GOOD MORNING, Barnyard, joyeusement spleen.
Sixième album disponible le 22/10 chez Polyvinyl Records
L’Australie, un jour, nous décevra-t-elle ? Impossible de répondre à cette question, encore moins après l’écoute de Barnyard, sixième album du duo formé par Stefan Blair et Liam Parsons. Good Morning nous procure une immense sensation de paix, de joie, même si une forme de nostalgie, proche de la mélancolie, se fait entendre sur cet album au charme incroyable.
Il y a deux constantes sur ce disque. La première pourrait être la diversité. Même si nous retrouvons sensiblement la même formule sur chaque titre, les lignes épurées de chacun d’entre eux nous dévoilent un univers propre, allant de la ballade folk (Too young to quite), au post punk (Never Enough), en passant par le rock (avec quelques accents « garage ») et, forcément, en grande majorité, la pop. La seconde est cette capacité à propulser des mélodies venues de nulle part au centre même de notre vie, pour une durée non limitée dans le temps.
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La pop.
Il est toujours surprenant de constater à quel point nous avons des a priori sur la pop. Nous pensons très souvent à tort qu’elle ne peut plus nous surprendre, que tout a déjà été dit, que les mêmes recettes y sont toujours appliquées pour, plus ou moins, les mêmes résultats. Avec une coolitude juvénile, Good morning déboule et nous fait, une fois encore, la démonstration que la pop sait se renouveler, à l’infini.
Sans doute cela est-il lié au fait que le groupe lui-même se renouvelle sur ce Barnyard lumineux. En effet, le duo a quelque peu cassé ses propres codes. Parmi ceux-ci, le fait que le disque a été réalisé avec l’aide d’un ingénieur extérieur et que le disque sortira sur un label n’étant pas géré par un de leurs amis. Comme une émancipation, en somme, qui se traduit par une musique proposant bien plus qu’une simple pop. Sa richesse en est une puissante démonstration.
On retrouve tout de même ce qui fait le sel de la pop, notamment des mélodies incroyables, que nous nous surprenons à siffloter inconsciemment. Pas celle d’un seul titre, mais celle d’une grande majorité des onze présents sur l’album. Il existe ainsi une forme d’évidence, faite de simplicité et de cet élément indéfinissable, celui qui fait que le groupe est « complet ».
Force et beauté.
Un titre comme I’ve been waiting en est un parfait exemple. Guitares claires, presque cristallines, basse et batterie hypnotique à l’intensité magnétique et progressive, chant en avant, d’une insondable douceur, comme pour nous protéger d’un coup de froid, le morceau dégage ce sentiment étrange (et grisant) qui a forcément assailli tout musicien, du novice à la rock star planétaire, à savoir cet élément impalpable, toujours un peu magique, d’avoir touché du doigt quelque chose de grand.
D’autres titres sur Barnyard déclenchent cette même impression. La musique groupe avoisine une forme de perfection, notamment par le fait qu’aucun morceau, même le plus expérimental (nous allions dire torturé, à cause de ses dissonances électrifiées, ou son caractère bipolaire obsédant) Matthew Newton, ne se contente de rejouer une partition déjà entendue un milliard de fois.
La voix lead est superbe, expressive à merveille. Légèrement granuleuse, elle nous sert ses émotions sur un plateau d’argent. De petites notes mélancoliques affleurent, un spleen délicieux, une notion aussi de légèreté, presque de frivolité. Un léger côté crooner se fait également entendre (sur un titre comme Burning, notamment, sans doute aidé en cela par la rythmique un peu alanguie).
Un dosage impeccable.
Nous sentons sur Barnyard un équilibre parfait entre intensité émotionnelle et relâchement salvateur. Certains titres nous donneraient aisément envie de lâcher une petite larmichette, tout comme la sensation globale de l’album nous donne envie de rire, de bonheur, d’avoir en notre possession cet album sans fausse note apparente.
En ce sens, Barnyard s’approche, à notre idée, des album d’un groupe comme Pulp. Parce que Barnyad est d’une élégance dingue, parce qu’il intègre dans ses compositions un peu toute l’histoire de la pop music, mais également du rock (on perçoit quelques soupçons presque americana sur Green Skies). Son caractère introspectif ne masque pas non plus ses interrogations d’ordre un peu plus universelles (celle d’un constat d’impuissance à changer les choses qui, à grande échelle, nous plombent).
Ce Barnyard est donc une réelle révélation, porté par des titres d’une forte homogénéité, par un esprit libertaire, par une envie d’évolution, aussi intime que globale, à l’échelle du monde, sans pour autant verser dans l’aspect donneur de leçons. Aucune lassitude, aucun faux pas, ni pour l’album, ni pour ses géniteurs, ce qui fait de ce sixième album l’un des plus beaux disques de cette année 2021.
LE titre de Barnyard.
On vous l’avait dévoilé dans une de nos playlist, Country est un pur chef d’œuvre du genre. Sa base répétée à l’infinie (ou qui aurait pu l’être) sur laquelle se greffe basse, batterie, une autre guitare et le chant dégage une énergie phénoménale. C’est sans aucun doute le morceau immanquable de l’album. Comme nous en avions déjà parlé, on vous parle donc du deuxième titre de Barnyard. La ballade d’introduction, en opposition avec Country qui clôt l’album, est presque son total opposé.
Mais il est tout aussi fort. Too young to quite est en entrée en matière idéale (même si notre première réaction fut de croire que nous commencions l’album par la fin). La voix est convaincue, convaincante, montre déjà le talent de composition du groupe. La base aussi est minimale, guitare folk, quelques passages de piano, une seconde guitare électrifiée, pas de batterie, pas de base, une impression spatiale et folk, une légèreté pleine de tristesse, ou de ce sentiment d’être (un peu) inconsolable. Et une fin en suspension, aux synthés, presque dream pop, pour nous faire décoller vers un titre proche du post punk (Depend on what I know qui le suit).