[ ALBUM ] KING KHAN, The Infinite Ones//jazz stellaire
The infinte ones, nouvel album de King khan (Ernest jenning records co/kannibalism)
Honnêtement, quand nous avons appris que King Khan avait sorti un album jazz, fin octobre, nous étions plus que dubitatif. Parce que la dernière fois que nous avions vu le musicien, c’est la face cachée de sa lune qui nous est restée gravée sur la rétine. En effet, la prestation de King Khan, au Binic folk blues festival restera longtemps comme un des spectacles les plus foutraques que nous ayons vus (et nous en redemandons des shows comme ça, et vite!). Si la tendance rock garage était à son plus beau niveau ce jour-là, elle ne laissait en rien présager des aptitudes au jazz. Et pourtant, The infinite ones est un putain de bon album !
Des invités prestigieux.
Il faut dire que le facétieux musicien sait s’entourer des plus fines lames de la catégorie (qui est celle née de son imaginaire débridé). Nous retrouvons donc ici, cités pêle-mêle : Marshall Allen, Knoel Scott, Jonh Convertino, Ben Ra, David Zolli, Brontez Purnell et Martin Wenk. La belle équipe nous propose un jazz très pop dans son intention, très spatial, toujours très fin dans son approche d’un thème à développer.
Que nous soyons du côté de l’Inde (theme of Yahia) ou dans une métropole sans doute un peu flippante (Mister Mystery), l’effet dégagé est le même : une immersion totale dans l’univers imaginé par cette brochette de musiciens foutrement inspirés. On pense au superbe Sons of love de Thomas de Pourquery & Supersonic, notamment dans cette volonté d’être à la fois respectueux du modèle jazz et dans celle de vouloir décloisonner les genres. Résultat : loin d’être un album pour initiés, The infinte ones peut être apprécié à sa juste valeur par les fans de pop, de rock, comme par les fans de jazz.
Un son impeccable.
Un soin tout particulier est apporté au son de chaque titre. Bien qu’ils soient relativement différents les uns des autres, ils bénéficient tous d’une production en béton armé, qui lie l’album dans une cohérence sans faille. Tout se tient admirablement dans des sonorités parfois vintages, parfois presque rétro futuristes, sans que nous ayons l’impression d’être baladés d’un côté et de l’autre. La basse impose souvent la fréquence sur laquelle se branchent les musiciens, elle est la colonne vertébrale sur laquelle s’articule tous les instruments. En effet, la batterie est très inventive, impose une rythmique fragmentée pleine de personnalité. Mais c’est véritablement la basse qui mène la danse, fixe les repères.
La trompette est stratosphérique, évoque un Miles Davis au zénith de son art. Expressive, précise, elle est l’équivalent d’une pédale wah wah pour la guitare, c’est-à-dire qu’elle semble s’adresser directement à notre conscience, nous édictant des règles que nous voulions passer sous silence. Elle nous électrise, nous fait planer, nous fait rêver également. Les autres guitares, claviers ne sont pas en reste, néanmoins, ils passent un peu derrière cette présence gigantesque du cuivre. Est-ce grave ? Pas du tout, car nous sentons chaque instrument à la place qui est la sienne, ni plus ni moins.
Des compositions envoûtantes.
Tout cela est bien évidemment mis en exergue par des compositions de très belle facture. Si elles sont relativement linéaires (c’est cela qui rassurera les fans de rock et de pop), elles n’en dégagent pas moins des univers forts, colorés, inventifs. Des « délires » internes permettent justement à la patte jazz de faire son effet (on pense à la batterie qui subit parfois des accès de tachycardie), mais jamais au détriment de la compo en elle-même.
Chaque arrangement, choisi, calculé (on ne croit pas vraiment au hasard de la chose tant l’ensemble se tient admirablement), permet à chaque titre de s’émanciper des standards du genre. Même un titre comme Trail of tears (le seul véritablement chanté, ce qui nécessite tout de même une certaine assise rigoriste) se permet une cavalcade batterie venue d’on ne sait où mais nous ravissant au plus haut point. Tour à tour énigmatique, grandiose, aérien, concret ou abstrait, chaque morceau nous propose un voyage sensoriel intense, captivant. Ce qui fait de The infinite ones la très belle surprise de cette fin d’année !
LE titre de The infinite ones.
À vrai dire, tous les morceaux se tiennent. Du fait qu’instantanément ce soit la mélodie de Theme of Yahia qui nous revienne en tête fait de lui notre préféré de l’album. Il faut dire que le groove de ce titre, agrémenté de harpe, nous propulse du côté de Bollywood ou de n’importe quelle autre contrée aux couleurs épicées et féeriques. Il nous revient sans cesse en tête ce titre, sa mélodie étant addictive au possible, mais jamais au point d’en devenir obsédante et, du coup, indigeste. Bref, efficace en diable, tout comme ce remarquable LP.