MYRIAM OH, Calendrier de l’avent (du monde d’après).
Recueil de poésie disponible chez Maelström reEvolution.
Nous sommes en 2020. Est apparu en début d’année un drôle pas sympa virus de fin du monde. Confinement. Gestes barrière (un doigt d’honneur à l’humanité?). Plus de bises. Déconfinement. Masque. Entassé sur les terrasses, sur les plages, comme des cons, à l’été, re CON finement. Rebelote. Redéconfinement. Et des injonctions, à défaut, à l’époque, d’injections. Noël, ça sera 6 convives à table, et masqués s’il vous plait sinon si mémé calanche, c’est de votre faute, surtout à toi là ! Fort de cette expérience pas du tout traumatisante, dont d’ailleurs les traumatismes ne se sont pas encore tous manifestés, Myriam O.H revient sur son calendrier de l’avent du monde d’après. Et forcément, ça va faire grincer quelques dents.
Or, le bruxisme, c’est pas bien pour les mâchoires. Mais ça peut malgré tout être bénéfique pour ceux qui auraient encore un peu d’âme à revendre. Avec fougue, passion, dérision, désinvolture ou gravité, mais toujours avec cette intelligence émotionnelle que nous lui connaissions déjà, Myriam O.H nous permet d’ouvrir 25 cases regorgeant de confiseries poétiques qui coulent avec délectation derrière nos paupières pour venir enrober notre cerveau d’un éclat nouveau.
Fête de famille.
Un gimmick, récurrent, à plus ou moins grosse échelle ; Quelques poèmes commencent par ce fameux « afin de respecter les mesures sanitaires » qui impose déjà son poids. Claustrophobes, s’abstenir. Libertaires, à la fosse commune, même si comme l’exhorte la poétesse en tout début de calendrier en déclamant « Restons ouverts ne serait-ce que par acte de rébellion » il est fortement question de liberté(s). Individuelle(s), collective(s), peu importe. Le recueil parle et/ou parlera à tous.
Les fêtes de famille, souvent propices aux déjections d’horreurs trop longtemps refoulées, sont prétexte à des vidages de sac, comme pour mieux recommencer l’année, les bagages vides, prêts à être re-remplis. Toujours est-il que c’est l’heure des bilans, l’heure aussi de peaufiner ces bonnes résolutions qui ne servent jamais à rien d’autre qu’à faire parler le 2 janvier. Dans ce calendrier de l’avent pas comme les autres, nous retrouvons un peu de tout ça, mais aussi de la tendresse, de l’amour, un lien qui ne se créera pas ou qui a été rompu un jour.
Et la révolution ?
Elle est intime, ici, comme fruit d’un combat personnel mené depuis longtemps et qui conduirait à une forme d’apaisement. Pas d’amertume, pas de colère, un constat. Cependant, amertume et colère sont souvent hors-cadre, jouant les fantômes manipulateurs. La résignation aussi, mais elle se trouve toujours contrebalancée par une force de vivre au-delà de ses limites ;
Vivre, c’est magique, c’est aussi essayer de le faire le mieux possible, pour ne rien regretter. Or, on sent presque poindre un peu de cela dans quelques textes traitant de l’in-maternité. On s’invente des mots nous aussi, comme le superbe verbe « entrersortir » qui devrait figurer dans tous les dicos. Nous nous éloignons du sujet pardon. Reprenons. Alors on ouvre nos petites cases, une par jour pour les plus gourmets et respectueux, toutes d’un seul coup quand on est pur gougnafier, gourmand (c’est un péché capital ne l’oublions pas). Mais il faut toujours savourer chaque ligne, chaque texte, car les sens qu’il dégage sont multiples.
Ils éveillent des images, des sensations, du genre de celle qu’on aime chérir au creux de notre ventre, comme une boule chaude qui envelopperait nos membres, notre coeur et surtout notre âme.
Un seul défaut.
Ce Calendrier de l’avent (du monde d’après) est court. C’est un défaut. Et c’est une qualité. Défaut car nous en terminons vite avec ces sucreries chocolatées, un peu douces-amères, ou quoi que vous vouliez. Qualité car nous pouvons à tout moment de notre vie le saisir à nouveau en nos mains lavées de tout soupçon et en savourer quelques proses, en fonction de l’état du moment.
Avec ses mots, Myriam O.H nous touche en plein cœur. C’est vrai, son âme révolutionnaire est un peu cousine avec la nôtre, parce qu’il s’agit autant de révolution de l’intime que de (r)évolutions au sens le plus large du texte. Parce que c’est en changeant nous-mêmes qu’on en vient à changer le monde. Ainsi, ces mots font leur ouvrage, sans être ostentatoires, mais au contraire d’une finesse incroyable.