[ BIO ] THIERRY JOURDAIN, Philippe Katerine, moments parfaits

Philippe Katerine, moments parfaits, biographie de Thierry Jourdain (disponible chez Le mot et le reste).

C’est une biographie, riche de commentaires de la part des principaux intéressés, que nous propose Thierry Jourdain. Après Elliott Smith, can’t make a sound et Miossec, une bonne carcasse (tous deux déjà parus chez Le mot et le reste), il se penche, telle une bonne fée rock n’ roll, sur la carrière de l’excentrique Philippe Katerine. Moments parfaits porte dès lors très bien son nom puisque ceux que nous passons à découvrir l’itinéraire artistique du Vendéen sont de cet ordre.

L’auteur.

Nous retrouvons avec un plaisir non dissimulé Thierry Jourdain dont nous avions dévoré la biographie dédiée à Elliott Smith. Celle-ci, très complète , était emplie de pudeur, mais aussi d’une précision et d’une rigueur tout à l’honneur de Thierry Jourdain. Sans faire dans le sensationnalisme quant à la mort inexpliquée du chanteur américain, il dressait un portrait au plus près de l’être humain qu’il était. Nous attentions donc avec impatience de tourner les pages de Philippe Katerine, moments parfaits, pour retrouver cette patte caractéristique, toute en subtilité.

Et autant le dire tout de suite, nous n’avons pas été déçus, du tout. Tout d’abord, pour ceux qui ne le savent pas, Moment parfait (au singulier) est le titre d’une chanson de Katerine, parue sur l’album Le film. Ce titre illustre à la perfection ce que peut receler le livre d’anecdotes délivrées par le principal intéressé, c’est-à-dire Philippe Blanchard de son vrai nom, mais aussi de certains de ses amis les plus fidèles comme, par exemple Philippe Eveno, Gaëtan Chataigner, Dominique A (liste bien évidemment loin d’être exhaustive). À travers leurs « confessions », tous délivrent un portrait au plus près de l’homme et de l’artiste.

Ne pas confondre l’artiste et l’homme.

Une fois encore, nous le répétons, et ce bouquin passionnant en est une preuve flagrante, il ne faut pas confondre l’artiste et l’homme. L’image que nous avons tous de Philippe Katerine est celle « imposée » par ses apparitions médiatiques, autrement dit celle d’un joyeux drille, excentrique, dégageant une certaine image d’un homme peu sérieux, plus enclin à sortir des phrases décalée qu’à travailler d’arrache-pied. Bien évidemment, tout cela est faux.

Certes, l’homme possède un certain sens de l’humour, une fibre artistique n’appartenant qu’à lui, mais c’est surtout un homme sensible (mais ses textes de chanson le laissent relativement aisément deviner), travailleur, fidèle en amitié, ouvert d’esprit, ayant une véritable démarche artistique, sans cesse en mouvement et en évolution. Nous découvrons aussi un homme complètement à part du star système, quand bien même aujourd’hui il en fait, bon gré mal gré, partie, ne serait-ce qu’à la vue de sa notoriété (celle-ci ayant explosé avec son titre incontournable Louxor J’adore).

Des commentaires précieux.

Philippe Katerine s’est livré à Thierry Jourdain. Certains de ses proches également. Comme dans la biographie d’Elliott Smith, la parole n’est pas donnée pour déballer des détails croustillants sur la vie intime du chanteur-compositeur interprète dessinateur acteur (et peut-être oublions nous encore une ou deux casquettes). Chaque parole est ici articulée autour du travail de l’artiste, des séances de studio ou des séances d’écriture autour de chaque album de Katerine. Évidemment, certains commentaires s’avèrent drôle, mais ils démontrent aussi d’une part le talent de Katerine, mais d’autre part permettent également de dissiper pas mal d’idées préconçues.

En effet, Philippe Katerine est un homme qui, s’il écrit la plupart de ses textes d’une traite, pour en garder la fraîcheur et la spontanéité, a également en tête toute la démarche à suivre pour les mettre en relief dans ses chansons. Il a en effet une vision assez précise de ce qu’il souhaite dire et de comment le faire. Il sait faire confiance à ses amis musiciens, les laisse faire leur boulot (c’est-à-dire qu’il leur laisse une grande liberté pour s’exprimer), mais il sait aussi trancher et mettre fin au débat quand il atteint le but qui était le sien à l’origine. Cette idée de rigueur artistique avait tendance à nous être totalement étrangère, voilà qui permet de remettre les pendules à l’heure d’été.

Une forme dynamique.

Nous apprenons aussi que cet artiste, libre car ne répondant à aucune injonction autre que celle qu’il s’impose lui-même, ne se moque de personne dans ces chansons. Qu’il s’agisse de reprises « décalées » avec Francis et ses peintres ou de créations, il fait les choses au premier degré. Presque de façon enfantine, innocente. Ce trait particulier le rapproche effectivement du gamin qu’il était, ou peut-être qu’il n’était pas, mais qu’il est devenu sur le tard. Mais qu’importe, car sa spontanéité est une véritable cure de jouvence dans le paysage musical français, tout comme elle est synonyme de qualité d’écriture (propre à lui-même).

Avec ce livre, dont la forme est dynamique (les analyses de Thierry Jourdain sont entrecoupées d’extraits de discussions rendant le tout très vivant), nous découvrons un homme haut en couleur, fortement sympathique, un ami rêvé en somme. Thierry Jourdain possède en outre l’art de s’arrêter sur les détails qui font sens, pour tirer un portrait au plus juste d’un homme des plus attachants et intrigants qui soit (musicalement ou cinématographiquement). Cette étoile filante qu’est Philippe Katerine nous gonfle le coeur d’une bonne humeur qui reste imprégnée en nous tout au long du livre, et bien après.

Et surtout nous donne envie de relire chacun de ses albums en toute connaissance de cause. Ce que nous allons évidemment faire de ce pas.

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