ils maturent, tout est dans cet élan de vie qu’est l’existence. Merci à elle d’avoir pris le temps de répondre avec précision à toutes ces questions.

Relire la première partie de l’interview

Interview.

Litzic : Tu viens de sortir deux recueils, Scène d’intérieur sans vis-à-vis et Ce n’est pas ce que tu n’as pas dit mais la manière dont tu t’es tu, tous deux aux éditions Lunatique, tout deux chroniqués sur nos pages. Mais la parole de l’autrice est d’or. Peux-tu m’expliquer quels en sont la genèse et le propos ?

Myriam OH : Comme toute naissance, je crois, ils sont la somme de travail et d’un peu de hasard. J’ai toujours eu du mal avec l’idée de figer un texte sur le papier. Pour moi, la poésie est quelque chose de vivant et libre, ce qui ne coïncidait pas (dans mon esprit) avec le fait de l’encrer/l’ancrer. Fin 2020, je suis venue « sans faire exprès » aux revues, et cette expérience m’a aidé à considérer le livre autrement : plutôt comme quelque chose de tangible qui sert l’éphémère en mouvement. Fin 2020 encore, alors que j’explorais une nouvelle forme d’écriture qui prenait spontanément la forme d’un recueil (pas encore édité, lui, mais..), je me suis dit que c’était bête de ne rien faire de ces centaines et centaines de textes qui roupillent dans mon disque dur.

Pour « Ce n’est pas ce que tu n’as pas dit, mais la manière dont tu t’es tu », j’avais la thématique, comme je la porte en moi depuis toujours : celle de la communication et de sa complexité. La citation de Bernard Werber m’a permis de suivre ce fil rouge et d’ordonner ma pensée. Les textes ont été sélectionnés en suivant ce « plan », même si plus de la moitié de sont imposés d’eux-mêmes. Ce n’est donc pas, pour celui-ci, un accouchement par « voie naturelle » : il y a eu beaucoup de doutes, mais je suis contente de la traduction qu’il donne de ce que je voulais dire. Quant au titre, j’ai hésité. Il est long et capillotracté, mais j’ai senti que ça ne pouvait être un autre.

Pour « Scènes d’intérieur sans vis-à-vis », c’est encore différent. La série de portraits a été écrite d’une traite sur une même période, elle est venue comme elle m’est passée. Pourquoi? Parce que les gens me fascinent. Les autres. Nous. Ce n’est, je crois, pas quelque chose de nouveau dans ce que j’écris, mais peut-être qu’à ce moment-là j’avais besoin de donner un nom aux panel des émotions et des choix disponibles. Le dossier virtuel en question renferment encore le même nombre de portraits amorcés, peut-être qu’un jour j’y reviendrai. Peut-être qu’un jour ces scènes d’intérieur seront portées à la lumière de la scène. C’est une idée qui me plairait je crois.

« C’est un vrai plaisir de travailler avec quelqu’un auprès de qui le verbe « collaborer » prend tout son sens. »

L  : Je ne connaissais pas cette maison d’édition qui a publié tes recueils (les éditions Lunatiques). Peux-tu m’en parler un peu ?

Myriam OH : Je crois que je vais compter le nombre de fois où je parle d’un hasard, qui n’existe par ailleurs probablement pas, mais.. C’est cet élan du côté des revues qui m’a mené à elle. En réponse à mes envois, je reçois un jour une réponse de Pascale Goze, qui est à l’origine et aux manettes de la revue le Cafard Hérétique. Elle a fait une sacrée place à mes mots dans son numéro 15 et, au fil de nos échanges, j’évoque mes travaux en cours auxquels elle me propose de jeter un œil. Elle a fait plus que ça. Sur son site, elle présente la maison d’édition Lunatique ainsi : « Lunatique est cette petite, petite maison d’édition bretonne, sise à Vitré (35500) dont le maître-mot serait « entropie » — concept de désordre et d’imprédictibilité du contenu informatif.

Le mot grec à partir duquel a été créé « entropie » signifie « transformation ». » […] Le « hasard » prend donc effectivement ici des airs de rendez-vous… Si j’avais à en parler, je parlerais surtout de cette femme qui la gère d’une main de maître. Autant humaine que professionnelle. C’est un vrai plaisir de travailler avec quelqu’un auprès de qui le verbe « collaborer » prend tout son sens. Il y a l’aspect « édition » qui est un fait. Mais il y a aussi et surtout l’aspect « maison ». Et c’est vraiment précieux.

L  : La mise en page est très éloquente, très parlante. Elle dégage une rythmique qui renforce le poids des mots. Aimes-tu rendre tes textes musicaux ou bien cela est-il tellement naturel que tu ne t’en rends plus compte ?

Myriam OH : Eh bien déjà, merci beaucoup pour le retour sur « l’effet produit ». Peut-être que ce rythme vient du fait de la musique que j’écoute en écrivant. Probablement y a-t-il également un souffle intérieur qui donne l’élan et les ruptures. Je crois que je reste surtout vigilante à ce que la forme ne m’enferme pas. On a beau faire le choix d’une poésie en vers libre, quand on est un brin perfectionniste (et d’autant plus en travaillant sur ordinateur il me semble) on peut avoir tendance à se mettre un visuel en tête « qui ait du sens ou soit beau ». Quand je dit « on », c’est « je » en l’occurrence.

Donc, dès que je me surprends à trop penser à l’aspect, j’ai cette phrase de Léo Ferré (dans Et… Basta!) qui me revient : « Quand les gens se mettent à avoir une comptabilité derrière les yeux, ils deviennent des comptables ! », et je me reconnecte à mes sensations. Bref, toujours cette question du fragile équilibre à trouver entre « garder le cap » et « lâcher prise ». Après, il y différents ajustements faits sur le texte lui-même (on peut ressentir le texte différemment à froid), puis sur l’ensemble. Sur cet aspect, le regard et le savoir-faire de Pascale, l’éditrice, ont été particulièrement précieux.

« Probablement y a-t-il également un souffle intérieur qui donne l’élan et les ruptures. »

L  : Quels sont en ce moment les choses que tu écoutes, que tu lis?

Myriam OH : Pour la musique, c’est essentiellement de la chanson française dite « à texte », plus ou moins rythmée selon que je marche ou travaille (cela dit il peut y avoir de la musique du monde ou du heavy metal qui se glisse dedans). Là, c’est une période « nostalgie » où je viens de remplir mon lecteur mp3 de titres que j’écoutais il y a plusieurs années. Peut-être que cet élan vers un nouveau départ me donne envie de m’imprégner de lieux et d’instants pour en tourner les pages en paix. Je voyage donc un peu dans le temps et dans l’espace avec la musique! Pour la lecture, ce sont essentiellement des revues : le travail réalisé ces derniers mois fait que j’en ai reçues… et beaucoup s’entassent sous ma table basse, comme avec mes mille et un projets en tête je ne prends plus le temps de lire.

Je découvre que j’aime beaucoup lire de cette manière : en passant d’un auteur à l’autre, d’un style à l’autre. Chaque revue porte en elle de multiples univers, mais il se dégage pourtant de chacune une identité propre. C’est comme rencontrer quelqu’un en ayant affaire tout de suite à ses multiples personnalités, je trouve ça passionnant et on y déniche parfois des pépites que l’on n’aurait probablement pas découvert autrement. Et qui donne envie d’aller les voir de plus près. J’ai, à côté de ça, mes deux « livres de chevet » dans lesquels j’ai encore de quoi grappiller plusieurs mois : Commentaires sur la vie, de Krishnamurti et Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu (Livres I à XI et suppléments), de Bernard Werber, ainsi qu’une pile de livres « qu’il fallait absolument que j’achète, comme il fallait absolument que je les lise ».. qui attendent leur heure.

L  : Est-ce que ces éléments extérieurs influent sur ta façon d’écrire ?

Myriam OH : On lit souvent ces questions de ce qui influe sur quoi. Je crois que dans n’importe pratique artistique : c’est de soi qu’on met. Ce soi constitué de tant de facettes qu’il paraît compliqué de savoir ce qui agit à tel ou tel moment. Peut-être que tout ce qui suscite une émotion en nous (que ce soit un livre, une musique, un film, une discussion, un regard,..) nous transforme, instantanément ou dans le temps. Et nos mutations successives modifient en parallèle le regard qu’on porte sur les choses. On ne saura jamais qui de l’œuf ou de la poule est apparu en premier. Et c’est tant pis. Et c’est tant mieux. Quand on commence à se demander comment, mécaniquement on fait quelque chose de naturel : on n’y parvient plus. Il y a des liens qui se tissent, des connexions qui se font malgré nous. Des alchimies qui échappent à nos têtes qui voudraient bien tout contrôler.

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« tout mettre en œuvre pour que l’écriture et le spectacle vivant soient au cœur de ma vie »

L  : Sur quoi travailles-tu actuellement ? Et quels sont tes projets à plus ou moins court terme ? Et à plus ou moins long terme ?

Myriam OH : Je ne dirais pas que j’ai réglé la question de la communication me concernant, loin de là, mais je crois que pour le moment j’ai rassemblé ce que j’avais à dire (ou à taire) à ce sujet. Une autre thématique qui me tient à cœur et est en cours de travail est celle de la quête de soi. Ce fil rouge de fond s’accompagne d’une envie de persévérer dans l’idée des collaborations artistiques (musiciens, artistes visuels,..). Ce qui donne en même temps de nouvelles couleurs à mon écriture comme par exemple improviser à partir de photographies, ou d’écrire dans une réelle optique d’oralité. Des « contraintes » que je me donne pour trouver un nouveau souffle et élargir ma palette des possibles.

Les projets spoken word dont je parlais dans la première partie de l’entretien – avec Aïcha Mohammedi et Jean-Marc Bonnemain – sont en cours d’enregistrement, mais la finalité est de les emmener sur scène. En attendant que tout soit prêt pour les formules avec musicien, je propose, dans l’idée de faire vivre les recueils qui viennent de sortir – en collaboration avec l’artiste visuel Pascal Gary aka phormazero – une formule « lecture visuelle sur fond musical » pour laquelle des dates sont d’ores et déjà programmées cet été en Auvergne et dans le Tarn. Nous cherchons d’autres lieux susceptibles de nous accueillir dans les mois à venir, donc si l’idée parle à tes lecteurs… Mes projets sont donc, pour résumer : de tout mettre en œuvre pour que l’écriture et le spectacle vivant soient au cœur de ma vie. Et la réponse à la question qui suit en fait évidemment partie…

L  : J’ai cru voir quelque part que tu propose aussi des ateliers d’écriture. Où, quand, et quels sont les critères pour pouvoir en bénéficier ?

Myriam OH : Effectivement, tu as bien vu! Faire ce que l’on aime, c’est bien. Transmettre, c’est le summum. Je crois. En fait, j’ai eu la chance, en ayant été Animatrice-Coordinatrice pendant dix ans, de pouvoir proposer des projets qui me tenaient à cœur : comme la mise en place d’ateliers d’écriture. Au fil du temps, j’en ai animés plus d’une centaine. Je ne prétends pas savoir écrire. Je ne prétends pas savoir ce qu’est la poésie. Je n’ai la prétention de rien en fait. Mais je crois profondément que l’écriture est un outil de médiation créatrice. Les ateliers d’écriture créative, au-delà de la plume-clavier et des mots, ce sont ces partages d’émotions d’humain à humain qui réconcilient avec l’humanité. Et ça fait un bien fou. Et je ne vois rien de plus essentiel que de se faire du bien et de faire du bien aux autres.

« Faire ce que l’on aime, c’est bien. Transmettre, c’est le summum. »

Bref, ça me permet de lier l’artistique à l’aspect social, qui fait tout autant partie de moi. Donc, dans les faits et à ce jour, je propose deux types d’ateliers : des ateliers en ligne en visio qui sont ouverts à toutes et tous, le seul prérequis étant l’envie. Ils ont lieu le samedi (de 9h30 à 11h30) et le lundi (de 19h à 21h), tous les quinze jours. Ça a démarré au mois de juin. Et je suis ravie des premières séances, et des retours des participants. Je propose également des ateliers au sein de tout type de structures – pour le moment à Toulouse ou dans ses environs puisque c’est là que je vis aujourd’hui – ça se lance doucement. Il faut le temps de se faire connaître, de faire ses preuves.. Mais des liens se tissent, des ponts se créent. Je peux également en proposer en complément des lectures selon les demandes. Bref, tout est possible et ouvert à discussion, il suffit de me contacter.

J’ai d’ailleurs créé, en juin dernier, un site internet qui regroupe toutes les informations relatives à l’ensemble des projets évoqués : https://myriam-oh.com/. Tout y est donc tout à fait à jour!

L  : Que peut-on te souhaiter de bon dans les jours, semaines, mois à venir ?

Myriam OH : De continuer. À avancer. À m’arrêter. Pour me poser des questions. Pour accepter de ne pas pouvoir y répondre. A avancer quand même. De continuer ceux que j’ai aimés. De continuer à aimer.

L  : Merci d’avoir pris le temps de répondre à mes questions.idée

Myriam OH : Merci pour ces questions, en mouvement on oublie parfois de se les poser.

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