CASSIA, Why you lacking energy ?

Cassia Why you lacking energy ?Déjà disponible (BMG)

Triste septembre. Mois synonyme de rentrée, de reprises des obligations, d’automne qui se rapproche à grands pas. Déjà, les souvenirs d’été se dispersent dans la routine quotidienne, mastodonte écrasant tout sur son passage. Pourtant, perpétuer l’été serait bénéfique, aurait une action positive sur l’organisme et sur le moral. Qu’à cela ne tienne, des œuvres, gravées sur disque, parviennent à nous extirper du début de spleen qui tente de prendre les premiers plans. C’est le cas du très bon deuxième album de Cassia, Why you lacking energy ?, paru durant l’été.

De Cassia, nous étions restés sur la bonne, voire très bonne, impression de leur premier opus. Finalement, peu de choses changent sur le deuxième, si ce n’est un côté plus introspectif, peut-être un peu moins euphorique. Si l’on s’en réfère à la pochette de l’album, nous nous attendons à un disque aux couleurs chaudes, mais avec un petit élément étrangement angoissant, symbolisé par les corps au sol des trios musiciens de Macclesfield. Pour faire taire nos présomptions, rien de tel que de glisser la galette dans la platine, et comprendre l’état d’esprit qui anime le groupe.

Une entame entrainante.

Morning’s coming relance la machine Cassia. Nous y retrouvons une production enveloppante, un bon travail sur les voix, plutôt graves, ce qui tranche un peu avec les habituelles voix plutôt hautes perchées (que l’on retrouve, suite à cette introduction, dès le deuxième titre Similar). Cette introduction pose d’emblée le son de l’album, mais avec une petite pointe de légère mélancolie qui ne le quittera pas jusqu’à son terme. Celle-ci n’est pas du tout écrasante, simplement une vague complainte qui se démarque du côté plus ouvertement « festif » de leur premier opus Replica.

Similar lui reprend les choses exactement là où elles s’étaient arrêtées, en studio, car le groupe a pas mal tourné depuis. Sonorités plutôt orientées vers un caractère joyeux, une certaine insouciance. On perd en revanche le côté « world music » du premier opus pour se rapprocher, toutes proportions gardées car leurs personnalités divergent quelque peu, d’un son proche de celui d’Alt-J. La britpop/rock nouvelle génération se dessine ici une chouette continuité, notamment parce que Cassia évite, on ne sait par quel mystère, l’écueil de la pale copie.

Bon, en fait, si, on sait de quel mystère il s’agit. Indépendant, le groupe suit la voie qu’il s’est tracé. Il peut, ainsi, écouter ses envies profondes, les alimenter par des compositions riches, regorgeant de petites trouvailles sympathiques, inattendues, et par des textes qui font mouche. Si nous n’omettons pas cet art du refrain qui fait mouche, qui fédère, comme sur Motions par exemple, on obtient un groupe à même de plaire à un large public comme à un parterre plus exigeant.

Des nuages d’altitudes.

Si l’on reprend le titre précédemment cité, l’impression de l’album serait donc plutôt orientée vers la danse, l’insouciance, la fête, bref, l’été vu sous toutes ses couleurs chatoyantes et légères. Mais pourtant, à travers les mélodies vocales, et surtout à travers les textes, on sent une pointe de désillusion. Comme si le climat régnant un peu partout autour de nous ne laissait pas indifférent le trio. Il faut dire que depuis avril 2019, date de parution de Replica, pas mal de choses pas folichonnes se sont abattues sur nos têtes à tous (pandémie, brexit pour ne citer que ces deux éléments ayant fortement impacté le monde, la Grande Bretagne en particulier). Cela aurait pu sonner la fin de la fête, mais Cassia parvient à garder la tête hors de l’eau, sans pour autant faire l’autruche d’une façon ou d’une autre.

Ainsi, cette légère ambivalence teinte le disque de cet arrière-goût un peu amer. Un peu comme l’illustre Seasons qui, derrière une introduction et un refrain presque funky, dégage, par un jeu absolument génial sur la voix lead, qui semble parfois dérailler, un caractère instable, presque bipolaire, entre envie de faire comme si rien n’avait changé. Mais la réalité rattrape la « fiction », ou le monde d’avant, et l’énergie du monde a changé. Cela impose une retenue pleine de délicatesse de la part du groupe.

C’est peut-être d’ailleurs là où il tape fort. Cette délicatesse permet d’offrir à Why you lacking energy ? des nuances pleines de maturité. Le groupe a grandi, il étoffe sa palette émotionnelle, sans donner de leçons d’aucune sorte. Ni rabat-joie, ni dans la fuite, il se place à l’exact milieu entre optimisme et pessimisme. Mais ce pessimisme reste cependant axé de telle manière qu’il ne nous impacte pas de façon invasive. Il sait rester en périphérie, comme pour nous indiquer qu’il faut encore croire en un avenir radieux même si tout tend à prouver le contraire.

Album de la maturité ?

Si la musique reste rythmée, entrainante, c’est bel et bien les paroles qui marquent une rupture, s’engageant presque sur un chemin en forme de confession. La mise à nu est réelle, marque une dualité entre l’été et l’hiver, entre l’être et le paraître. Honnête, sincère, Cassia délivre ce qu’il a sur le cœur, sans désir de séduire de façon ostentatoire. Cela marque une évolution dans leur musique, une deuxième partie de leur être. Un palier est donc franchi qui, malgré l’exercice délicat du deuxième album, permet au trio de s’imposer avec classe.

Sans doute que cela ouvrira la vanne de sentiments encore ancrés en eux et de territoires pour l’heure inexplorés. Quoi qu’il en soit, ce groupe nous semble promis à un bel avenir car Why You lacking energy ? le place mine de rien en tête de leur catégorie. L’avenir s’avère donc porteur de belles surprises de la part d’un groupe que nous n’espérions honnêtement pas à un tel niveau.

LE titre de Why You Lacking Energy ?

Nous avons une grande tendresse pour Boundless, titre peut-être le plus apaisé de l’album. Ballade piano-voix, vite agrémenté d’effets électroniques lui donnant une ampleur aérienne, ainsi que de touches rythmiques et d’arpèges de guitare, le titre dégage un onirisme « concret ». Comme si le futur offrait une planche de salut, un endroit ou reprendre pied, ou gagner de l’énergie pour affronter les obstacles se dressant sur notre chemin, sans perdre de vue les rêves qui nous peuplent. Doux et intime, ce titre à part dans l’album ne manque pas de produire sur nous un bel effet.
Patrick Béguinel

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