FLORENT LUCÉA conversation à bâton rompus
Florent Lucéa L’interview
Nous vous invitons à découvrir l’interview que nous avons réalisée avec notre auteur du mois Florent Lucéa. Il s’agit de la première partie de celle-ci, la deuxième et la troisième seront dévoilées demain et après-demain.
« Je tente de me renouveler sans cesse afin de ne pas tomber dans la routine »
Litzic : Première question rituelle. Avant toutes choses, comment vas-tu ?
Florent Lucéa : Je vais très bien. J’ai plusieurs casquettes professionnelles qui s’imbriquent et se connectent d’une manière équilibrée. Les projets s’enchaînent. Les rencontres décisives aussi. Je prends un plaisir fou à diversifier au maximum mes activités et je ne m’ennuie donc pas une seule seconde. Je tente de me renouveler sans cesse afin de ne pas tomber dans la routine.
Une certaine stabilité se dessine peu à peu sur ma palette très riche et je souhaite continuer à transmettre mon amour de l’art, des mots, des relations humaines saines et positives en bannissant les influences néfastes. Il est important de mordre la vie à pleines dents, de « cueillir le jour sans se soucier du lendemain et d’être moins crédule pour le jour suivant. » Pourquoi se laisser abattre par les obstacles dressés sur notre route ? Emprunter des chemins de traverse représente pour moi le sel de l’existence.
Je suis au top de ma forme, même si je suis en révolte permanente contre toutes les injustices et les oppressions et que mes univers imaginatifs pointent du doigt ces fléaux de l’humanité. Je suis un artiste dans toutes les fibres de mon corps, mes cellules sont en ébullition constante et je lutte à mon échelle contre le marasme normatif dans lequel des esprits obtus voudraient nous maintenir.
« Je suis à la fois auteur et plasticien »
L : Peux-tu nous expliquer un peu qui tu es et quel est ton parcours ?
Florent Lucéa : Je suis âgé de 38 ans. Mes deux parents étaient militaires dans l’armée de Terre. Je suis Martiniquais par mon père, et périgourdin par ma mère. Je suis à la fois auteur et plasticien. Je ne me cantonne ni à un support ni à un médium et j’écris des textes de tout style (romans, nouvelles, poèmes).
J’ai fait des études littéraires, j’ai été auditeur libre aux Beaux-arts de Bordeaux, j’ai déménagé quelques fois au gré des mutations de ma mère. Je fais partie de plusieurs collectifs artistiques et associations qui me permettent de diffuser mes créations en donnant des ateliers, en participant à des expositions, en m’investissant auprès de différents publics.
Je suis également depuis neuf ans accompagnant d’élèves en situation de handicap. J’assiste à certains cours, j’aide des jeunes souvent marginalisés à cause de leur handicap et je suis un lien entre eux et les autres.
Toutes ces différentes facettes nourrissent ma personnalité polymorphe.
« J’ai eu l’envie de créer mes propres personnages et de leur faire vivre des aventures plus ou moins fantastiques »
L : Depuis quand écris-tu ? Qu’est-ce qui a déclenché cette envie ?
Florent Lucéa : Mes premiers textes datent de l’école primaire et traitaient des animaux, notamment les insectes. Ma grand-mère maternelle conservait ces poèmes dans un tiroir et me les montrait régulièrement. Je prenais beaucoup de plaisir avec les sujets de rédactions imaginés par mon professeur de Français de 5e et 4e. Ma rencontre avec cette femme passionnée, avec qui j’ai gardé le contact, a été déterminante dans mon désir de coucher sur le papier des idées difficiles à exprimer à haute voix.
Lors de mes études à la fac de Paris X, j’adorais les cours explorant des sentiers divers et variés. J’ai d’ailleurs participé à des ateliers menés par un auteur de nouvelles.
Par la suite, j’ai eu l’envie de créer mes propres personnages et de leur faire vivre des aventures plus ou moins fantastiques. J’ai replongé dans les poèmes animaliers. Les projets se sont succédé. J’aime m’impliquer dans chaque strate d’un univers, mais aussi collaborer avec d’autres créateurs afin de partager, d’échanger et de s’épauler sur les routes complexes de l’écriture.
« Ses Fleurs du Mal sont délectables comme un bon verre de vin. »
L : Quels sont les auteurs qui t’ont fait découvrir la littérature ? Qu’aimais-tu chez eux ?
Florent Lucéa : Quand j’étais à l’université, je me suis nourri de beaucoup d’auteurs classiques, sérieux et décisifs pour me construire en tant que « jongleur des mots ». J’ai apprécié tout d’abord la littérature antique, la mythologie, les dieux, les métamorphoses. La littérature du Moyen-âge a suscité mon intérêt avec ses fées, ses chevaliers et ses aventures épiques. J’aimais les expressions de ces deux époques, le théâtre grec d’Aristophane, les Lais de Marie de France, l’amour courtois et surtout la légende de la fée Mélusine. J’ai toujours adoré le théâtre de Molière pour sa vitalité et ses situations comiques délicieuses, de Shakespeare pour ses personnages en proie à des passions exacerbées, la poésie de Baudelaire qui peut parler d’une charogne, d’un albatros ou du mal-être intrinsèque du poète avec une virtuosité qui force le respect. Ses Fleurs du Mal sont délectables comme un bon verre de vin. Avec modération, évidemment.
J’ai été marqué par Notre-Dame de Paris, l’Étranger de Camus, l’Étrange cas du Dr Jekyll et de M Hyde de Stevenson, le Vieux qui lisait des romans d’amour de Sepulveda, la Cousine Bette de Balzac, Nana de Zola, Bel Ami, et le Horla de Maupassant… La liste s’allonge au fil des années.
« Je ne suis pas élitiste en matière de lecture »
Je me suis aussi nourri de bandes dessinées, de mangas, de romans modernes, de gare. Je ne suis pas élitiste en matière de lecture. J’ai dévoré des comics américains, avec une préférence pour ceux de Stan Lee. Je suis devenu un fan des XMen et consorts. J’ai été sensible au travail de Frank Miller, de Mike Mignola, de Moebius, de Moriss, de Goscinny et Uderzo.
J’aime beaucoup me lancer dans des périples littéraires tous azimuts. Des ouvrages s’ancrent en moi durant des années comme Moi Tituba Sorcière de Maryse Condé, le Rapport de Brodeck de Philippe Claudel, les Falsificateurs d’Antoine Bello, Au cinéma Lux de Janine Teisson, les Culottées de Pénélope Bagieu, les séries l’Attaque des Titans, Walking Dead, la Caste des Métabarons, ou plus récemment, Ces jours qui disparaissent de Timothé Le Boucher.
Tous ces voyages m’ont incité à explorer des formes différentes, à repousser mes limites, et à modeler des personnages souvent confrontés à un monde qui les rejette, ne les comprend pas, ou cherche à les faire taire. J’apprécie les textes qui provoquent les questions, suscitent l’émotion et le sourire tout en donnant à réfléchir. J’essaie de transmettre désormais les valeurs auxquelles je crois, à la fois dans mes livres et dans mes dessins, mes peintures et mes volumes.