Keren Ann illusionne le Trianon

Keren Ann

Keren Ann et le quatuor Dubussy, Lundi 3 octobre 2022, Le Trianon Paris, Photo : Patrick Auffret

Un lundi 3 octobre sur la Terre.

La voluptueuse Keren Ann  jouait lundi 3 octobre dernier sur la scène du Trianon à Paris avec le quatuor Debussy. Le public est sorti ensorcelé par le charme de la jeune femme.

La très jolie salle du Trianon, à Pigalle, offrait un écrin idéal à Keren Ann. La jeune femme venait présenter un répertoire réarrangé pour le quatuor à cordes Debussy, répertoire couronnant 20 ans de carrière.

Ils sont d’ailleurs les premiers sur scène, debout face à un public entièrement assis. Le quatuor Debussy a pris l’habitude d’accompagner sporadiquement Keren Ann et a même enregistré un album avec elle. Le quatuor, trois violonistes et un violoncelliste, ouvrent sans un mot les débats avec un morceau d’Anton Dvorak puis prennent place en arrière-plan.

Paris, tout simplement

Keren Ann, cheveux détachés, ensemble noir et épaules dénudées arrivent à son tour sur scène, sous les applaudissements. Elle se saisit d’une guitare électrique et envoie The Harders Ships Of The World avec grâce. Ce déjà vieux titre, il date de 2007, est extrait de l’album éponyme de Keren Ann. La musique des cordes du quatuor, transcendée par la voix douce de la chanteuse autrice compositrice, résonne comme une folie douce.

 

Keren Ann et le quatuor Dubussy, Lundi 3 octobre 2022, Le Trianon Paris, Photo : Patrick Auffret

 

La chanteuse a décidé de jouer d’emblée des morceaux en Anglais et ne prononce qu’un mot : « Paris ». You’re Gonna Get Love, Chelsea Burns, le quatuor devenu quintette déroule avec passion  ses partitions et les quatre musiciens lâchent même un furieux« Nothing » en écho aux paroles de la chanteuse sur le superbe It Ain’t No Crime.

Un trac fou !

« Paris vous nous avez eus » lâche le sourire aux lèvres une Keren Ann décidément peu loquace. Elle donnera l’explication un peu plus tard : un trac fou !

Keren Ann et le quatuor Dubussy, Lundi 3 octobre 2022, Le Trianon Paris, Photo : Patrick Auffret

Elle chante désormais en français ses premiers grands succès, Faire Des Ronds Dans L’Eau à la guitare acoustique et Jardin D’Hiver à l’électrique, deux chansons écrites, il y a bien longtemps, déjà avec Benjamin Biolay, pour Henri Salvador. Cette dernière chanson avait permis à Henri Salvador de revenir sur le devant de la scène avec son album « Chambre avec vue » mais était aussi sorti la même année sur le premier album en français de Keren Ann,  » La Biographie de Luka Philipsen« .

Tutoyer les anges

La magnifique chanson L’Illusionniste, jouée toute en retenue, laisse rêveur et permet au public de « tutoyer les anges » à son tour. À peine le temps de se remettre, l’anglais reprend le dessus avec  Lay Your Head Down, le titre phare de l’album éponyme de Keren Ann, volontiers mis en avant ce soir.

Keren Ann et le quatuor Dubussy, Lundi 3 octobre 2022, Le Trianon Paris, Photo : Patrick Auffret

On se dirait presque dans une ambiance veloutée à la Portishead. Le public applaudit chaudement, Keren prend place au piano pour jouer deux titres, Ton Ile Prison, magnifique chanson extraite de l’album « Bleu », son dernier opus en solo tout comme Sous L’Eau, interprété en apnée.

Un poème

Keren Ann se livre alors à une confidence. Celle qui habite désormais Les Abbesses à Paris après avoir passé sa jeunesse en Hollande raconte être venue à pied au concert en prenant le funiculaire, chose qu’elle ne fait jamais, mais là elle avait un gros sac et une de ses guitares à transporter. Et dans ce funiculaire, en descendant la butte Montmartre, il lui est venu l’idée de transmettre à son public un court poème autour de la haine et de l’amour, quelques mots griffonnés sur une feuille juste avant son entrée sur scène, histoire de bien le retranscrire. Le poème fut lu avec conviction dans un silence de cathédrale.

Keren Ann et le quatuor Dubussy, Lundi 3 octobre 2022, Le Trianon Paris, Photo : Patrick Auffret

Puis Keren Ann laisse ses guitares de côté le temps de jouer My Name Is Trouble. Elle reprend ensuite sa guitare électrique et clôture le show avec deux titres en anglais In Your back et Strange Weather, une chanson spécialement écrite pour être jouée avec le quatuor Debussy.

Décrocher les étoiles

Portés par l’ovation d’un public debout, les musiciens se pressent autour de Keren Ann pour un premier salut qui ne trompe personne : le spectacle n’est pas terminé.

Joliment soutenue par les cordes du quatuor, Keren Ann se lance dans une brillante réorchestration du sublimissime Life On Mars de David Bowie. L’ovation est une nouvelle fois terrible. La suite ? Un morceau de l’album « 101« , Blood On My Hands puis un nouveau salut ovationné une nouvelle fois.

Keren Ann et le quatuor Dubussy, Lundi 3 octobre 2022, Le Trianon Paris, Photo : Patrick Auffret

Not Going Anywhere obtient le même succès. Keren Ann est visiblement émue, les mains tendues vers le ciel. Les applaudissements reprennent comme jamais. La chanteuse offrira au public parisien, toutes lumières allumées dans la salle à sa demande, un dernier morceau au piano, une belle reprise du Don’t Explain de Billie Holiday. Le quatuor a lui rangé ses instruments pour s’accouder au piano autour de la chanteuse.

Une quinzaine de jours après le triomphe de Benjamin Biolay à la Cigale à quelques pas de là, Keren Ann mettait à son tour Paris à ses pieds au Trianon, l’une de ses plus belles salles.

patrick auffret

 

Pat Auffret

Il a rejoint l’équipe début 2022 et son corps de métier se tourne vers la scène où il photographie les musiciens en même temps qu’il s’imprègne de leur musique, qu’il restitue son forme de live report hyper pointus.

Ancien rédacteur en chef à Publihebdos, Pat Auffret a également collaboré durant 20 ans avec le magazine Longueur d’Ondes et Rock & Folk. Il travaille régulièrement avec l’agence photo Dalle et ses clichés ont été publiées dans divers journaux nationaux (Le Monde, Les Inrockuptibles, Rock&Folk, …) et internationaux.
Il est aujourd’hui président de l’association dédié au spectacle vivant Out of time.

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