VERA SOLA Shades

Album Shades, déjà disponible (Spectraphonci records)

Au commencement.

Des sonorités, dès l’entame de Shades, qui évoquent la fin des années 60 et le Summer of love. Nous croyons que nous avons affaire à un disque sentant bon le patchouli, mais c’est nous tromper de fond en comble. Avec cette entame presque optimiste, et le presque à toute son importance, Vera Sola nous embarque sur une fausse piste.

Nous croyons en effet que le ton sera printanier. Nous voyons déjà, au travers de cette folk, made in America, nourrie à l’électricité statique, une énième resucée de ce qui a valut au genre sa notoriété un peu partout dans le monde, ainsi que la renommée de diverses artistes du cru (Joni Mitchell, Joan Baez et, dans une autre mesure, Grace Slick de Jefferson Airplane).

Mais Vera Sola nous prend bien vite à rebrousse-poil, notamment quand nous prêtons attention aux textes. Derrière les chants d’oiseaux, des nuages s’amoncellent et l’orage guette. L’atmosphère devient pesante, lourde, portée par des arpèges minimalistes et une basse tellurique, elle aussi minimaliste, mais pénétrante. La voix gorgée d’un vibrato obsédant, Vera Sola instille un sentiment étrange, entre une peur qui la tiraille et l’envie de s’en émanciper.

Dualité.

Les morceaux s’enchaînent et ne se ressemblent pas, mais dégage tous un sentiment vaguement oppressant. Si tous sont noyés dans cette même production rappelant les heures folles des hippies, les morceaux oscillent entre une certaine idée du blues, du rock, de la folk. Toute ardeur velléitaire y est contenu, enfermé dans une bulle d’où nous pensons que rien ne peut s’échapper, ni la lumière, ni la colère.

Mais finalement, l’orage réussit à percer les nuages sur le tout dernier titre, comme pour dire que le prochain opus de la chanteuse sera plus optimiste, léger. Nous y percevons comme une bouffée d’oxygène. Le caractère oppressant s’évapore instantanément. Ne reste que le sentiment d’avoir vécu une expérience unique dans l’intime de cette chanteuse à part.

Espoir (?)

Shades n’est pas un album optimiste même si nous sentons un espoir latent, caché dans des arrangements soignés. Il renferme du ressentiment, peut-être même de la rancune. Mais il est sublime dans son genre. Le travail sur la voix est subtile, la voix, elle, est simplement magnifique.

La musique, si elle joue parfois sur des ambiances pesantes, le fait avec peu d’effets de style (hormis sur les distorsions et l’écho qui nimbent chaque titre). Shades est assez minimaliste, mais ne dégage aucune forme de torpeur ou de lassitude souvent liées au genre. Le disque fait bloc, démontrant une esthétique maîtrisée, forte.

Nous le trouvons absolument parfait dans son genre, au point qu’il nous est difficile de croire qu’il s’agit là d’un premier album. Nul doute que la carrière solo de cette chanteuse est lancée de la plus magistrale des manières. Comme nous le disions, une explosion finale libère les tensions de ces 10 titres, annonçant, sans doute, un disque moins noir dans un futur plus ou moins proche.

Mais la noirceur ne nous fait pas peur tant qu’au milieu trône la lumière d’une personnalité aussi énigmatique et captivante que celle de Vera Sola.

Revoir la vidéo The Colony ICI

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