[ALBUM] Magnetic rust, Fragile (force et bienveillance)
Fragile, album de Magnetic rust (disponible chez Rouille Magnétique records)
Nous sommes souvent étonnés de constater comment, contre toute attente, la musique électronique soulève chez nous un sentiment de forte empathie. Car dépassé, dans la plupart des cas, le côté dansant, tripant, de ce style musical, il apparaît que les artistes électro collent souvent au plus près des émotions. C’est ce que démontre Magnetic rust avec son dernier album en date, Fragile.
Ici, les sonorités sont synthétiques, cela ne fait aucun doute. Pourtant, c’est sur l’organique qu’elles font effet. Non seulement grâce à la structure évolutive des morceaux, mais surtout par cette excitation constante de la corde sensible qui est la nôtre.
Progression émotionnelle.
Les titres partent tous d’une base relativement épuré. Répétitifs, ils se construisent par superpositions successives, d’apport de sonorités viscérales et d’apport de matière. ils déclenchent chez nous un éveil des sens, une concentration de ressentis que nous scrutons attentivement. Pas de surenchère de BPM, juste un côté hypnotique, comme pour nous porter en une transe intime et universelle. Celle-ci est occidentalisée (comprendre qu’il n’y pas d’apport de sonorités world), symbolise à notre sens la solitude urbaine et la perte de rapports humains (mais pas que, fort heureusement, puisque le disque est loin d’être plombant).
Mais ici, elle se fait de façon à la fois contemplative et introspective. Fragile nous met en présence de nos failles, de nos peines, mais aussi paradoxalement de nos beautés intérieures (un titre comme Human contact nous évoque par exemple, et son titre est parlant, la richesse que peuvent créer les rapports humains). Sans nous heurter, Magnetic Rust étale devant nos yeux un parterre disparate d’émotions, de couleurs. Nous avons une totale latitude pour piocher dans celui-ci et d’étaler sur notre palette les fragments dont nous avons besoin pour nous nourrir intellectuellement.
Force et résilience.
Dans ce nouvel album, que nous prenons d’un bloc, comme un seul titre se développant au gré des humeurs, les nôtres, Magnetic rust nous attire irrémédiablement. Sa musique, presque ambient, n’a pas d’arêtes saillantes, elle est toute en courbe. Elle épouse nos corps, nos psychés, nous accueille chaleureusement dans son parcours. C’est toujours étonnant comme une musique électronique, faite par des machines sans âmes, peut en transmettre autant (d’âme).
En chef d’orchestre, il est évident que Magnetic rust en possède une, et elle transparaît par les machines. Elle est douce, immersive, démonstratrice de ce que l’Homme porte en lui. Intimité et universalité se côtoient, sans couleurs de peau, sans critères physiques, sans religion, sans orientation sexuelle, mais avec cet élément commun qui nous habite tous, qui que nous soyons, où que nous vivions.
Pour nous, cet album, et le travail du musicien, évoquent ce qui réunit les hommes. Peur de la mort, amour filial, émerveillement devant une découverte inattendue, amitié, joies et peines « primaires » (ou animales), tout transparaît par la magie de compositions qui jamais ne tournent en rond.
Concision bienvenue.
En effet, les titres de Fragile ne s’éternisent pas comme c’est trop souvent le cas dans la musique électronique (et encore plus dans l’ambient). Ceci à deux vertus : la première étant celle d’aller droit au but, la seconde étant celle de ne pas noyer l’essence du morceau dans une répétition n’apportant rien.
Il faut avoir conscience de la force du morceau que l’on crée, et Magnetic rust, en plus de son talent pour tracer un parcours émotionnel limpide, ne laisse jamais son ego dépasser son propos. Une humilité qui permet à l’ensemble de son album de libérer sa force et sa bienveillance.
Fragile est donc, à notre sens, un album de mise à nu, autant de la part de l’artiste que de celui ou celle qui écoute l’album. Il convient alors de se poser, de lancer les pistes de l’album, et de ne rien faire à côté, comme pour laisser la musique faire son travail psychanalytique. Non pas que nous en ayons tous besoin, mais simplement parce que Fragile nous permet de nous reconnecter à notre part d’humanité. Ce qui est toujours surprenant lorsque la musique est électronique.
LE titre de Fragile.
Tous les morceaux étant instrumentaux (on entend quelques bribes de paroles sur Children’s games), il est dur d’en dégager un. Mais justement, Children’s games nous plaît beaucoup. Simplement parce que l’avenir de l’homme est présent dans chaque enfant. Alors, laissons les jouer, ne pervertissons pas leur innocence, laissons les s’émerveiller d’un escargot ou d’une abeille, laissons les s’inventer des mondes, car c’est eux qui, jour après jour, sauvent le nôtre.
On pense à Colin Johnco