SALOPECIA Meanderthal
Le label Johnkôôl Records est exigeant, il le prouve une nouvelle fois avec Meanderthal, premier album de Salopecia (aka Robin Margerin). Après l’électro instrumentale de Colin Johnco (la chronique est ici), c’est au tour de ce projet inclassable de prendre place sur nos platines, toujours électro, toujours aventureux et réclamant une certaine dose de lâcher prise.
D’entrée de jeu, nous sommes propulsés dans un univers dans lequel les morceaux sont bizarrement tricotés mais qui étrangement nous attrapent par les sentiments grâce à des bribes de mélodies s’accrochant dans nos cheveux. Des rythmiques imparables nous embarquent sans que nous résistions et un sens de l’à propos, là aussi imparable, nous saisit dès le deuxième morceau (après une intro bluesy captée live au téléphone portable).
Pourtant, malgré ce petit aspect séduisant, il faut noter qu’ici, rien n’est facile, ni pour Salopecia, ni pour nous qui écoutons. Rythmes bancals, synthés originaux, fragments de paroles déformées, les effets numériques sont nombreux mais dégagent quelque chose de très prenant. Le peu de paroles présentes sont ici étirées, coupées collées, créant de fascinantes rythmiques, un onirisme particulier, résultant du seul imaginaire de Robin Margerin.
Sa façon de travailler, tel qu’il nous l’apprend dans son interview (que vous pouvez lire ICI), est la suivante : quand il intercepte une idée, il se saisit de son téléphone, s’enregistre où qu’il se trouve puis travaille l’ensemble. Tessitures électroniques, rythmes schizophrènes, agencement de morceaux en équilibre précaire, tout vient de cette inspiration soudaine. Pourtant, si tout ne nous est pas connu, l’ensemble nous paraît pourtant étrangement familier, comme si Salopecia captait là quelque chose d’universel, non palpable mais pourtant bien présent dans l’air du temps.
On y reconnaît ce qu’on a un jour entendu quelque part, mais que nous avions stocké dans notre tête sans y prêter attention. Il ressurgit ici et ravive en nous quelques souvenirs passés bien que le tout soit (re)travaillé en profondeur que nous en sommes désarçonnés. Il va sans dire que c’est effectivement ce petit côté qui nous plaît, cette originalité de ton sans concessions, cette expérimentation poussée à un paroxysme que nous n’imaginions pas possible. Comme une exploration de notre inconscient, au sortir d’un rêve ou d’une expérience chelou.
Il faut reconnaître ce talent de mixer ainsi plusieurs influences, en faire fi, relancer les méninges pour en presser le jus intrinsèque et produire un bon titre, exercice que Salopecia réussi à merveille. L’ensemble est personnel, original, hors des sentiers battus, exigeant. Tout cela ne produit qu’un seul effet : celui d’être en présence d’une œuvre à part, un mélange d’origines diverses, résultant d’un esprit libre à l’affût de ce qui passe à proximité directe du processus créatif.
Un peu comme faire de son quotidien un moment magique.