SUN, Brutal pop 2
Deuxième EP disponible le 13 janvier.
La surprise était de taille à l’écoute du premier EP. Qui était cette femme capable à la fois de nous bercer avec une voix angélique puis de nous retourner la tripaille avec des hurlements à faire blêmir d’effroi les âmes les plus délicates ? Karoline Rose posait, avec ce premier exercice les bases de la brutale pop, un mélange sucré épicé allant de Beyoncé à Slayer en une fraction de seconde. C’est tout naturellement qu’elle revient avec son deuxième exercice court, logiquement nommé Brutal pop 2 qui, si la surprise initiale liée à la découverte de ce style pour le moins originale est désormais consommée, impose son style avec maturité et une rare maitrise.
Alors, oui, nous ne sommes plus surpris par cette capacité vocale à passer de la « comptine » au rock tendance death sans crier gare. Pourtant, le charme agit de façon plus prononcée, plus appuyée, car Karoline Rose a affiné son art et affuté ses cordes vocales pour un maximum d’intensité et d’impact.
Riffs et screams.
Nous retrouvons donc cette voix n’étant pas sans nous rappeler celle d’une certaine Courtney Love, une autre sacrée nana qui révolutionnait son genre avec son groupe Hole dans les années 90. Cette voix, élastique, se pose sur des refrains aux mélodies catchy, se fait relativement enjôleuse, mais jamais charmeuse, avec toujours ce grain qui, on le sent, pourrait basculer du côté metal sans prévenir.
C’est ce qui arrive, souvent, au niveau du refrain de Wave par exemple où la voix déraille ostensiblement pour nous propulser dans les cordes, ou plus exactement comme si, lors d’un accident de la route, une voiture provenant d’une rue perpendiculaire à la nôtre nous rentrait dedans sans prévenir et nous projetait avec force de côté. Souffle coupé, groggy, la puissance du refrain nous cueille au foie.
Ce schéma se répète plus ou moins selon les mêmes codes sur les autres titres, nous laissant souvent exsangues. La recette fonctionne, pourtant nous sentons que Sun n’abuse jamais de celle-ci, que ses screams interviennent toujours à bon escient, pour véhiculer une émotion viscérale et une intensité toujours bien dirigée.
Guitares affûtées et rythmiques massives.
Cette performance vocale s’appuie sur des riffs cinglants et sur une rythmique pouvant être à la fois proche du disco (Strenght) ou très orientée death (elle se fait donc plus lourde et massive). La production évolue par rapport au premier EP. Elle est un poil moins revêche, s’avère un peu plus ample, ce qui apporte une chaleur nouvelle aux compositions, sans pour autant sombrer dans une mélasse insipide ou FM. Le dosage est impeccable et s’avère à la fois accueillant et déroutant.
De même, de nombreux arrangements, notamment sur la voix, viennent donner du corps au disque. Overdubs de voix, reverb utilisée avec tact et précision, tout ici sert le propos et les compositions en sortent toutes grandies. Il se trouve en plus que celles-ci sont relativement différentes dans la forme, même si reposant globalement sur le schéma pop traditionnel couplet refrain, couplet refrain pont, couplet refrain… En alternant aussi les climats (l’apaisé The Bridge dont l’introduction contraste violemment avec la fin apocalyptique de Princess Erakin), Sun nous maintient captifs de son aura démoniaque.
Un finish époustouflant.
The Bridge aurait pu annoncer une fin de disque plus pop, mais Sun prend le rebours de nos attentes en nous proposant du très lourd avec John and I, probablement son meilleur titre, tous EPs confondus. Sa performance vocale est simplement géniale et la composition se pose très vite dans un registre hard rock poisseux et étouffant. Les claviers ajoutent en plus une ambiance à la « halloween » saisissante qui ne rate pas de nous faire frissonner. Ce finish d’une rare intensité nous laisse espérer une prochaine étape attendue, celle d’un long format qu’on imagine forcément décisif.
En attendant, on ne saurait trop vous conseiller de vous pencher sur cet EP, mais également de suivre Sun sur les réseaux car elle a déjà pu nous gratifier de reprises intéressantes de certains de ses classiques, revisités à sa sauce.
Quoi qu’il en soit, Brutal pop 2 assoie un style totalement à part et plus réjouissant que jamais !
Patrick Béguinel