[SF] OLIVIER VALBREYE, Spores

spores olivier valbreye

Disponible aux éditions Otherlands

Une série de morts suspectes sont découvertes par une unité spéciale de la police sanitaire. Des corps, ou ce qu’il en reste, sont découverts à divers endroits. Si l’idée d’une intoxication par ingestion d’aliments infectés semble être la cause privilégiée, deux pistes apparaissent progressivement pouvant justifier ces morts peu banales : celle d’un tueur en série et celle d’une secte. Une équipe se penche sur l’affaire afin d’endiguer le phénomène. Spores, 1er roman d’Olivier Valbeyre, nous plonge dans une France métamorphosée, tant physiquement que « moralement » et pointe, l’air de rien des dérives, qui prennent racine dans notre société actuelle.

Dans Spores, le ton est désabusé, pesant, presque détaché aussi, blasé. La narration emplie de spleen de l’auteur nous dépeint un pays essoufflé qui, après une catastrophe (on n’en sait pas beaucoup sur celle-ci), se retrouve scindé en deux avec d’un côté les métropoles et de l’autre la Zone Morte. Navigant entre Paris et cette Zone Morte, l’enquête met à jour une nouvelle méthode de meurtre, utilisant des spores qui créent une chrysalide autour des corps et les « digèrent ». Mais si cette vérité existe, une autre se cache derrière, sous-jacente, et interroge sur le mal-être d’une société malade.

Entre non-dits et tâtonnements.

La plume d’Olivier Valbreye nous balade dans les suppositions, les non-dits. Loin de rendre l’histoire incompréhensible, ils en renforcent au contraire l’aspect mystérieux, presque Lynchien. Le ton mélancolique, pour ne pas dire totalement dépressif (par moments) des personnages principaux ( ressemblant à s’y méprendre à des marginaux ou inadaptés sociaux, du moins selon les critères de cette époque anticipée) ajoute une chape de plomb sur l’intrigue, mais aussi sur ce qu’est devenu le pays.

Nous sentons une société en transit, pas vraiment sure de là où elle doit se rendre. Les enquêteurs sont un peu comme cela, naviguent à vue dans leur vie privée mais sont implacables dans leurs déductions même si la construction de l’intrigue montre bien les tâtonnements quant à la résolution de celle-ci. Olivier Valbreye ne tire donc sur aucune grosse ficelle pour nous amener à réfléchir et à comprendre les mécanismes en jeu.

Des personnages humains.

Qui plus est, il est difficile de ne pas s’identifier, ou a minima d’apprécier les personnages principaux qui, derrière leurs failles, imposent une humanité pleine de sensibilité à l’histoire. Ce repère donne de véritables bouffées d’oxygène dans cet univers anxiogène qui instille, sans stéréotype, un climat dérangeant. Quant à l’enquête en elle-même, elle trouve ses conclusions en n’éludant aucune réponse. À l’inverse de certain.e.s auteur.e.s laissant planer le doute, Olivier Valbreye développe toutes les pistes de réflexion pour nous livrer la vérité sur l’affaire.

Avec ce 1er roman réussi, l’auteur nous aimante dans son monde. Il nous donne aussi envie d’en découvrir sur ce qui s’est passé dans cette F* (le pays est nommé ainsi, sans plus d’expications) pour en arriver là. Sans être une ode aux laissés-pour-compte, Olivier Valbreye les place néanmoins en avant, avec tendresse. Cela ne fait que renforcer le pouvoir magnétique de son histoire, tout en la laissant respirer. À découvrir sans bouder son plaisir.

Patrick Béguinel

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