[ ALBUM ] ALBA CARETA, Alades, jazz ibérique.
Alades, deuxième album d’Alba Careta group (disponible chez Microscopi)
Nous vous avions signalé le premier extrait d’Alades, Oceans, de la jazzwoman Alba Careta il y a quelques semaines dans une de nos playlists. Nous vous parlons un peu plus en détail du travail de cette trompettiste espagnole qui vient de sortir son deuxième album sous son nom.
Ça change quoi une femme à la trompette ?
Il n’est pas si courant que ça de voir ou d’entendre une femme à la trompette. Non pas que le jazz soit un style musical plus (ou moins) machiste qu’un autre, mais les femmes qui y évoluent sont plus souvent derrière un micro ou derrière un piano que derrière un cuivre. Cet instrument, ô combien physique, étant, que nous le voulions ou pas, l’apanage des hommes (Miles Davis, Ibrahim Maalouf, Louis Armstrong, par exemple).
Fort heureusement, la pratique de l’instrument s’est démocratisée à la gent féminine. Et qu’est-ce que ça change ? Eh bien, fondamentalement, pas grand-chose, si ce n’est, peut-être, un touché légèrement différent, peut-être plus doux, mais nous n’en sommes pas sûrs. Question dextérité, nous sommes au même degré de perfectionnement, c’est-à-dire, pour ceux qui en doutaient, qu’Alba Careta n’a ici rien à envier à ces Messieurs, n’en déplaisent à certains.
Ceci étant dit…
… plongeons nous dans Alades, les yeux fermés, comme pour mieux laisser la musique imprégner nos tissus. Premier constat : nous sommes en présence d’un jazz coloré, moderne, conscient (comme nous avions pu l’évoquer quand nous vous avions parlé d’ Oceans,). Dans Alades, nous sommes en présence d’un jazz hybride, faisant le lien avec un passé jazz plus vivant que jamais et un jazz actuel plus inventif que jamais. Résultat : une musique à la fois respectueuse et impertinente, puisant son énergie dans les combats d’aujourd’hui et son assise dans le respect des aînés.
Les climats y sont tout à la fois apaisés et énervés. Ils permettent parfois de dérouler une musicalité fluide ou heurtée, en fonction des sentiments tempétueux, ou non, qui les habitent. Un titre comme Tell me also the sad par exemple, n’est pas aussi expérimental qu’Oceans. Non pas qu’il soit pour autant sans relief, il l’est simplement d’une autre manière. Nous ressentons un amour du groupe pour un certain « classicisme » jazz (si tant est que la jazz puisse être classique), mais également une modernité dans son approche.
Chaud.
Cette modernité n’est pas de celle d’un Ibrahim Maalouf qui intègre dans son jazz pas mal d’éléments modernes et un traitement osant parfois l’incursion d’électronique dans ses arrangements. Ici, nous restons dans la formule acoustique du jazz, avec une production sobre mais chaude, ample. Nous évoquions qu’Alba Careta est espagnole, mais ne vous attendez pas pour autant à entendre des sonorités ibériques ou flamenco. Tel n’est pas le propos. En effet, pas de « communautarisme » dans la musique de la trompettiste, mais une ouverture sur le monde, dans la plus pure tradition jazz.
Nous retrouvons dans son approche une certaine fougue, non pas de celle de ceux qui ont quelque chose à prouver, mais de celle de la jeunesse, de cette énergie que nous retrouvions dans le rock jadis (et moins maintenant). D’ailleurs, l’énergie émanant de cet album n’a rien à envier à qui que ce soit. Elle étincelle d’une foi inébranlable en ce que la musique véhicule de positif, de fort, dans le bon sens du terme (celui qui entraîne et non celui qui abaisse ou laisse sur le côté). Adeptes ou non du style, vous pouvez vous y retrouver car Alba Careta group vous propose une immersion totale, à base de mélodies accrocheuses développant rapidement un univers explosif, indomptable qui ne peut pas laisser indifférent.
Tout instrumental ?
Eh non, ce disque n’est pas qu’une succession d’instrumentaux puisque nous entendons dans deux titres la voix de la jazzwoman. Une première fois par le biais d’un fredonnement, la deuxième fois sur des paroles en espagnol (le très beau Corrandes d’exili). Souvent, les disques instrumentaux de jazz ne laissent pas place au chant, ici c’est le cas, et ça fonctionne plutôt très bien.
Au final, cet album nous démontre que le jazz est une musique toujours fringante, capable de tisser des ponts entre un passé glorieux et un présent en pleine mutation. Quant aux âmes chagrines qui oseraient dire qu’une femme qui joue de la trompette « c’est même pas la peine d’y prêter attention », nous leur conseillons simplement qu’ils se précipitent sur Alades. Ils verront bien vite leur avis se modifier car c’est un très bel album, très complet, mais aussi très optimiste (même si colère il y a), à mettre dans toutes les mains.
Reoir Oceans,
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