VELU Mes trip(e)s
Têtatête, le premier extrait de Mes trip(e)s, de Velu, nous avait touchés, avec son regard doux/amer sur ce que nous avons perdu en route, entre l’enfance et l’âge adulte. Alors quand un jour, en ouvrant notre boite aux lettres, nous tombons sur l’album, nous nous disons cool !
Tout de suite, ce que nous avions entendu nous revient en tête : un texte limpide, qui coule sans accrocs, synonyme d’un flow élégant et racé, de belles orchestrations, proches du hip-hop… Nous sommes séduits d’avance et il nous tarde de poser la galette dans la chaîne Hi-Fi.
Mais là, horreur !! Nous matons la tracklist et que voyons-nous ? Premier morceau : C’est la 1ère fois que je slame. Sueurs froides… Merde, c’est Grand Corps Malade ! Au secours ! Et le morceau déjà débute, mais ressemble plus à un rap avec human beat box, qu’à du slam… Ouf, enfin, bon moins pire que ce à quoi nous nous attendions. Avouons-le, le texte n’est pas si mal, mais il y a un petit truc qui nous gêne aux entournures, comme une facilité pas si facile que ça mais bon… Quand réticence il y a, il faut faire céder les barricades.
Puis vient Têtatête en deuxième position, et nous nous reprenons à espérer. Ce titre, il est bon, vraiment, et on se dit qu’il nous faut laisser les titres défiler mais… Soyons honnêtes, des éléments fugaces, presque insaisissables nous irritent. Par moments, la diction de Velu rappelle celle d’Abd Al Malik, tic d’un genre peu représenté finalement. Fort heureusement, ça ne vire jamais Grand Corps malade, grand bien lui fasse.
Un truc nous botte. Il dégage, ce Velu, un je-ne sais-quoi de sympathique. Nous pensons qu’il ne faut pas s’arrêter à nos réticences, et on se dit qu’au pire, si nous n’aimons pas Mes trip(e)s, nous le jetterons aux oubliettes sans fond de la musique sans souffle.
Du coup vous saisissez évidemment que si nous en parlons, c’est qu’il y a quelques éléments non négligeables auxquels nous rattraper. Et vous avez raison.
S’il faut écouter quelque chose, c’est les textes bien évidemment. La conscience politique de Velu s’exprime, avec la force de ses tripes. C’est casse-gueule, franchement, de chanter, ou slamer, sa conscience politique. C’est couillu aussi, enfin velu du slip quoi, parce que ça peut vite déraper. D’ailleurs, une fois ou deux, ça sent un poil trop les bons sentiments. Faut-il l’en blâmer? Non, pas vraiment, soyons indulgents, l’exercice est tellement difficile qu’un faux pas ne peut-être à sanctionner, d’autant plus qu’un morceau comme Diego Garcia rattrape haut la main cette infime « erreur ».
Question conscience et humanité, ce texte sonne terriblement juste et toujours, malheureusement, d’actualité. Est-ce le vécu de Velu qui ici s’exprime? Un tour sur son site nous explique ce qu’il en est, privilégiant l’histoire transmise d’une aïeule à son petit-fils plutôt qu’une évocation frontale qui aurait, peut-être, fait flop. Dans le cas présent, ça sonne vrai, émotionnellement, ça porte, ça touche, ça émeut.
Les morceaux s’enchaînent, laissant les instrumentations prendre leurs aises, tantôt devant, tantôt en arrière-plan. Nous préférons quand elles sont devant, parce qu’elles sont inspirées, avec un soupçon world music, pas mal de relents pop, ou arpèges folk, ou inspirations plus franchement hip-hop, mais bien foutues. Cependant, même quand elles s’effacent pour le texte, elles ne disparaissent pas totalement, heureusement.
Les textes s’entraînent les uns à la suite des autres, toujours avec ce mélange de prises de conscience dans l’air du temps, dans cette inspiration écolo, dans ce relent d’injustice latent d’ici et d’ailleurs dans le monde. Il n’y a pas de dénonciation facile, juste un constat amer, propice à l’expression de Velu.
C’est au final un disque plutôt sympathique, qui fait sens, un premier album (solo, car Velu a déjà trois albums, aux vibrations métalliques, derrière lui avec Scorch) authentique, serions-nous tentés de dire. Velu nous apparaît non seulement sympathique et conscient de sa place en ce monde. mais surtout, il nous paraît sincère. Et nous, nous aimons quand la sincérité transpire d’un disque, poilu ou non.
Donc on valide !
Artiste hip-hop : Yugen blakrok