MICHAEL CISCO Argent animal
Argent Animal de Michael Cisco (aux Éditions Au diable vauvert) est un roman dystopique/fantastique particulièrement troublant à lire.
Dans ce bouquin, l’argent animal est un concept de monnaie vivante, capable de se reproduire. Cette découverte rendra ses « géniteurs/découvreurs », des économistes en colloque en Amérique du sud, persona non grata, paria de leurs pairs. Dès la révélation de leur découverte, ils subissent des pressions, se font assassiner, se retrouvent isolés de leur communauté.
Les économistes y sont décrits comme une sorte de secte, avec une marque physique blanche, propre à chaque membre de la profession, et se saluent de la façon suivante « la banque épargne et la banque prête » auquel un autre économiste répond par « les travailleurs travaillent et les clients dépensent ». Ils sont non seulement décrits comme une sorte de secte mais également comme des autistes, d’une certaine façon, vivant complètement à côté de la réalité telle que nous la connaissons.
Ce bouquin de près de 700 pages s’avère extrêmement déstabilisant. Il est bourré d’humour, de ce genre d’humour un peu pince-sans-rire, complètement absurde par moments, plein de non-sens. Les descriptions quant à l’univers des économistes sont assez savoureuses, tout comme leurs raisonnements très particuliers, n’appartenant qu’à eux.
Autour de cet humour, nous avons affaire à des discours à la fois philosophiques et politiques (ou économiques si vous préférez), parfois ardus à suivre, d’autres fois complètement poétiques. La plume de Michael Cisco sait être à la fois répulsive et séductrice, ce qui nous amène à devoir jongler avec des états émotionnels complètement distincts et antinomiques.
La narration, elle aussi surprend, par sa linéarité particulière (cabossée serait un terme plus juste). Parfois nous nous perdons, sans doute parce que notre esprit doit sans cesse se recaler pour rester en éveil. Pourtant, le roman ne manque pas d’atouts.
Outre ceux décrit plus haut, nous retrouvons dans l’écriture de Michael Cisco des traits que nous connaissions vaguement à Kafka, à savoir une écriture pleine de méandres, dans lesquels il fait parfois bon se perdre, parfois pas du tout. Nous ressentons un sentiment de claustrophobie très bien développé dans Argent Animal, mais également des turpitudes plus…administratives ou des pensées intérieures profondes mais étrangement décalées.
Au final, nous sommes en présence d’un roman complètement atypique, ne ressemblant à rien de véritablement connu. Nous sommes dans une expérimentation complète. Cisco, étant défini comme l’une des figures du fantastique expérimental, ne vole pas ce titre. En ce sens, ce livre est à conseiller à tous ceux qui n’ont pas peur d’essayer de nouvelles expériences de lecture. En revanche, il est à déconseiller à tous ceux qui aiment une littérature plus classique.