FLORENT LUCÉA « La Cérémonie » deuxième partie

florent lucéa luxis luceartistDécouvrez la deuxième partie de La Cérémonie, nouvelle de notre auteur du mois Florent Lucéa.

Retrouvez la première partie de La Cérémonie ICI

Les trottoirs évacuent l’eau de pluie, les troncs synthétiques distillent de l’oxygène en continu, et les lampadaires aspirent le gaz carbonique émis par la foule dense d’une bourgade gigantesque, surpeuplée, dépourvue de tout crime, de toute inégalité, et de toute guerre.
Dans cette société idéale, l’envie, la jalousie, la concupiscence, la médisance, et la méchanceté ont été bannies. Il n’y a pas de dictateur, de secte, de terroriste, de discrimination, ou de racisme. Les temps anciens ont été tellement rudes que cette paix logée dans le cœur de chaque individu est un trésor précieux alimenté par les festivités mémorielles. Ne pas oublier, ou renier le passé, même très éloigné, est une preuve de grande sagesse, et permet de ne pas réitérer les erreurs d’antan.

La robe que porte notre héroïne a été confectionnée par ses soins. Elle est constituée de myriades d’écailles de miroir. Dès que la lumière du soleil se fraye un chemin entre les immeubles, le vêtement scintille. Ce phénomène est rare, étant donné la taille gargantuesque des bâtiments édifiés grâce à des robots-ouvriers autonomes, payés comme n’importe quel salarié. Ils ont droit à la sécurité sociale et à une retraite bien méritée quand leurs écrous sont fatigués.
Alizée presse le pas. Elle doit se rendre chez Ciderande, la multinationale de son père, le Patriarche de Bordevigne, à la fois maire, président de la République et seigneur de ces landes technologiques, où des citoyens mécaniques côtoient des habitants organiques avec leurs animaux de compagnie aux livrées improbables. Il faut dire que des entreprises de génétiques ont recréé près de quatre-vingt-dix pour cent de la faune et de la flore, après la catastrophe, désignée par le terme de Jour Dernier.

Cet événement douloureux a marqué le monde de son empreinte, à tel point que la planète bleue ne compte plus qu’un continent sain, quelques pays soudés à jamais, et quelques agglomérations comme Bordevigne, où les citadins peuvent s’épanouir en toute tranquillité. La cérémonie du souvenir a été instituée pour ne jamais oublier ce cataclysme.
Les autres régions sont radioactives, désolées et moribondes. Les sondes envoyées dans ces zones font état de cimetières de carcasses métalliques, de lacs d’acide, de volcans en perpétuelle éruption, de pluies de cendres corrosives et de rivières empoisonnées.
Les explorateurs, engoncés dans leurs scaphandres hermétiques, ont observé les vestiges des villes de jadis. Ils ont collecté des images de la statue de la Liberté sans tête, du Kremlin effondré, du Grand Rift nécrosé, de la muraille de Chine lézardée, de l’opéra de Sydney en déliquescence. Les cinémas diffusent en réalité augmentée ces scories du passé.
Les fanatiques de la pellicule peuvent s’immerger totalement dans les films. Cette intense expérience est idéale pour créer une catharsis chez les aventuriers en herbe. Purger les passions par des spectacles fantasmagoriques, et pyrotechniques gomme toute animosité latente qui pourrait encore subsister dans les cortex.

Ce texte est publié avec l’aimable autorisation de Florent Lucéa.
© Florent Lucéa – tous droits réservés, reproduction interdite.

Retrouvez le portrait de présentation de Florent Lucéa ICI

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