[ ALBUM ] MECHANIMAL, Crux, Grèce dans les ténèbres.

Crux, nouvel album de Mechanimal, disponible chez Inner Ear records.

Il est assez rare que nous ayons des productions Grecques à vous proposer, mais avec Crux, Mechanimal nous a fait forte impression. Dans ce disque post-punk dark wave (et aussi relativement indus) réside un peu des effets rémanents, qui espérons-le s’atténuent un peu au fil des ans, de la crise financière régnant dans ce pays où la philosophie vit jadis le jour.

Obscurité.

Voilà le premier mot qui nous saute aux oreilles, dès l’entame du disque, avec le titre Ghetto level. La mise en bouche de l’album est amère, noire, reposant sur des nappes de claviers sombres (ceux du leader et songwriter du groupe, qui pourtant ne chante pas, à savoir Giannis Papaioannοu) et sur une voix parlée ultra présente qui s’infiltre dans notre tête comme s’il s’agissait de notre mauvaise conscience. L’effet est réussi, le malaise rôde, que ne viennent pas amoindrir les quelques touches à peine plus lumineuses de l’ensemble du titre.

La musique de Mechanimal repose sur une base de nappes de claviers donc, de drones de guitares, sur des rythmiques électros, du genre de celles qui sont assez organiques pour vous positionner dans un entre-deux des plus intéressants, à savoir : cette pulsation provient-elle de machines ou d’instruments de musique (d’où, peut-être, le nom du groupe qui mélange mécanique et animal) ? Qu’importe au final, l’immersion est totale. Nous nous retrouvons, que nous le voulions ou pas, aux prises avec un univers fort, inquiétant répétitif, désespéré, aride et nous sentons souvent notre cœur cogner fort dans notre poitrine. Comme s’il n’en pouvait plus de ce poids que véhicule la voix du chanteur.

Grave…

Cette vois, grave, profonde, nous fait penser à celle de Rob Goodwin (The slow show) ou de Hugh Morgan (Fun lovin criminal). Elle possède ce pouvoir de vous coller à la peau, de véhiculer tension et lumière simplement par le biais de quelques mots. L’effet est garanti, votre sang se met à bouillir, vos os se liquéfient, et votre âme s’en trouve bouleversée. Freddie Faulkenberry ne nous laisse pas d’espace où nous débattre, en proie à nos propres fantômes, il nous impose ceux de Mechanimal, ceux issus de son histoire avec ce spoken world lancinant, qui effrite toutes nos barrières et nous place en position de vulnérabilité émotionnelle dangereuse.

Cette voix trouve toute sa dimension grâce au côté obsédant dispensé par la musique du groupe, car lui aussi, nous embourbe dans un univers poisseux. Obsédant car répétitif. Flou car les guitares sont noyées dans un brouillard à peine défini, tandis que les claviers écrasent tout. Idem concernant les motifs récurrents de batterie et/ou programmations qui perforent notre cervelle comme un vilain vilebrequin activé par notre petit diable intérieur. Dire que nous trouvons cet univers réjouissant serait mentir. En revanche, les sensations qu’il procure sur nous sont fortes, contradictoires, autant jubilatoires qu’inquiétantes.

Et pourtant…

Et pourtant, cette musique transporte. Nous sommes bien souvent en état de transe et cet état fait ressurgir des méandres de notre conscience des éléments profondément enfouis. Des images jaillissent, des réminiscences des temps d’avant, de ceux à venir. Des temps durs, ultra connectés, un temps toujours gangrené par les écrans, la violence, une nature ravagée en permanence. Rien de bien réjouissant mais Crux est une forme de prise de conscience de tout cela.

Ce disque nous rétame, nous laisse exsangues. Sa musicalité nous happe, nous retourne, nous bouscule, remet aussi nos pendules internes à l’heure, presque violemment. C’est un électrochoc !

LE titre de Crux.

Nous aimons beaucoup le titre Sharon, qui se place en deuxième position sur l’album. Parce qu’il laisse une grande place à la musique, parce qu’il paraît peut-être moins sombre que le reste de l’album, combien même ce chant fend l’âme une fois encore. Les quelques éclairs lumineux proviennent de notes de claviers qui tranchent dans ce climat ténébreux. Le morceau qui suit, Stolen Flesh, suit dans cette lignée plus apaisée, presque romantique. Mais ces deux morceaux laissent à imaginer un monde moins noir (même si les paroles, elles, enfoncent passablement la donne).

mechanical crux

 

Site officiel Mechanimal

Ajoutez un commentaire