Chronique musique EP-mini album
VIRAJE, La tangente (deuxième EP)
Entre chanson et électro
Nous avions été scotchés par leur single Terre à terre, titre ambitieux, poétique, légèrement possédé par un onirisme noir, urgent. Viraje déboule le 18 mars avec son deuxième EP, La tangente, mini album comportant 6 titres auréolés de la même trame poétique dans le texte, approchant le trio de la chanson française, mais au son résolument moderne le rapprochant plus d’une certaine idée de la fameuse french touch.
Attention ! Ne croyez pas par ces mots retrouver les défuntes formations Daft Punk ou Air. L’électropop de Viraje en est relativement éloignée, même si par certaines ambiances rêveuses le trio (composé de Ferdinand, Alfred et Vincent) fait parfois penser au deux compères d’Air. En prenant le temps de poser leurs atmosphères en apesanteur, c’est effectivement une idée de légèreté qui s’empare de nous à chaque écoute. Bercés par cette musique fortement visuelle, nous nous laissons également emportés par la cadence des textes. Celle-ci a pour effet de rendre la voix semblable à un instrument à part entière, faisant que, dans un premier temps, nous ne faisons pas réellement attention à la teneur des paroles.
Quand nous nous y penchons un peu plus sérieusement, leur sens nous échappe un peu, comme nous échappent parfois les fragments de songes qui, pourtant, au réveil, semblaient consistants et indestructibles. Cela contribue à renforcer un parfum de mystère autour de cet EP vénéneux, qui demande sans cesse que nous y retournions pour découvrir la clé de la richesse qui en émane.
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Comme les volutes de fumée.
La tangente porte bien son nom. Pour nous, prendre la tangente, c’est fuir en avant, suivre une nouvelle voie ou un autre chemin, c’est aussi disparaître. Nous retrouvons un peu de cela dans les textes, sous la forme d’un lâcher prise du corps au profit d’une conscience qui tente de s’élever par le ressenti plus que par le rationnel. Histoires de ruptures, amoureuse ou intime, pour entamer un changement, une mue salutaire.
Le travail sur les voix est audacieux, flirte avec des bidouilles qui pourraient, si elles n’étaient pas si bien senties, virer au grand guignol. Viraje évite ce piège avec panache, notamment en alternant un chant lead parfois nu de tout effet, parfois simplement rehaussé d’une pointe de réverb ou d’écho. Le morceau d’ouverture Tes pas de danse opte lui, par exemple, pour une sorte de trémolo rendant la voix fébrile, presque robotique, ce qui apporte une personnalité forte au titre. Le deuxième titre, Mon ennui, lui opte pour la nudité, et nous touche par sa douceur, sa tendresse presque.
Les autres morceaux alternent entre ses deux états, ce qui, loin de rendre l’ensemble hétérogène, lui permet d’exprimer pleinement les émotions qu’ils renferment. Élan de vie, envie d’émancipation,, d’évasion, un certain romantisme aussi, tout s’imbrique à merveille pour nous proposer un voyage sensoriel.
Pop évanescente.
Musicalement, les tessitures sonores sont finement ouvragées et dégagent elles aussi une personnalité forte. Dans ce genre fourre-tout qu’est l’électropop, cette nécessité de proposer un univers à part est primordiale et Viraje s’en sort haut la main. À la fois chaleureuse et légère, elle nous hypnotise et nous fait perdre nos repères spatiaux. Terre à terre en est un exemple flagrant, avec ce saxo free qui nous fait littéralement décoller, aidé en cela par une rythmique vocale presque tribale qui annonçait cette fin tonitruante et exaltante.
Les compositions dégagent également une notion d’élasticité, de souplesse en total rapport avec le choix des sonorités du mini album. Si elles sont parfois classiques, elles n’en restent pas moins surprenantes, notamment parce que les arrangements les pimentent avec tact et force. Évitant le piège de la répétition (un tic des productions électroniques qui peut parfois rendre un morceau redondant), elles sont ici relativement progressives dans leurs développements, ce qui fait que jamais l’ennui ne pointe le bout de son nez.
Ce deuxième EP s’avère donc une très agréable surprise qui nous donne envie de découvrir le groupe sous un plus long format mais également en live tant ses 6 compositions (avec une mention spéciale pour le morceau qui clôt La tangente, soit Un temps arrêté, superbe) semblent propices à la communion en public. On attend donc la suite avec impatience.