JEAN-CLAUDE LALANNE, Carnet de route d’un déglingué

Jean-Claude Lalanne, Carnet de route d'un déglinguéAuto-édition du Prince Ringard.

Les 3 premières lignes de Carnet de route d’un déglingué nous donnent sa teneur. « J’ai fait du spectacle pour bouffer, j’avais le choix : bosser ou faire du rock n’ roll. Quand j’ai vu la gueule des gens qui bossaient, j’ai fait du rock n’roll. » Tout est dit, et bien dit ! Jean-Claude Lalanne, trublion rock et keupon et anar, plus connu sous son nom de scène de Prince Ringard, est aussi auteur d’une presque trentaine de bouquins (romans, nouvelles, essais…) et de presque autant de disques (on chronique très prochainement son album Rue des chats perchés). Le tout en totale autonomie et indépendance.

Ce bouquin nous permet de nous frotter, en tout bien tout honneur, à ce personnage haut en couleur, attachant, le seul punk à chat de l’hexagone, mais surtout un type qui, en plus d’avoir un cœur à la place du cerveau, un cœur à la place de la bite aussi (et du coup un cerveau à la place de la bite), possède une désarmante et foudroyante capacité à dire ce qui lui passe par la tête, sans filtre. Attention : si vous ne savez pas ce qu’est la liberté de penser, d’être, alors ce livre vous fera peur. Si vous avez un compte en banque à la place du cœur idem. Les autres, l’infime minorité des autres, ce livre est fait pour vous.

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Un autoportrait brut & cash.

Ce carnet de route n’est pas véritablement une biographie. Il n’est pas non plus véritablement un roman. En fait, il se placerait un peu à la croisée des deux puisque Jean-Claude Lalanne y raconte son parcours de vie, atypique, fort en expériences de vie intense, entre solitude, flics et embrassades, d’une façon légèrement romancée, malgré un ton direct assez brut de décoffrage. Si une majorité de jeunes aujourd’hui rêve de faire fortune en devenant youtubeur ou instagrameur ou tik tokeur, lui chie littéralement sur les écrans, à commencer par la boîte à cons qui fabrique des clones de neuneus à la chaîne.

Lui, il vit, depuis toujours, de façon spartiate. Jeune, sur son voilier, mettant les voiles dès qu’il a de quoi subvenir à ses besoins pour quelque temps, plus âgé dans son fourgon aménagé, avec Mousse, celle qu’il l’accompagne sur scène et dans la vie, et ses nombreux chats. Il a aussi un pied-à-terre depuis plusieurs années, en Bretagne, mais malgré ses 72 ans annoncés lors de l’écriture de ce roman (2018), c’est principalement sur la route qu’il vit véritablement.

Sa vie n’est pas une vie de rock star. D’ailleurs, il ne se sent pas artiste (il suffit de relire les premières phrases du bouquin pour s’en rendre compte). Néanmoins, libertaire dans l’âme, droit dans ses bottes quant à sa façon de faire de la musique, il mène sa carrière en ligne droite de ses envies. Avant de rencontrer Mousse, à quelques exceptions près, il se contentait de chanter sur une bande instrumentale enregistrée, ce que certains de ses détracteurs considéraient comme étant du playback (aujourd’hui, à l’heure où tous jouent avec des ordinateurs sur scène, cette pratique est devenue totalement normale), il n’aura de cesse de perpétuer son art, punk jusqu’au bout de ces pieds nus. Sans doute est-il l’artiste ultime, celui qui se contente de transmettre un message, en musique, sans vouloir en tirer une quelconque gloire.

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Rapport au monde et à l’argent.

Car oui, il n’a jamais rejoint de maison de disques. De la même manière, il n’a jamais fait éditer ses livres dans une maison d’édition. Non, tout reste génialement artisanal, fabriqué et distribué par ses soins (il vend ses productions après ses concerts). Il ne veut pas s’enrichir outre mesure, sait se contenter de ce dont il a besoin pour continuer à vivre sa vie comme il l’entend. Forcément, ça crée de l’incompréhension, notamment pour tous ceux se croyant libre mais étant au final enfermé dans leur prison mentale, fait de « il faut » et de « on doit ».

Ainsi, quand un groupe lui demande un texte, Jean-Claude Lalanne le lui donne en échange d’une poignée de main et d’un bon moment passé. Pas de contrat autre que celui du cœur. Cela fonctionne aussi dans l’autre sens, ou plus exactement quand un groupe essaye de l’embaucher, promesse de fortune en ligne de mire, le trublion préfère se faire la malle en douce et repartir à l’assaut des routes seul. L’artiste ultime on vous dit !

Sa vie est faite de rencontres, de concerts dans des salles à moitié vides, souvent, mais toujours dans une ferveur quasi totale. Seuls quelques mâles dominants trouvent à y redire, trouvant pour unique réponse une phrase poétique ou une ignorance calculée. Forcément, ça les met en rogne, les mâles dominants, et parfois des coups pleuvent (Jean-Claude est une « bête »). Mais souvent, l’attitude du chantre est telle que les choses en restent là. Le plus intelligent se tait quoi.

Notre regard.

Pour nous, ce livre est autant un livre sur la liberté que sur une carrière. Jean-Claude Lalanne n’a pas eu une vie facile, mais il l’a choisi. Il a eu pas mal de démêlés avec la maréchaussée, a vécu de peu, mais a toujours eu assez pour vivre. Pour nous, il est un symbole, cet homme. Symbole de liberté, de fraternité et d’intelligence de vie. Refusant tout compromis, son éthique est totalement tournée vers l’autre.

Car ce qu’il aime, c’est l’amour. Les sentiments, c’est pas côté en bourse, mais c’est la seule chose qui a véritablement de l’importance dans cette vie déclare-t-il à plusieurs reprises dans ce livre. On ne peut qu’être d’accord avec lui sur ce point. Bien trop de personnes ont oublié à quel point ce simple constat permettrait un mieux vivre collectif là où le pognon pervertit la beauté des Hommes.

Ce livre « écrit comme il parle » nous dresse un portrait coloré, passionnant et direct d’un homme comme il en existe trop peu. Un artiste véritable comme il n’en existe que trop peu également. Oui, il ne sera peut-être pas d’accord sur ce point avec nous quand il lira l’article, mais quand on traverse 5 décennies en faisant exactement la musique que l’on veut, sans se fondre dans un mécanisme aussi pourri que celui de la Sacem, alors on est un vrai artiste. Surtout, il a vécu cela de manière presque désintéressée, alors, artiste ou pas ?

Nous aimerions rencontrer le bonhomme un jour, le voir sur scène et aller lui faire une bonne vieille accolade fraternelle. Lui dire que, probablement, c’est lui qui a raison sur tout. Et que, plus que jamais, all we need is love.

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