[ ALBUM ] A SWARM OF THE SUN, Zenith, post-rock viscéral.
Réédition du premier album de A swarm of the sun, Zenith.
10 ans, ça se fête ! Alors quoi de mieux que d’offrir un petit lifting au premier album qu’un groupe a sorti ? Zenith, premier LP du duo suédois A swarm of the sun (Erik Nilsson et Jakob Berglund) propose un post-rock qui nous prend directement au creux du ventre, comme pour mieux, en compressant notre estomac, en faire ressortir des émotions sanguines, incontrôlables, fortes.
Si lifting il y a eu, nous ne pouvons que constater qu’il le fut bien. Car, à vrai dire, l’album sonne terriblement actuel. Non pas à la mode (le post-rock ne sera jamais à la mode et c’est tant mieux), mais actuel, avec des sonorités qui pourraient être celles d’un groupe comme Oiseaux-Tempête par exemple.
La charge émotionnelle qui s’échappe des 10 titres est ici magnifiée par une production absolument irréprochable, évoquant la terre noire ensevelit sous une couche de neige immaculée. En y creusant, nous découvririons quelques cadavres de notre passé, des souvenirs néfastes refoulés que nous ne voulions jamais voir réapparaître, même si, de façon schizophrène, nous avons creusé dans ce seul et unique but.
Mélancolie oppressante.
Dans Zenith, le sentiment premier qui nous assaille est celui d’une mélancolie profonde, poisseuse, noire charbon, impossible à laver si elle s’est lovée dans les plis de notre beau. C’est beau, simplement puissant, parfois dévastateur. Cela nous étonne toujours de voir à quel point un groupe, très majoritairement instrumental, parvient à mettre nos émotions en musique et les porter ensuite à ébullition. Il s’agit presque de magie tant la justesse mélodique réveille ici nos démons intérieurs.
Comme tout post-rock se respectant, il est question de boucle, de thèmes répétés jusqu’à l’obsession, sans cesse augmentés de ces petits riens qui font d’un morceau un morceau d’exception. Il n’y a pas de démonstration de technique, simplement celle d’une justesse de ton, ni plus ni moins. Les motifs nous tournent autour, vol majestueux d’un oiseau de proie qui soudainement piquerait en vrille en direction de notre carcasse zombifiée par un consumérisme tout aussi prédateur.
Nous protégeons notre tête des deux mains, craignant la douleur aiguë du bec, mais elle ne survient pas. En relevant les yeux au ciel, nous constatons que l’oiseau n’est plus là (l’a-t-il jamais été ?). Mirage d’Eden, de paradis perdu, de redécouverte de l’innocence ? Impossible à dire, en vérité.
Puissance sourde.
À la différence de certains groupes comme Mogwai, A swarm of the sun est bavard. À mettre en guillemets néanmoins car la durée totale des paroles doit avoisiner les 5 minutes sur cet album en comportant pas loin de 50 (on exagère à peine). Les voix ici nous évoquent celle de Girls in hawaii, à savoir pleine d’une timidité touchante, avec ce côté fragile qui décuple l’aspect à fleur de leur musique. Presque murmurées, elles contrastent par leur douceur avec le côté fougueux des compositions.
Les images naissent d’elles-mêmes tout au long de Zenith. Nous y voyons des landes en feu, des mouvements de révolte, des scènes souvent noires, évoquant la misère, la guerre, des scenarii apocalyptiques. Et puis la vie aussi, dans ce qu’elle a de précieux, dans l’émerveillement perpétuel face à la beauté du monde, à la pureté innocente de certains êtres. Il est de votre choix de créer votre imaginaire, de laisser vos ressentis créer le monde qui va autour de cette musique.
Les superpositions multiples portent à bout de bras un propos souvent tendu, comme écorché vif, sans en faire des tonnes. C’est d’ailleurs là que la musique de A swarm of the sun fait le plus d’effet. Les nappes de claviers forment un bourdon incessant, à l’opacité impénétrable. Nous restons à la porte, incapable de franchir le seuil quand bien même nous le voulons. Il résulte presque une impression d’impuissance. Impuissance à exprimer ce qui nous transperce le coeur. Les mots nous manquent d’ailleurs, même si nous essayons vainement de trouver les synonymes dont la pertinence rendrait cette chronique d’une justesse irréprochable. Mais c’est peine perdue.
Instrumentaux évocateurs.
Les guitares nous mettent en lambeaux, la rythmique porte au coeur, l’ambiance des dix titres nous serrent la gorge. Nous nous sentons minuscules, enserrés dans notre condition d’homme, dans notre lâcheté égoïste, dans nos plus bas instincts, même si, peut-être, par moments, le soleil semble trouer une obscurité qui s’effiloche petit-à-petit.
Le voyage a ceci d’imposant qu’il nous déshabille, nous laisse nus, vulnérables, en proie avec nos propres histoires, nos propres accumulations de références. Nous nous sentons ébranlés dans nos certitudes, dans nos choix, comme si, par un gamme sur une portée, A swarm of the sun nous plaçait face à l’évidence : la musique possède une force que les mots rendent bien souvent caduque. L’universalité se joue finalement sur 7 notes.
LE titre de ZENITH
L’album pourrait très bien n’être qu’un seul et même morceau tant sa cohésion est ici forte. Choisir un titre en particulier s’avère dès lors périlleux. Nous pourrions déséquilibrer cette machine bien huilée et mettre le feu à l’édifice. Mais nous allons quand même le faire. Zenith est un morceau de bravoure de 10’30, et il aurait pu être LE titre de l’album qui porte son nom. The worms are out tout autant, par son agressivité, par cette voix éraillée et cette batterie flirtant avec le metal. Mais notre coeur se dirige vers The stand, très dans la totalité de l’album.
Il en représente presque la quintessence, l’esprit. Il commence comme le son du glas, pose une ambiance qu’il détricote ensuite avec tact et pudeur. La progression se fait lentement, comme dans une bascule lente de mec bourré qui oublierait son propre cheminement, embrumé par les vapeurs éthyliques qui lui brouillent le cerveau. C’est pénétrant, nous assistons petit à petit à un lever de soleil, ou à un levé de pleine lune qui repousserait les ténèbres au rang de vilain cauchemar enfin terminé. Cela évoque les bras de notre enfant enroulés autour de notre cou, une larme que l’on essuie sur sa joue. C’est un peu de finesse dans un monde de fous. Et c’est beau à en chialer.
Pour être totalement honnête, The stand s’accouple à Zenith (le morceau)… Donc les deux ensemble. C’est plus fort ainsi.
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