[ALBUM/LP] Jay Som, Anak Ko entre joie adolescente et orfèvrerie pop
Jay Som, Anak Ko disponible chez lucky number/Bigwax
Dès l’entame d’Anak Ko, la pop de Jay Som (Melina Duterte de son vrai nom) nous saute aux oreilles de la plus douce des façons. En 9 titres, Jay Som nous propose une dream pop indé aux accents 90’s parfaitement intégré dans une musique moderne, romantique, à la candeur adolescente.
L’âge adulte.
La science des arrangements de L’américaine aux racines philippines démontre une maturité sans failles. Si l’esprit adolescent que dégage sa pop se traduit par une musique apparemment légère, son écriture est, elle, totalement adulte. Si les couplets refrains sont de mise, les structures mêmes des titres osent les surprises (par exemple, le titre Tenderness commence de façon minimaliste, comme filtré par un combiné téléphonique, avant de subir une rupture de son qui l’entraîne vers des rivages plus discos).
Les différents morceaux de l’album dégagent une impression de tendresse, de quiétude, mais également une forme de romantisme presque naïf. Les deux morceaux qui ouvre Anak Ko (qui signifie « mon enfant » en Philippin), If you want it et Superbike, instaurent un climat entre confidences, comme résultant des pages d’un journal intime, et exposition de vérités simples.
Renouveau.
L’artiste a écrit cet album suite à une retraite d’une petite semaine à Joshua Tree. Si elle possédait une montagne de démo avant celle-ci, elle n’a pas hésité à tout reprendre depuis le début. Cette remise à zéro (comme celle de sa vie survenant après un déménagement et le début d’une relation amoureuse) se ressent dans la spontanéité des morceaux. Tous dégagent une cohésion de ton, une énergie délicate et un esprit tourné vers l’extérieur, combien même les thèmes qu’aborde Jay Som sont liés à ses ressentis, à ses émotions et à ses questionnements.
Pourtant, elle les hisse vers quelque chose d’universel, sans en faire des caisses. Sans doute parce qu’elle affirme avoir changé, en profondeur. Les sonorités de cette dream pop indé participent grandement à cette sensation de bien-être. Nous avons l’impression d’être chaleureusement accueilli dans ce cocon créatif, aux sonorités proches de celles des années 90, mais également d’une forme d’americana très soft, notamment lorsque quelques notes de pedal steel retentissent.
L’ensemble de l’album baigne dans des eaux limpides où les instruments sont comme autant de caresses sur nos peaux et de doigts passés dans nos cheveux. Un léger voile cotonneux les habite également, ces morceaux, semblable à ces moments où l’on émerge du sommeil, après une nuit passée blotti contre l’être aimé, et que l’on a conscience de vivre là un moment privilégié.
Climats.
La musique de Jay Som possède une faculté rare, celle de mettre à nu nos émotions, un peu comme si nous répondions à sa propre mise à nu. Peu importe que le morceau soit enlevé ou introverti (comme le superbe Anak Ko), nous sentons résonner en nous une pointe de nostalgie, un soupçon de légèreté, une envie de serrer notre moitié, nos enfants, fort contre nous. L’album entier semble nimbé de cet amour au sens le plus pur et le plus large qui soit.
La voix de Melina Duterte y fait pour beaucoup. Elle se marie à merveille avec les nappes synthétiques qui tapissent l’ensemble de l’album, s’harmonise à des guitares acoustiques de façon évidente. Les arpèges électriques semblent, eux, porter aux nues des sentiments épiques, trépidants, parfois proche de l’extatique.
La chaleur qui se dégage d’Anak Ko pourrait prolonger cet été de fort belle façon. Elle irradie jusque dans l’artwork du disque aux couleurs chatoyantes, rassurantes. Un peu comme si, du bout des doigts, nous caressions quelques rayons de soleil au moment ou la nuit et nos rêves s’installent.
LE titre de l’album.
Pour nous, le titre qui caractérise Anak Ko est le second du disque. Superbike possède un esprit adolescent et une fougue romantique touchante. Finissant sur une partie instrumentale épique, il déclenche chez nous une foule de sentiments, allant de cette joie simple d’écouter un beau morceau à cette pointe de légère nostalgie de ces moments passés qui restent gravés en nous. Les sonorités très 90’s nous ramènent également à cette période de notre vie où tout semblait, naïvement, fièrement aussi, possible. Ce titre prouve la délicatesse de Jay Som et cette facilité à faire vibrer notre corde sensible.