FRÉDÉRIC D.OBERLAND, Même soleil (où que nous soyons)

Frédéric D.Oberland même soleilNouvel album disponible chez IIKKI

Pour vous qui nous suivez depuis longtemps, avec cette infaillible fidélité qui nous va droit au cœur, Frédéric D.Oberland vous dit forcément quelque chose. Pour le autres, sachez que ce musicien est l’une des têtes pensantes d’un groupe que nous aimons beaucoup, à savoir Oiseaux tempête. Mais le musicien nous revient aujourd’hui avec un nouvel album solo, son troisième, nommé Même soleil.

Nous reconnaissons de façon instantanée la patte Oiseaux Tempête, même si le contexte est ici un peu différent. En effet, là où le groupe évolue dans un post rock parfois tellurique, dévastateur, Même soleil lui évolue en terre ambient, d’inspiration, tout de même, post rock. Comme pour Oiseaux Tempête, nous retrouvons des connivences avec toute une scène canadienne, notamment celle qui s’articule autour du label Constellation dont nous ne chanterons jamais assez les louanges. Mais quid exactement de ce nouvel album solo ?

Ambiances.

Là où certains groupes nous offrent dix titres en à peine une demi-heure, Frédéric D.Oberland nous propose un album de 6 titres pour 40 minutes. Celui-ci est agrémenté, à ces deux extrémités, de deux pièces se répondant, Augures et À notre nuit. Toutes deux d’une durée dépassant les 10 minutes, elles semblent les remparts des quatre autres morceaux. Elles les protègent, ou bien elles leur donnent leur impulsion, comme une introduction et une conclusion de conte de fées (ou plutôt de film dramatique).

Il nous apparaît clair également qu’elles se répondent car elles utilisent à peu de chose près la même recette, à savoir une base hypnotique, faite de couches plus ou moins épaisses de claviers. Les nappes ici nous évoquent d’un côté l’aurore, de l’autre le crépuscule. Sur Augures, nous y voyons des teintes chaudes diluées dans un petit brouillard matinal, dans lequel le chant des oiseaux, symbolisé à notre goût, par des flûtes d’inspirations orientales, mais également représenté de façon bien moins allégorique par des enregistrements de pépiements, se ferait entendre. En conclusion à l’album, À notre nuit se parerait des couleurs déclinantes de la fin de journée, chaude mais virant peu à peu vers des teintes représentant l’obscurité.

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L’album porte donc bien son nom puisque nous voyons, à travers ces deux pièces maitresses, un peu de la course du soleil dans le ciel. Même si, évidemment, Même soleil évoque aussi pour nous, toujours à travers ces deux morceaux (gorgés également de…clarinettes ?) l’idée que, que nous soyons européens, asiatiques, moyen orientaux, américain, nous vivons tous sous le même soleil.

Analogique.

Donc, nous avons une base de posée. Des nappes, une tension délivrée par les instruments à vent, une basse présente avec parcimonie pour donner une amorce de rythme, tout nous place dans un mouvement lent, aérien, mais également terrien. Nous sommes en prise avec les éléments, air, terre, eau également dans une moindre mesure, et nous voyons des images naître, comme si cette musique de transe nous permettait de quitter notre enveloppe charnelle pour voyager, avec les bagages qui sont les nôtres et façonnés par nos propres histoires, là où aucun avion, aucun véhicule ne pourrait nous emmener.

Nous voyons du sable, des montagnes, des paysages s’étendant à perte de vue, des caravanes au milieu des dunes d’un désert fantasmé, des rizières où travailleraient, courbés sous le poids du ciel, des hommes et des femmes. Enfin, nous voyons aussi, sous les aspects drones de la musique de Frédéric D.Oberland une certaine dramaturgie dans le mouvement d’êtres qui, bien que situés aux extrémités de notre planète, seraient dans le même mouvement, dans le même rythme. Peu importe le fuseau horaire, tout ici nous entrainerait dans une même danse, celle, simplement, de la vie.

Fraternité.

Ces aspects nous sautent aux oreilles par les différentes trouvailles du musicien. Fragments de paroles, bruitages, inventions sonores, tout nous conduit aux frontières entre réalité(s) et rêveries. Mais n’allez pas croire que tout cet univers soit rose, ou pourpre, ou orangé rouge des couleurs du soleil levant couchant. Non. Si évidemment le cœur de Frédéric D.Oberland, voyageur, adepte des rencontres musicales et amicales, déborde de ce sentiment d’humanité, de fraternité, nous sentons aussi une dramaturgie se mettre en place tout au long de Même soleil.

Celle-ci, forcément, est apocalyptique (comment ne pourrait-elle pas l’être?). Avec Oiseaux Tempête, notamment sur leur dernier album où prenait chant GW Sok, et ses atours prophétiques, la main était tendue vers ces contours flous mais qui semblaient déjà pointer le bout de leur nez. Ici, D.Oberland creuse sa propre voie, enfonce le clou, martèle sa conviction que le monde entame une nouvelle courbe, peut-être croissante, voire exponentielle, des effets destructeurs de ce climat qui déraille et que nous sommes incapables d’enrayer par des mesures (simples) fortes (une vraie politique écologique serait la bienvenue avant que nous courions à la catastrophe, bien que celle-ci ait déjà commencé).

Nous sentons aussi, dans ce caractère dramatique, ces éléments de destruction de l’humain, par les mêmes sempiternelles histoires de guerre pour des futilités. Peut-être que tel n’est pas le propos du musicien, mais sa musique réveille en nous ce feu bouillant d’émotions violentes (et pures). Chacun est libre de se faire sa propre interprétation puisque tout est ici instrumental. Nous n’avons de meilleur conseil à vous donner que celui-ci : laissez-vous dériver.

Pour autant…

… tout n’est pas noir, grave. Il y a aussi de l’espoir, toujours. Certaines mélodies nous allègent d’un poids, comme si des solutions pouvaient/allaient être trouvée. Comme si la foi de lendemains meilleurs était une évidence. Alors, nous nous prenons à croire que tout n’est pas foutu. Ainsi peut se désamorcer le jour, s’entamer la nuit, avec une (presque) sérénité nous permettant d’affronter nos lendemains.

Ce disque, bien plus qu’un instrumental , est un voyage sensoriel. Il convient de l’écouter les yeux fermés, installé dans une position confortable, et de laisser la musique faire son œuvre. Elle agit seule, comme elle semble s’être faite toute seule. Frédéric D.Oberlant réussit, avec Même soleil, à donner une sonorité à l’astre qui nous éclaire, à lui faire traverser le ciel dans cette parabole qui n’appartient qu’à lui.

Même soleil s’avère donc un disque captivant, évolutif aussi car, en fonction de votre état émotionnel, vous y verrez des couleurs différentes, des images nouvelles, des sentiments insolites naître à chaque nouvelle écoute. Ce qui fait que ce disque peut nous accompagner de nombreuses heures, de nombreuses journées, voire de nombreuses années, en espérant simplement que l’espoir suscité par les premières écoutes ne s’éteigne jamais.

NOTA : Le disque est sorti accompagné d’un livre de photographies de Gaël Bonnefon.

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