ANDRÉ MAROIS, Irrécupérables

andré marois irrécupérablesTout commence avec…

Tous les matins, une canette de Red Bull atterrit sur la propriété du sergent-détective Steve Mazenc. Les manières du malotru commencent à sérieusement l’irriter, au point qu’il demande un relevé d’empreinte sur lesdites canettes. Le résultat le laisse médusé. Il s’agit de celle d’un assassin recherché par toutes les polices du Canada. Irrécupérables, deuxième roman paru en France (le premier, Bienvenue à Meurtreville, est paru, tout comme Irrécupérables, chez Le mot et le reste) d’André Marois est un polar aussi drôle que violent.

Le précédent roman d’André Marois nous laissait sur une enquête irrésolue. Le sergent détective Mazenc, flic « en déveine », qui jouit d’un mauvais timing récurrent, pense sa bonne fortune venue lorsque les résultats d’analyse arrivent. Il décide de la jouer en solo, loin de se douter qu’il met là le pied dans un engrenage qui finira en bain de sang. Mais il faut le comprendre le pauvre bougre! Il en a gros sur la patate, notamment parce que son collègue ramène toute la gloire sur lui en appréhendant le suspect d’un meurtre tandis que lui, Mazenc, le plus chevronné sur le terrain, reste bredouille.

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Humour.

Il y a de l’humour dans ce polar. Le personnage de Mazenc nous fait rire lorsqu’il s’apitoie sur son sort. Le phrasé de Marois, la manière qu’il a de décrire les pensées de son personnage crée un décalage entre la gravité des faits et les tourments intérieurs du sergent-détective . Ce décalage n’est pas sans rappeler ceux qu’affectionnent Tarantino dans ses films (des dialogues sur les hamburgers avant une tuerie dans un appartement dans Pulp Fiction par exemple), et nous mène « guillerettement » vers un sombre carrefour où se rejoignent toutes les crapules locales (et d’au-delà du local).

Le roman est habilement construit. Une première partie pose le décor. Tout se déroule autour de la réserve de Mastigouche, pas loin de Mandeville. Une série de meurtres ayant eu lieu quelques mois plus tôt, et dont le coupable n’a pas été retrouvé, a mit Steve Mazenc dans un drôle d’état. Son flair l’a-t-il quitté ? Est-il encore capable de résoudre une enquête ? La première partie s’arrête sur le début de la nouvelle enquête, sur les questions que se pose l’inspecteur, sur le cadre où se déroule l’action. Les différentes pièces du puzzle commencent à s’agencer avant que survienne la deuxième partie. Cela crée chez nous un effet d’attente judicieusement mis en scène.

Meutres et suspects.

Cette deuxième partie se penche sur l’itinéraire de celui dont on retrouve les empreintes sur la canette. Sorte de récit dans le récit, cette partie possède un rythme bien à elle, digne des meilleurs polars. L’humour de la première partie en est absent, ce qui ne la rend que plus crédible et dramatique. Elle changera pas mal de chose sur l’histoire générale et construit aussi la psychologie et la personnalité du personnage central de cette partie.

La troisième et dernière partie revient elle sur la résolution de l’affaire en cours. L’humour, une nouvelle fois y est absent, même si l’on sent parfois le ton taquin d’André Marois sur le point d’éclore. Comme toute chute de polar, elle apporte ses éclaircissements, élucide les mystères, et finit de nous rendre l’inspecteur terriblement attachant (mais pas que lui). Finalement, rien n’est simple dans cette affaire, et sans l’aide de précieux alliés, aussi précieux qu’inattendus pour tout dire, tout aurait pu se terminer bien différemment.

Rythme.

André Marois possède un rythme bien à lui. Le quotidien de ses personnages est dévoilé en même temps qu’ils mènent l’enquête ou qu’il raconte leur histoire. Ainsi, lorsque Mazenc reçoit les résultats d’analyse, il nettoie son terrain suite aux ravages causés par une mini tornade. On le voit donc les mains dans la résine des sapins qui se sont abattus sur son terrain, nous le voyons transpirer à les tronçonner et entreposer dans un coin de son terrain. Ces passages, loin d’être anecdotiques ou même fastidieux à lire, rendent le(s) personnage(s) plus concret(s), plus palpable(s). Bref, sergent-détective ou non, Steve Mazenc est un homme comme les autres, avec ses doutes, ses peurs, ses réussites aussi.

Il en est de même pour tous les autres, qu’ils soient secondaires ou même plus éloignés encore. Les psychologies sont fouillées pour les deux personnages principaux (même si Mazenc est de loin la plus détaillée), un peu moins pour les secondaires. Néanmoins le peu de mots leur étant consacré nous décrit exactement le nécessaire. Ainsi, ils ne sont pas dématérialisés, mais bien présents, vivants.

Les pointes d’humour rendent l’ensemble plus que plaisant à lire. De même, le parti pris des éditions Le mot et le reste de laisser les expressions et tournures de phrase en québécois apporte une dimension presque « exotique » à l’ensemble. Un côté « terroir » surgit dès lors, côté terroir qui n’est pas sans charme, bien au contraire. Enfin, la bonne tenue du polar réside évidemment dans le fait que le puzzle, à la fin du roman, est complet. Le livre se dévore littéralement et nous procure de belles sensations de lecture par ce biais à la fois goguenard et sanglant. Un bel équilibre donc pour amateurs du genre !

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