THIERRY JOURDAIN Elliott Smith, can’t make a sound

THIERRY JOURDAIN Elliott Smith, can't make a sound chronique

THIERRY JOURDAIN Elliott Smith, can’t make a sound, biographie toute en pudeur

Elliott Smith ou l’excellence pop folk américaine

Le simple nom d’Elliott Smith ne dit peut-être pas grand-chose à certaines personnes, pourtant, nous sommes sûrs et certains qu’elles ont déjà entendu sa musique, ne serait-ce qu’au travers du film Will Hunting dont un des titres de Smith, Miss Misery, fait partie.

Pour d’autres, le nom d’Elliott Smith est synonyme d’excellence. En effet, ce songwriter écorché façonnait ses chansons avec une sensibilité exacerbée. C’est ce que nous démontre avec brio Thierry Jourdain dans cette biographie parue chez Le mot et le reste, Elliott Smith, can’t make a sound.

La biographie

L’auteur y revient bien entendu en détail sur le parcours du chanteur et sur ce qui façonne en partie son oeuvre, à savoir une enfance chaotique (divorce de ses parents alors qu’il est jeune enfant, remariage de sa mère avec un homme violent alors qu’il n’a que 4 ans). De ce mariage naissent des maltraitances dont Elliott Smith ne dira rien, ou presque. Il s’exprimera par sa musique, et par l’autodestruction.

Au début de sa carrière, le grunge fait rage et les noms à la mode son ceux de Nirvana ou Alice in chains. Au sein de Heatmiser, Smith joue du rock, du lourd, mais il sent que ses compositions nécessitent un écrin plus doux, plus en adéquation avec ses goûts. Cependant, les autres membres du groupe étant ses potes, il ressent des difficultés à les quitter. Pourtant, il trouve le courage de s’en émanciper pour proposer sa musique au plus grand nombre, dans le format qui lui convient.

Un artiste en décalage

Ce n’est pas simple car il propose une musique complètement en décalage avec l’époque. Il joue en acoustique, avec une manière de jouer n’appartenant qu’à lui, pourtant ses compositions trouvent preneur et sa carrière se lance doucement. Certains sentent chez le garçon un talent énorme, qui sera confirmé lorsque son titre Miss Misery, qu’il interprète sur la scène des Oscars, le met en pleine lumière. Commence alors son ascension fulgurante.

Celle-ci est jalonnée d’excès, comme toutes les rock stars, ou comme tout ceux qui en ont trop bavé. Sa musique pourtant reste toujours aussi limpide, éprise des atmosphères à la Beatles dont l’américain est un grand fan. A partir de Either/Or, les choses changent pour lui mais il se sent en décalage : il aimerait retrouver le côté confidentiel, faire des chansons comme autrefois, avec peu de moyens. Malheureusement, le destin en décide autrement. Elliott Smith meurt poignardé alors qu’il s’était sorti d’années d’addiction diverses. Meurtre ou suicide, la question demeure. Tout comme l’aura de ce chanteur véritablement à part.

La façon de traiter cette vie brisée

Thierry Jourdain retrace son histoire avec beaucoup de tact. Il ne dérive jamais vers le pathos, n’entre pas dans des élucubrations sans fondement, mais restitue l’âme d’Elliott Smith de façon totalement honnête à travers ses textes (ils sont ici proposés en anglais et en français, cette traduction tenant compte des doubles sens propres à l’américain), à travers ses combats contre l’alcool et la drogue. La frontière n’est jamais franchie dans le mauvais goût ou le voyeurisme obscène ce qui rend cette biographie indispensable aux néophytes comme aux amateurs confirmés de ce petit génie du rock indépendant.

Bien évidemment, un véritable travail de recherche est ici effectué, allant jusqu’à décrypter les codas de Smith en détail, revenant sur sa technique, ses accords fétiches et bien entendu ses thèmes de prédilection qu’étaient la séparation, la douleur du passé. Pourtant, ce livre n’est pas plombé par un ciel d’orage ou par une tempête sur le point d’éclater, non, il règne ici comme un parfum de confidence, comme si Elliott Smith, au travers de l’habile plume de Thierry Jourdain, se confiait à nous.

Un livre aérien et touchant

pour terminer le livre, celui-ci note le fait qu’Elliott Smith vouait un grand amour à la France, dont les journalistes avaient pu déceler tout le talent d’auteur. Étrangement, alors que nous aurions pu finir ce livre sur la note noire de son décès pas encore élucidé, le parti pris de l’auteur tant à la faire disparaître au profit d’un temps suspendu bienveillant qui fait qu’aucun arrière-goût amer ne nous reste en bouche.

Dès lors, nous ne saurions que trop vous conseiller cette lecture passionnante et, bien entendu, de pencher une oreille attentive sur l’œuvre de ce garçon qui ne manquera pas de vous émouvoir.

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Elliott Smith nous fait penser Bobbie

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