ANNA VON HAUSSWOLFF, Live at Montreux Festival
disponible depuis 14 Janvier 2022 chez Southern Lord
Le succès est une sempiternelle contradiction dans l’âme de l’artiste, un processus de distanciation ancré souterrainement dans l’inconscient. La déformation du réel, nous réconcilie avec l’imaginaire, avec le rêve et la magie. La musique de Anna von Hausswolff vient atteindre notre intimité, et propose une herméneutique du réel.
Ses accords sont des supports pour les mots, nous apprenant à nous regarder en toute lucidité à la croisée des ténèbres et de la lumière. Son chant mène à une catharsis, ressentie comme telle par son auditoire, une manière de reconsidérer l’approche vocale, une liturgie en opposition à l’universelle ignorance des religions obscurantistes.
L’intention d’Anna, n’est pas de heurter, mais d’atteindre cet équilibre entre la vibration émotionnelle et la restitution d’un univers intimiste. En ce sens, sa musique ne ressemble à aucune autre et c’est cela qui l’a distingue.
Une vocation
Native de Göteborg, Anna est initiée à la musique par le biais de son père Carl Michael von Hausswolff, artiste visuel et artisan sonore expérimental. Cette révélation prend tout son sens au travers des vibrations sonores, des interférences qu’elle perçoit dès son enfance. Elle vit une véritable épiphanie à travers le piano dont elle étudie toutes les possibilités.
Son premier enregistrement Singing From The Grave paru en 2010 dessine déjà les contours éthérés de ses prochaines œuvres. La prédominance du piano préfigure ce que seront ses prochaines oeuvres, une beauté dans la mélancolie plutôt que dans l’exubérance.
Arcanes d’une oeuvre liturgique
Avec Ceremony, la pochette laisse entrevoir qu’un seuil a été franchi. Derrière les soufflets d’orgues, c’est tout un univers intimiste qui révèle ses secrets. Parsemé de silences et de parenthèses étranges, l’album plante le décorum d’une musique mystique, ténébreuse, épurée au possible, avec cette tonalité proche de la psalmodie, cette altérité qui ne ressemble à aucune autre.
The Miraculous et Dead Magic sont dans cette tonalité, lumineuse et obscure. Les orgues se dressent telles des murailles, un art de la construction où se brisent les fréquences et autres larsens avant de retomber en nuances subtiles, tissant une toile mélodique d’une beauté absolument sublime. C’est en quelque sorte une musique imperméable à toute forme d’analyse, inexplicablement attirante. Le chant d’Anna von Hausswolff touche au divin. Les rêves sont enveloppés d’un voile opaque comme sur des photos anciennes.
Avec All Thoughts Fly (2020) Anna se consacre entièrement aux orgues, dans une exploration mystique, une immersion métaphysique, le travail est colossal, chaque millimètre de l’instrument (Arp Schnitger) est étudié comme une pièce d’orfèvrerie. On y perçoit même les pièces mécaniques et les soufflets s’articuler. L’accordage en quart de ton exige une oreille précise. La tournée Européenne qui s’ensuit avec Gianluca Grasselli et Joel Fabiansson, sous la forme d’un trio donc, et reste encore à ce jour une expérience hors du commun. Le temps s’est figé , l’espace d’un lieu où les vibrations, les bourdons et les dissonances résonnent encore pour emplir l’auditoire jusqu’à la lie.
Consécration et abnégation
La tournée en France a été contrariée en 2021 par des fondamentalistes religieux. Nous ne reviendrons pas sur ces faits bien qu’ils aient placés Anna sous le projecteur providentiel de la presse.
La parution en Janvier 2022 du double Lp « live at Montreux Jazz Festival » ( enregistré en 2018) restitue l’atmosphère élégiaque de ses précédents disques. Six titres d’une beauté magistrale, embrassant l’infini, d’une solennité rare, d’une humilité exemplaire, une plongée dans le crépuscule, où surgit une silhouette sépulcrale, nous entraînant aux confins d’une terra incognita.
On retrouve sur scène Maria Von Hausswolff (Come wander with me, deliverance) que l’on peut aussi voir dans les clips de sa soeur. L’émotion singulière de ce concert est idéale pour une écoute nocturne, ouvrant des perspectives insoupçonnées. Car bien plus qu’un concert, il s’agit là d’une performance comparable à un requiem. A la frontière entre rêve et réalité.
Pour couronner l’actualité, Anna von Hausswolff repart en tournée en Octobre 2022 avec deux dates uniques en France dont Montpellier dans le cadre du Ex-tenebris lux festival !
Infos supplémentaires.
lien bandcamp : https://annavonhausswolffsl.bandcamp.com/
Southern Lord Records : https://southernlord.com/
Event Montpellier : https://m.facebook.com/events/jam-montpellier/ex-tenebris-lux-anna-von-hausswolff/889603879102531/
Franck irle
Elevé dès mon enfance aux vinyles, initié au piano et à la guitare, première révélation avec les Beatles à l’âge de 8 ans issue de la discographie de ma mère. Autre révélation avec Jack Kerouac, et la beat generation durant mon adolescence. Je me suis décidé à écrire des chroniques sur un blog dédié à la musique Francophone souterraine ( Jean Le Fennec, Wertheimer, Alain Kan…) et depuis ? Je dévore les disques au quotidien, participe avec WhatTheFest en tant que bénévole pour des concerts sur Montpellier ( Lingua Ignota, Anna Von Hausswolff). Ci-joint une photo polaroid un peu floue ! Je compose aussi et travaille sur un projet solo, Zero Circle : https://zerocircle.bandcamp.com/
Lire une autre crhonique de Franck ici
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