CÉLINE ROBINET/POPPY Z BRITE Vous avez le droit d’être de mauvaise humeur…/Self made man

Le dossier du mois de juillet, et celui du mois d’août, sera exclusivement basé sur des ouvrages parus aux Éditions Au Diable Vauvert.

Plus ou moins récents, tous sont très différents. Vous allez donc découvrir l’univers de cette maison d’éditions originale.

Voici la chronique de deux recueils de nouvelles pour achever notre dossier estival consacré à la maison d’édition Au diable vauvert. Pour accoupler ces deux ouvrages de deux auteures différentes ? Simplement parce qu’un point commun les relie et entremêle leurs histoires, à savoir un certain goût pour l’écriture horrifique.

Le premier recueil est celui de Céline Robinet et date de 2005. Vous avez le droit d’être de mauvaise humeur mais prévenez les autres regroupe pas moins de 19 nouvelles (dont l’une, Mickael, en deux parties) aux charmants noms de Coup de pompe funèbre, de Qui va à la chiasse ou de Il n’y a pas de fumée sans cancer.

Bien évidemment, nous avons choisi les plus évocateurs. Vous noterez que le bon goût qui est le nôtre ne pouvait que saliver devant un tel parterre de calembour et autres traits d’esprits que Céline Robinet prend un malin plaisir à distiller tout au long de ces histoires. Cet humour potache se retrouve dans des scènes de la vie quotidienne déformées par le prisme de l’horreur que l’auteure rend banale. Nous sentons une mélancolie, une fatalité mais également une poésie émarger de ces quelque 245 pages. Il est ici question de gore, d’onirisme anachronique, de détournement de la langue et de questions existentielles.

L’écriture de l’auteure est dynamique, enjouée, ce qui contredit le caractère souvent noir comme évoqué ci-dessus. Cela ne tend à rendre ces personnages que plus humains, et nous interroge sur la part de moi que l’auteure à laisser entre les lignes. Au final, ce recueil est plutôt sympathique à lire, est homogène, mais nous semble légèrement redondant dans ces thèmes, même si chaque histoire reste originale.

De redondance, il en est également question dans Self Made Man de l’américaine Poppy Z Brite. Cette redondance provient uniquement du fond de ces 12 nouvelles, pas sur la forme. Le fond, c’est des histoires de fantômes, d’homosexualité, de conte de fées homo, d’horreur gratuite. Peut-être sommes-nous trop vieux désormais pour accrocher avec ce style d’écriture et d’histoire qui pourtant nous régalaient adolescent (en tout cas concernant la partie horrifique et gore de ces nouvelles) ? Impossible à dire. Pourtant…

Au niveau de la forme, rien à dire, c’est du haut de gamme, c’est fluide, percutant, efficace, car, s’il n’est pas rare que nous sentions poindre l’ennui au cours de ces 214 pages, celui-ci est sans cesse repoussé par le talent d’écriture de l’américaine. Celle-ci à le don de rendre une histoire accrocheuse, sait y distiller du suspens et une légère trace d’humour, sans parler de cette poésie macabre des corps. Elle arrive même à nous rendre sympathique cette espèce de tueur en série anthropophage ce qui n’était pas du goût de certains éditeurs si nous croyons les préfaces de chaque texte.

Cela ne nous étonne qu’à moitié connaissant la frigidité de certains éditeurs quant à des tons différents, provocateurs, hors des sentiers balisés de la littérature commerciale, ce qui est le cas avec ces deux auteures attachantes. Nous saluons sincèrement les Éditions Au diable vauvert qui, pour ses prises de risque en matière de ligne éditoriale, mérite de figurer dans toute bonne bibliothèque qui se respecte.

Car la différence de tons, l’originalité combattent tous deux la pensée unique et bien pensante, les préjugés et les esprits étriqués, ce qui n’est absolument pas négligeable par les temps qui courent.

On vous laisse réfléchir là-dessus.

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