MUSTA FIOR Collages

Musta Fior « FSRP #261 (série abstracts) » Le collage en en-tête d’article est Musta Fior « Broken Flower #21 »

Le collage, nous en avons tous fait, petits et grands. Ne serait-ce qu’à l’école maternelle, lorsque nous collions des gomettes pour rendre jolie la carte de la fête des pères ou de la fête des mères. Puis, un peu plus vieux, en cours d’art plastique, divers collages pouvaient nous être demandé par un professeur plus ou moins impliqué. Selon le thème, cela pouvait donner des résultats probants, d’autres fois moins, mais nous découpions des magazines, des images ici ou là dérobées pour les assembler sur une feuille Canson ou une planche de bois.

Aujourd’hui, la plupart d’entre nous avons stoppé cette activité. Un peu comme le dessin. Mais des artistes ont continué, persévéré. De grands artistes s’y sont collés, de Picasso à Dali, en passant par Max Ernst et Rauschenberg. Souvent, ces collages se trouvent dissimulés sous des couches de peinture ou d’autres matières pourtant ils sont le point de départ de bien des œuvres.

Nous allons vous proposer la découverte d’un artiste « colleur » autrement appelé Collagiste. Il se nomme Musta Fior. La plupart de ses collages ont trouvé refuge dans des revues et magazines, dans des webzines français ou internationaux, ou dans des ouvrages dédiés, collectifs ou non. Des expositions les virent fleurir leurs murs, collectives ou personnelles, comme autant preuves de l’enthousiasme qu’elles suscitent et de l’énergie de leur créateur à les partager avec le plus grand nombre.

Nous vous proposons une interview de Musta Fior qui vous permettra de mieux connaître cette discipline et son parcours artistique.

Pour appréhender son univers, nous vous invitons tout d’abord à vous rendre sur son site personnel, ICI. Vous pourrez y découvrir les différentes œuvres de cet artistes pointilleux, coloré et follement imaginatif. 

INTERVIEW MUSTA FIOR

Litzic : Bonjour Musta Fior. Toute première question, comment vas-tu ?

Musta Fior : Ça va plutôt bien. Ça bouge pas mal en ce moment, il y a de jolies choses qui arrivent. Publications de collages dans des revues et artzines comme Violences, Le Bateau, Joie Panique, Gore Zine, Oltre Collage, dans un Obs hors-série. Une expo collective dans un centre culturel au Tyrol, une autre prévue dans une galerie à La Rochelle.

L : Deuxième question : comment t’es venue l’envie de faire des collages ? Est-ce un art que tu pratiques depuis l’enfance et qui n’a jamais cessé ou bien est-ce une vocation arrivée plus tard ?

Musta Fior : Bien qu’ayant déjà collé par le passé, cette vocation, comme tu le dis, est née un jour de juillet 2010. Ne pouvant sortir, lors d’une semaine grise et pluvieuse en cet été,  je me suis mis à découper du papier et tenter un collage. J’étais alors un récent utilisateur de Facebook, où j’avais pris l’habitude de poster des petits albums d’une trentaine de vues d’artistes illustrateurs, dessinateurs, photographes, … que j’aimais ou que je découvrais, que j’avais envie de partager. À ce moment-là d’ailleurs, le réseau était encore assez free, et j’ai pu y poster des images de Trevor Brown, Dr Lakra, Béatrice Morabito, Mirka Lugosi , Akino Kondoh, Mark Ryden, etc … sans en être inquiété. En effet, ces images non pornographiques mais qui montrent un bout de sein, peuvent être tout bonnement censurées aujourd’hui. J’avais donc pris l’habitude de poster les images des autres, et je me suis dit, après avoir réalisé le collage, « tiens si je postais mon image sur ma page », avec une petite appréhension tout de même. Il s’est trouvé que celui-ci a obtenu quelques likes. C’est ainsi que j’ai voulu en savoir un peu plus sur ce que je pouvais inventer et j’ai donc réalisé un second collage, puis un troisième, puis … J’ai dû en réaliser depuis, et en huit ans, plus de 800.

L : Quel parcours t’a mené jusqu’au collage ?

Musta Fior : Mon parcours est celui d’un autodidacte. Je n’ai pas suivi de cours ni fait d’écoles. Cependant je me suis toujours intéressé à l’image, aux images, depuis tout petit. Je suis un passionné et collectionneur d’albums et de revues, ce qui a sans doute forgé mon oeil. Et puis j’ai quand même expérimenté par le passé, le dessin, le découpage, le trichlo, avant de me lancer véritablement et de manière stable vers le collage.

L : Quelles ont été les déclencheurs, les inspirateurs et les inspirations t’y ayant mené ?

Musta Fior : Il n’y a pas eu réellement de déclencheurs, car je m’y suis mis tout seul. Quant aux inspirateurs, il n’y en pas vraiment eu car j’ai commencé à m’intéresser aux collagistes et à ceux qui ont fait l’histoire du collage un peu plus tard, quand j’ai constaté que mes collages commençaient à pendre et que je devais en savoir un peu plus sur ceux qui ont été des maîtres en ce domaine. Je pense ainsi à Hannah Höch, Karel Teige, Georges Hugnet, Prévert, Eduardo Paolozzi, Linder Sterling … entre autres.

L : Quel est le point de départ de tes oeuvres ?

Musta Fior : Je travaille surtout par accident. Je teste des assemblages sans réellement d’idée précise et si le résultat de l’accident fonctionne bien, je m’attaque alors à réaliser une série. Cela va de 10 à 40 collages par série. C’est un peu pour cela d’ailleurs qu’une série ne va pas ressembler à une autre. Certains d’ailleurs pourraient trouver qu’il n’y a pas d’unité dans mon travail, mais je m’en fous un peu, je me sens libre de coller ce que je veux en fait. Il arrive également souvent que je sois amené à travailler sur un seul collage, en rapport à un thème précis commandé par une revue, un artzine, une expo.

L : Où trouves-tu la matière première de tes collages ? S’agit-il de magazines, de bouts de papier trouvés dans la rue, d’affiches ?

Musta Fior : J’amasse pas mal. Bouquins et revues trouvés dans la rue, chinés pas chers dans les vide-greniers, Emmaüs, et dons divers.

L : Dans tes oeuvres, nous trouvons beaucoup de plantes. Pourquoi ? Veux-tu faire passer un message écologique ?

Musta Fior : Non, pas du tout, même si c’est bien évidemment quelque chose qui me parle. Même si, également, j’apprécie la vue des fleurs, des plantes et des arbres. Tiens, d’ailleurs, je viens récemment de trouver dans la rue un petit guide de connaissance des arbres et je me suis dit que je ne le découperais pas celui-ci, il peut me servir lors de promenades.

Les plantes ont été tout d’abord un exercice de découpe. Faire tourner les ciseaux autour de pétales de roses ou de feuilles dentelées d’une plante verte est assez délicat. C’est donc du découpage dentelle mais curieusement assez relaxant. Ensuite, les « accidents » de placement de plantes sur des corps ont assez bien fonctionné, c’est un peu pour cela que l’on en trouve beaucoup, pour l’instant, dans mes séries.

L : Nous y trouvons également beaucoup de femmes. Un dessinateur de BD expliquait qu’il aimait dessiner des femmes nues car il trouve leur corps plus élégant, naturellement parlant, que celui des hommes. As-tu la même vision que lui ?

Musta Fior : Un peu en effet. C’est plus agréable à travailler, à découper, à ciseler. Les courbes féminines sont sans pareil. Mais surtout, les images que j’utilise proviennent en majeure partie de magazines féminins, ou d’ouvrages faits pour les mâles, je n’y trouve peu d’hommes, qui plus est, dénudés. Mais je ne m’interdis pas à les découper, il suffit juste que je trouve les bonnes matières. Elles y sont peut-être dans les magazines nudistes des années 50 ou 60, mais cela coûte cher sur le web. Je travaille surtout à base de récup, c’est mon côté écolo …

L : Tes œuvres sont très contrastées, passant du noir et blanc aux couleurs vives. Y a-t-il une raison particulière à cela ?

Musta Fior : J’aime les deux. Le noir et blanc est assez intéressant par rapport à ses différentes teintes, suivant les magazines, les époques et la texture du papier. Les noirs peuvent être légèrement gris, bleus, verts, ou jaunis par le temps. Et la couleur, oui, elle est indispensable, c’est elle qui donnera un peu plus de force au noir et blanc.

Dans ma série des abstracts, j’utilise les deux constamment. C’est une série que je réalise avec les chutes de papiers découpés pour d’autres collages. Je pioche dans ma poubelle de table des restes d’éléments qui n’ont rien à voir les uns avec les autres et je les place d’une certaine manière sur mon carton. Ce sont des collages non pensés, instinctifs, rapides, mais dans lequel il y a toujours du vivant, un bras, une tête, une jambe, … qui se mixe ainsi avec des fragments abstraits déjà prédécoupés involontairement.

L : Je trouve tes œuvres dynamiques, avec beaucoup de courbes et peu d’arêtes. Est-ce volontaire de ta part ou cela survient-il de façon spontanée ?

Musta Fior : Dans les séries, c’est vrai, il y a peu d’arêtes. Mes ciseaux très pointus et bien aiguisés aiment bien les courbes en effet. Quand il y en a, c’est pour accentuer leur présence. On en trouve un peu plus dans les abstracts car les fragments collés sont issus des chutes qui possèdent parfois des angles ou des droites.

L : Te revendiques-tu d’un mouvement particulier (je pense au mouvement pop par exemple) ?

Musta Fior : Je ne me revendique pas d’un mouvement en particulier. Je suis simplement un collagiste qui essaie de faire perdurer l’art du collage, lancé par les mouvements DADA, Fluxus, Pop ou Punk. J’essaie juste de ne pas être dans la copie. Il y a tant d’inventions dans l’utilisation du papier découpé qui ont déjà été réalisées par le passé qu’il est difficile d’être novateur. Il ne faut surtout pas y penser et coller, coller, et encore coller, pour se distinguer des autres.

L : Tu as l’air de te démener comme un beau diable pour faire voir ton travail. Est-ce chose aisée ? Es-tu aidé en cela par des associations d’artistes, des organismes publics ?

Musta Fior : Je me démène en effet. Régulièrement, je participe à ce que l’on appelle des « call for artists » et je tente ma chance ici ou là. Je fais cela tout seul, mais cela fonctionne plutôt bien. C’est en frappant aux portes, en envoyant mon boulot à quelques-uns, que j’ai pu me faire connaître. Je remercie d’ailleurs ici ceux qui très tôt ont publié quelques-uns de mes collages. En dix ans, j’ai ainsi été publié par de nombreuses revues alternatives internationales et dix recueils ont vu le jour, notamment chez les Français Les Crocs Electriques, Culture Commune ou chez l’Irlandais Redfoxpress. À force de me démener, j’ai pu par exemple expliquer ma démarche au micro de Mauvais Genres sur France Culture ou de répondre à vos questions ici même. Il y a également du retour, puisque je trouve dans mes mails des invitations à participer à une expo ou un magazine, sans avoir eu à contacter les demandeurs.

L : La question qui fâche : aujourd’hui, gagnes-tu ta vie avec ton travail de collagiste ?

Musta Fior : Non, bien sur. L’art du collage est pour certains un art mineur, beaucoup moins précieux que la peinture, donc moins … « vendable ». Ils se trompent, rappelons ici les excellents travaux d’artistes comme John Stezaker, Erro, Linder, ou Baldessari. Les galeries françaises sont frileuses, parce que souvent les collagistes travaillent sur du petit format, alors que les acheteurs veulent, soi-disant, du grrrrand. 

Il arrive bien sur que mes collages illustrent un sujet de presse, j’aime beaucoup cela, mais je ne me sens pas réellement illustrateur. Et puis, l’illustration n’est pas un domaine aujourd’hui dans lequel on s’enrichit. Il faut juste rappeler que ceux qui ont choisi les arts visuels n’ont pas de statut. Tu as une commande, c’est bien, si tu en as pas, rien en échange. L’illustrateur n’est pas protégé en droit de salarié, d’intermittence, etc.

L : Que peut-on te souhaiter pour les mois à venir ?

Musta Fior : De continuer à faire de belles rencontres pour pouvoir proposer mes œuvres à des publications, à des galeries mais surtout à des éditeurs. J’aime l’objet livre, je suis collectionneur.

Un très grand merci à Musta de nous avoir contacté et permis de découvrir son travail. Ce merci accompagne bien entendu le fait qu’il se soit plié au jeu de l’interview. N’hésitez pas à laisser vos impressions si comme nous son travail vous parle !

Pour rappel, retrouvez le travail de Musta Fior à cet adresse :

https://mustafior.wixsite.com/mustafior

Musta fior nous a laissé un petit post-scriptum que nous restituons ici :

Dernière chose, la musique est indispensable à mon quotidien, depuis toujours. Je ne vis pas dans le passé, je passe beaucoup de temps dans la recherche de la nouveauté, dans ce que j’ai pu zapper à un moment, ou dans la redécouverte de choses oubliées, etc …

Pas de chapelles dans mes oreilles, que des choses le plus possible soigneusement sélectionnées.

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