[ ALBUM ] ULTRAISTA, Sister (electro-pop)

Sister, deuxième album du super-groupe Ultraista (disponible Partisan records/Pias).

Il y a des albums en forme d’évidence, comme Sister d’Ultraista. Derrière une innovante recherche artistique, une inventivité folle, l’album délivre des émotions contrastées grâce à un travail du son méticuleux. Pourtant, jamais la spontanéité n’est remisée au placard. Ou comment faire un disque intuitif à écouter alors que son travail de conception ne l’était pas du tout.

Un super trio.

Ultraista, c’est Nigel Godrich (producteur historique de Radiohead et de nombreux autres artistes de renom), Joey Waronker (batteur pour Beck, REM, Roger Waters etc…) et Laura Bettinson. Leur formation est comme une sorte d’évidence. Godrich a rencontré Waronker en 1998 alors qu’ils travaillaient sur l’album Mutation de Beck et ont travaillé, en filigrane, durant ces 20 dernières années sur pas mal d’albums communs. L’envie de bosser ensemble leur a pris et, en incorporant la chanteuse Laura Bettinson, chanteuse qui mélange univers synth pop et boucles vocales, le projet a abouti sur un premier album en 2012.

Une promo catastrophique de ce projet (pour diverses causes à la fois personnelles et climatiques) a quelque peu éloigné le groupe qui avait pourtant déjà élaboré des pistes pour Sister. C’est donc tout naturellement, faute à des agendas bien bookés, que le groupe le laisse éclore aujourd’hui. Et ça valait le coup d’attendre 8 ans, car le résultat est des plus réussis.

Électro-organique.

En effet, Sister possède des atouts phénoménaux. Pour nous, il synthétise parfaitement ce que l’électro peut produire de plus organique, tout en restant irrémédiablement pop. D’un côté, vous avez une voix charnelle, ronde, de l’autre un mélange de sonorités synthétiques couplé à une base rythmique imprégnée d’afro-beat déconstruit (et ensuite ré-assemblé). Enfin, vous avez cet impact propre à la pop, à savoir celui de mélodies facilement assimilable, dans leur globalité, qui habite votre cortex de façon durable (et parfois même obsédante).

Ce caractère immédiat pourtant ne s’est pas fait tout seul. Comme l’explique Ultraista, les sessions durant lesquelles ils ont travaillé en commun leur ont fourni une matière brute qu’il a fallu retailler. Un peu comme ces pierres grossières qui, une fois taillées avec soin, deviennent des diamants. L’analogie fait sens dans le cas présent. En effet, articulées autour d’un thème de basse ou de synthé, ou bien à partir du battement chaloupé de batterie, le trio a extirpé de son imagination des morceaux accessibles, universels, et surtout parfaitement addictifs.

Une production aux petits oignons.

Alors oui, on ne va pas tourner longtemps autour du pot, la production de Nigel Godrich frise le sans-faute. À la fois chaude, possédant des sonorités de claviers/synthés très « animaux » (comprendre qu’ils possèdent ce corps analogique qui donne une âme à ces machines), elle nappe Sister d’une aura particulière. Celle-ci est complétée à merveille par la voix de Laura Bettinson (qui est pour nous une révélation). Cette dernière s’avère à la fois aérienne, capable d’envolées toute en sobriété et en flegme Britannique, et profonde (elle s’ancre à la fois dans notre tête et dans nos tripes). Reposant sur des boucles, elle s’auto-superpose, se double aux choeurs, génère une sensation d’unité indestructible et poétique.

Le tout repose sur le travail rythmique de Joey Waronker. En effet, son jeu de batterie et de programmations rythmiques est d’une rare complexité, mais pas élitiste pour autant. Le tapis rythmique décuple, sans pour autant être placé aux avant-postes, le pouvoir immersif des morceaux. C’est un peu comme un hors champ au cinéma, une idée qu’il induit plus qu’on ne l’entend réellement (malgré le mixage qui lui laisse justement le champ libre). Il y a là un rythme échevelé, une chute de dominos sensorielle à même de couvrir un vaste territoire émotionnel. Exaltation, introspection, mélancolie et joie, les rythmiques jouent un rôle fondamental dans le plaisir ressenti à l’écoute du disque.

Une inventivité dingue.

Et que dire des arrangements ? Si nous pouvons percevoir, au sein d’un morceau, un thème presque répétitif, les arrangements le détournent de toute forme de préformatage. La richesse de ce disque réside d’ailleurs en partie sur ce constat agréable : les arrangements, hyper variés, renforcent tout ce que nous avons exposé ci-dessus. Synthés « cordes », pianos minimalistes, lyrisme discret ou épique, les arrangements jouent la variété, comme autant de touche de couleurs arc-en-ciel. C’est lumineux, aéré, judicieux, dosé avec un tact élégant. Là aussi, c’est un sans faute.

La créativité qui émane de Sister le propulse directement dans les disques incontournables de cette année. Le côté électronique côtoie le viscéral/animal/analogique, produisant un disque tout à la fois dans l’air du temps sans pour autant paraître à la mode (et donc du coup est indémodable). Nous sentons à la fois un amour du travail bien fait et un profond respect pour la musique. Bref, il s’agit d’un disque incontournable. Rien de moins.

LE titre de Sister.

Nous aimons beaucoup Bumbelbees. La ligne de chant y est d’une pureté rare, prenant immédiatement la forme d’un classique. Les rythmiques sont complexes, tarabiscotées, mais « s’harmonisent » à merveille à des arrangements de « cordes » limpides, des nappes qui dégagent un sentiment d’espace. Le côté aérien du morceau le porte vers des cieux à la fois mélancolique mais plein d’espoir. Il est très difficile de décrire exactement ce que nous procure ce titre, si ce n’est une espèce d’énergie pleine de joie qui nous laisse entrevoir des lendemains radieux.

Ce titre, à notre avis, synthétise l’incroyable richesse du disque, d’autant plus qu’il est suivi d’une également très beau The Moon and Mercury qui achève ce disque, nous le répétons, déjà incontournable. Superbe !

Ultraista sister


 

Site officiel Ultraista

Revoir le premier extrait de Sister, Tin king

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