[ BEAUX LIVRES ] CLAUDE DUSSEZ/QUENTIN MOURON, Lost.

Livre de photographies, Lost de Claude Dussez et Quentin Mouron, Lost (aux Éditions Favre).

Le premier est photographe, le deuxième est écrivain. Claude Dussez et Quentin Mouron se sont trouvés sur ce livre de photographies ou le photographe inspire l’écrivain/poète. Cela nous donne Lost, un très beau livre qui immanquablement suscite l’émotion.

L’ouvrage.

L’objet livre est magnifique de sobriété. Un noir et blanc parfait en couverture, une histoire de reflets, celui du photographe shootant une vitrine et se reflétant en partie dedans. Derrière cette vitrine, un comptoir. Nous croyons deviner un hall d’hôtel, ou de motel. Sous ce comptoir, le titre du livre, Lost, en jaune orangé, avec le nom des deux responsables de l’ouvrage, juste en dessous. Cette trace jaune orangée, nous la retrouvons au dos de la couverture, en troisième de couverture, et en un fin liseré sur la tranche et le haut, à gauche, en biais, de la couverture.

À l’intérieur, des photos en noir et blanc. Le papier est agréable au toucher, les tirages n’ont rien à lui envier : ils sont superbement mis en page, agencé de telle façon qu’ils nous racontent leur histoire. Sur des pages jaunes orangées disséminées un peu partout à l’intérieur, à intervalles réguliers, un poème s’étale. Ou des poèmes. À vous de voir si vous les prenez dans leur globalité, ou par fragments d’une histoire contée par le seul pouvoir narrateur des images.

Sobre, élégant, l’ouvrage crée sa première émotion, celle du bonheur de tenir en ses mains un objet indémodable, superbe. Les Éditions Favre rendent justice ou travail des deux auteurs, et cela impose d’emblée, avant même d’avoir parcouru les photographies et les textes qui le peuplent, un respect mutuel du travail bien fait.

Les photos.

Nous ne voulons pas être trop lyriques, au risque de desservir un travail qui parle de lui-même. Claude Dussez a photographié les États-Unis, cet ailleurs fantasmé par beaucoup, rêve éveillé (et parfois cauchemar) pour certains. Mais il décrit, dans Lost, par des paysages parfois lunaires, par des extraits de vie, une autre Amérique, celle qui ne se montre pas facilement, ni au travers de son cinéma, ni de sa culture. Ici, il est question de fantômes, de temps qui passe, de celui qui imprime sur les éléments sa marque indélébile, destructrice. Ici, un véhicule gangréné par la rouille. Là, une balançoire solitaire, les quatre pieds dans l’eau.

Il y a des êtres de chair et de sang, mais peu, très peu, et très souvent dans des postures solitaires, abandonnés à une quelconque méditation sur le sens de tout cela. Tout est, dans Lost, figé, en attente d’un événement, d’une étincelle, qui ramènerait à la vie ces déserts, à ces villes paraissant fantômes, à ces êtres dont les vies nous échappent (mais que l’on prend plaisir à imaginer).

Il y a aussi la poussière, le sable, le vent, l’eau, les éléments en tout point similaire à ceux de chez nous, mais avec cette aura particulière du temps figé, déjà un souvenir au moment d’appuyer sur l’obturateur.

Le(s) texte(s).

À vous de choisir, nous l’avons déjà dit, si vous prenez les 18 textes comme autant de fragments ou comme une entité à part entière. Ils donnent en peu de mots la réplique aux photographies. Ils sont d’ailleurs tout aussi superbes. Ils captent avec précision ce que le photographe à chercher à montrer. Parfois, ils agrandissent l’espace de l’image, son univers, touchent au cœur de nos sensibilités, nous expliquent également pourquoi, muets, ces clichés nous émeuvent tant. Avec un art raffiné, Quentin Mouron suggère plus qu’il n’explique, ce qui décuple à la fois le pouvoir des mots et celui des images.

Le travail de l’écrivain complète dès lors celui du photographe. Il est absolument impressionnant de prendre la mesure que celui qui shoote n’est pas celui qui écrit (et inversement). Car tous les deux sont dans le même mouvement, dans la même énergie, dans le même message. Chacun avec ses armes. Mais tous deux avec cette dextérité de poète à montrer ce qui ne se voit pas, à démontrer ce qui est impalpable mais pourtant bel et bien présent.

Ce qui ressort de Lost.

Il émane de Lost une aura particulière, similaire à celle des moments passés dont nous ne gardons en mémoire qu’une vague silhouette floue. Loin de ne parler que des États-Unis, il parle de solitude, de temps qui passe, d’abandon, d’écologie, d’histoires, d’émotions, de beauté, et de son penchant la laideur, de nous un peu, de ces auteurs (un peu plus), de rêve, de société de consommation et de tout ce qui fait, à peu de choses près, la vie.
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