[ EP ] SINAÏVE, Dasein, shoegaze romantique exacerbé.
Dasein, troisième EP de Sinaïve (disponible chez Buddy records).
Alors que ce style fut décrié outre-manche dans les années 90, il a réussi à perdurer contre vents et marées. Il est même parvenu à gagner nos rivages de bord de Rhin, la preuve irréfutable en étant Sinaïve, combo strasbourgeois qui vient tout juste de sortir son dernier EP Dasein. Plus que jamais, le shoegaze est vivant, et il est ici magnifié par la patte romantique d’un groupe qui fait des étincelles.
Nous plongeons la tête la première dans l’univers de Sinaïve. Non seulement parce que c’est bien fait, mais aussi et surtout parce que le groupe parvient à nous toucher au plus profond de nous par la pureté de ses lignes de chant. Évidemment, le morceau d’ouverture pose le décor, classique mur du son et autres sonorités distordues. Il y est question de paradoxe français. Tout un programme. Mais justement, le shoegaze est un paradoxe en soi, une façon d’exprimer des choses en les masquant sous un déluge sonore aux contours perdus dans l’opacité du brouillard.
Les voix sont donc à peine discernables, mais en tendant l’oreille, nous parvenons à saisir l’essence de Sinaïve (plus qu’à comprendre la totalité des paroles, la voix étant elle-même majoritairement couverte d’un effet micro distordu) : elle est romantique, cette essence, comme ne le prouvent pas les boîtes à rythmes souvent trépidantes et la stridence des guitares.
S’attacher aux émotions.
Mais qu’importent les paroles au fond. Certaines nous arrivent quand même aux oreilles, sans forcer l’écoute, et elles nous placent en spectateurs/acteurs d’une histoire intime et personnelle. Par le jeu des émotions, les couleurs mélancoliques ou les mélodies plus abrasives, nous reconstruisons le fil de l’histoire, la faisons notre par la musicalité du groupe. L’électricité est omniprésente, nimbant même les titres les plus audibles d’effets oniriques (genre bedroom pop) faisant que notre cerveau part en vrille, descend en piqué au creux de notre ventre, et essaye d’analyser ce qui ne s’analyse pas. Dans Dasein, tout est un peu magique, mystérieux.
La production prolonge cet état de déséquilibre entre envie de comprendre et envie de s’abandonner totalement dans la musique du groupe. La tête nous tourne, nous sommes dans un stroboscope psychédélique, nos repères s’effritent, nous nous effondrons en nous-mêmes, contemplons un paysage chatoyant et riche de nuances vaguement chaotiques.
Douceur et force, tendresse et révolte, nous sentons un antagonisme latent dans Dasein, comme un chambardement hormonal difficilement délimitable qui jaillirait ici en feu d’artifice multicolore. Le tout déroute, mais surtout séduit par un spleen latent contrebalancé par un aspect dansant inattendu. Un contraste permanent qui ne peut que nous ravir.
5 titres à la sensibilité exacerbée.
Ce que nous retenons de Dasein, c’est sa sensibilité exacerbée, cet état qui nous place au sortir de l’enfance pour le grand bain de l’âge adulte, fait de bombardements existentiels auxquels bien souvent nous ne pigeons que dalle. Trouver sa voie, trouver l’amour, bâtir son monde, tirer un trait sur l’innocence, accepter, parce que nous n’avons pas le choix, les responsabilités inhérentes à l’âge qui est le nôtre.
Pourtant, la flamme brûle toujours. On n’efface pas comme ça l’essence de l’être. Alors comme un combat, on avance, on lutte, pour toujours faire ressortir ce que notre âme possède de plus vaillant, de plus pur. Et inutile de dire que celle de Sinaïve l’est, pure, et qu’on espère qu’elle le restera longtemps. Un groupe à suivre avec grande attention !
On pense à Pam risourié
Un livre qui parle de Shoegaze pour mieux connaître le sujet.