AGATHE, Beautiful damages

beautiful damages agatheAlbum déjà disponible.

Entre pop et folk, entre formule minimaliste et orchestrations plus fournies, Agathe surprend et séduit avec ce premier album, Beautiful damages, au titre en forme de prémonition.

L’album forme une boucle. En commençant avec Sweet song (pas forcément le titre le plus inspiré de l’album mais qui reste une introduction plutôt sympathique), chanson légère et insouciante, et en se concluant avec Witches Boom, titre tribal à la noirceur lumineuse, Agathe nous fait entrer dans le livre de ses pensées. Elle partage avec nous ses constats, ses errances, son espoir, aussi, de façon diffuse et romantique.

Une boucle…

Sweet song commence donc l’ouvrage avec une pop que ne renierait pas une artiste comme Pi Ja Ma par exemple. De légère inspiration sixties, le titre s’avère pétillant, un brin sucré, jamais à l’excès. Il nous annonce un disque radieux, mais la donne change dès Locked up. Agathe dérive de la pop à une folk légèrement crépusculaire, avec guitare et voix passionnée. Quelques effets d’ambiances renforcent la narration, lui apporte de l’épaisseur, tandis que la mélancolie douce de l’artiste nous attire inéluctablement à elle.

Une rythmique « cardiaque » rythme le refrain, apporte un soupçon de passion, de dramaturgie, tandis que le couplet s’avère plus aérien, même si les paroles se révèlent chargées d’une certaine gravité. La musicienne et artiste pluridisciplinaire enfonce le clou avec le piano de Ghost, d’obédience plus pop, mais toujours avec une économie de moyens, presque une ascèse, qui renforce l’émotion. La voix, vibrante et vivante, électrise. L’émotion y passe, sans aucun filtre, preuve d’une sincérité pleine de pudeur et de retenue. On pense, d’une certaine manière, sur ce titre en particulier, à Agnes Obel pour cette capacité à nous embarquer dans un environnement totalement à part, hors des frontières des genres.

…introspective.

Cancion para luna s’inscrit dans la continuité, entre minimalisme folk (seule une guitare et quelques arrangements d’ambiance, comme sur l’ensemble du disque) et mise à nu. Une légère reverb renforce la voix d’Agathe, un traitement sonore « rétro » lui donne également un corps particulier, plein d’un spleen terrassant. Tracker dog se veut plus « désertique », plus âpre. Cette désert song permet à la musicienne, une fois de plus, de montrer l’étendue de son pouvoir de conteuse. Fond et forme se nourrissent réciproquement, appuyant une tension d’un arrangement de corde inventif, dévoilant une voix presque monotone, détachée (qui est une pure merveille).

Agathe nous surprend donc à chaque titre, tout en restant dans un registre finalement très restreint. A sa guise, et avec une égale réussite, elle nous délivre la suite de son disque, avec toujours cette délicatesse et cette absence de calcul qui montre qu’elle ne triche pas. Six AM reprend quelques codes du titre précédent, qui décolle avec un joli trémolo de guitare, tandis qu’Agathe pose sa voix qui retrouve un souffle plus exalté que sur le titre précédent. Les arrangements, discrets mais bel et bien présents, sont superbes, une nouvelle fois.

Une incandescence intime.

Beautiful damages qui donne son nom à l’album reste dans l’esprit d’un Cancion Para luna. Le morceau de clôture s’avère totalement à part de l’album, tout en restant dans la tonalité. Tribal, à l’orchestration qui ose des incartades presque électroniques, Witches Room nous prend au creux du ventre. La noirceur s’en dégage, une tristesse aussi, puissante et feutrée à la fois. L’artiste s’y livre à cœur ouvert, le corps en porte-à-faux. Impossible de rester insensible à ce très fort titre qui aura des résonances chez bon nombre de personnes. Pour nous, ce sommet n’aurait pas forcément de légitimité sans ce qui précède, car tous les titres finalement s’écoulent vers ce delta qui sert aussi d’exutoire.

Ce disque, sans ostentation, montre toute l’étendue du talent d’Agathe qui s’offre à nous en toute franchise, sans jouer avec nous. La sincérité fait souvent défaut, aujourd’hui, chez beaucoup trop d’artistes. Beautiful Damages nous rassure et nous prouve que cette sincérité est l’argument principal d’un disque, peut-être même avant la musique qu’il renferme. Une très belle découverte quoiqu’il en soit.

Patrick Béguinel

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Comments (1)

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    L'Orpailleur

    Très belle critique pour un disque magnifique que je ne me lasse pas de redécouvrir au fil des écoutes.
    Merci encore pour ce travail de défricheur que vous avez su mener sans compromis depuis 5 ans.

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