S:BAHN, une reformation (un reboot ?) qui fait des étincelles

queen of diamonds S:BahnQueen of diamonds, nouvel LP de S:Bahn

Comme le label français qui accueille cet album, à savoir le toujours excellent Polaks Records, notre vocation n’est pas de parler des reformations, quels qu’en soient les motifs. Pourtant, ce Queen of diamonds est tellement bon que, comme son label, nous ne pouvons résister à l’envie de vous en toucher deux mots. Le disque est en effet ce genre de petite tuerie qui nous laisse tout sauf insensibles.

Reboot.

Le groupe s’est formé dans les années 90 et a sorti deux disques à cette époque. Les envies diverses et variées des différents membres les conduisant à les assouvir (côté électro pour le chanteur Dik Detonic, no wave pour le guitariste Kristian Brenchley et post-rock pour le batteur Denis Leadbeater), S:Bahn entre en sommeil. Augmenté par l’arrivée d’un nouveau bassiste, René Schaeffer, le quatuor veut à nouveau croiser le fer avec une société qui le dépasse. Dès lors, quoi de plus normal que de réveiller les vieux démons des débuts (en même temps que les bonnes vieilles amitiés de travail) avec un nouvel album ?

Plus qu’une reformation, le groupe qualifie cet exercice de reboot et on n’est pas loin de valider totalement cette thèse. Parce qu’il faut bien avouer que les reformations sentent souvent bon le coup marketing et l’appât du gain. On attend d’ailleurs la reformation des Daft Punk dans dix ans, puisque leur séparation était déjà du marketing (qui a dit que leur carrière n’était que marketing?) qui devrait faire s’envoler de beaux billets bien clinquants. Bref on s’égare. Alors ici, on parlera de reboot car, à l’évidence, il n’est pas question d’appât du gain mais bel et bien d’envie de jouer ensemble et de faire de la bonne, très bonne musique.

Postrock sensible.

9 titres, 35 minutes, concision, efficacité. Que dire de plus ? Queen of diamonds va à l’essentiel, sans se perdre en chemin, mais en prenant le temps néanmoins d’explorer sa sensibilité. Sync or swim, qui ouvre l’opus, ne laisse en rien présager de cette sensibilité puisque c’est plutôt l’aspect postpunk qui nous saute au visage, tendance légèrement garage, légèrement sale, bref, comme on aime. Mais petit à petit, on se sent envahi par des éléments montrant une véritable sensibilité.

Elle s’infiltre petit à petit dans chaque titre. Teintée d’une forme de colère, d’un sentiment mélancolique parfois, elle est omniprésente et se dégage d’une part du chant (et des choeurs), d’autre part d’arrangements minimalistes mais très évocateurs. La voix de Dik Detonic nous fait parfois à celle du chanteur de Sleaford Mods, oscille entre chant, scansion punk et spoken wolrd. Très imagée, possédant des inflexions qui disent bien toute la douleur, tout l’amour qu’elle contient, elle nous touche à chaque écoute un peu plus fort.

Les choeurs arrivent souvent de loin, presque fantomatiques, mais apportent eux aussi une touche particulière. Ces quatre là ont une sacré complicité pour faire ressurgir leurs aspects les plus doux bien que l’ensemble reste très souvent couillu. N’allez pas croire que le groupe sombre dans la soupe sentimentale dégoulinante, non ! Nous sommes ici dans une sphère bien plus nuancée qui se révèle au fur et à mesure des écoutes (nous en sommes bien à trente et nous sommes encore chamboulés par certains titres, c’est dire).

Feu roulant.

L’électricité est omniprésente, portée par une guitare parfois titubante (mais on adore!), jamais agressive à mauvais escient. Elle est le point d’appui des compositions du groupe, lui permet d’être sans cesse hors de l’eau et du propos simplement bruitiste. Non, il y a là de la finesse, notamment dans les mélodies qui sont aussi tranchantes qu’une corde de mi aigu. Ces mélodies sont absolument jubilatoires, apportent un côté pop à l’ensemble, ce qui le rend immédiatement assimilable et addictif.

La batterie fait le job sans trembler. C’est métronomique mais jamais pachydermique. Le feeling est présent, apportant une touche d’étrange légèreté au disque. Surtout que la basse n’est pas étrangère à ce toucher particulier, en roulant sous la mitraille de façon à en estomper certains contours trop saillants. Queen of diamonds n’est donc pas une démonstration de force par la force, mais une démonstration de force par le bon dosage de celle-ci. Il y a en effet un groove impossible à contenir qui se dégage de certains morceaux, comme de l’ultra efficace The tide that pull me away from you, un des monuments du disque.

Et de la joie ?

On sent une joie réelle s’exprimer dans ce disque. Elle apparaît toujours de façon découverte, sans sombrer non plus dans la rigolade, dans la blague potache. Non, elle fait partie de cette sérénité qu’ont les vieux amis de se retrouver, de se dire « on va boire un coup » et, une fois quelques bières éclusées « alors, on refait de la zic ensemble les gars ? » C’est peut-être ça qui nous touche dans ce disque. Outre le fait que leurs expériences musicales personnelles leur a forcément apporté quelque chose, que l’on retrouve forcément en filigrane ici, c’est l’impression d’avoir affaire à un groupe d’adolescents tant l’énergie qui émane du LP est juvénile et détournée de toute velléité purement commerciale.

Ce reboot de S:Bahn s’avère donc une énorme et belle surprise que l’on vous conseille absolument de découvrir. Parce que le disque fait du bien, qu’il défait un peu les liens qui nous maintiennent hélas captifs depuis de trop longs mois.

LE titre de Queen of diamonds.

Alors on va le dire tout net, on adore 100’s and 1000’s, l’un des deux titres les plus calmes de l’album (le second étant celui qui le renferme, Blankscreens).Pourquoi ce choix ? Parce que la voix est un pur crève-cœur. Elle ferait chialer n’importe quel barbu tatoué piercé (ben comme nous quoi) avec cette fragilité à peine dissimulée. Elle semble si vulnérable que nous n’avons qu’une envie, celle de faire un big hug à Dic Detonic.

Et puis aussi à Kristian Brenchley, René Shaeffer et Denis Leadbeater parce que les trois acolytes du chanteur se placent dessus de façon terriblement géniale et efficace, que se soit instrumentalement parlant ou vocalement (ils posent des choeurs subtils et magnifiques). Le tact, le toucher, une sincérité émotionnelle pas du tout cachée, il n’en fallait pas plus pour faire pencher la balance pour ce 100’s and 1000’s, splendide bulle de douceur mélancolique dans ce monde de brutes.

Un autre disque de l’écurie Polaks Records : Hooper Crescent.

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