[ BEAUX LIVRES ] NICOLAS RIGHETTI, Biélorussie, Dreamland.

Biélorussie, Dreamland, livre de photographies de Nicolas Righetti (introduction de Patrick Besson), (Éditions Favre).

Avec Lost de Claude Dussez et Quentin Mouron, les Éditions favre nous avaient séduits par l’excellent travail de restitution de photographies dans un superbe livre. Il en est de même avec Biélorussie, Dreamland, de Nicolas Righetti qui, loin du rêve américain, nous embarque en terres Biélorusses pour un voyage des plus étonnants !

Fantasme post-soviétique.

Nous n’allons pas nous mentir, la Biélorussie ne fait pas forcément rêver tout le monde. La faute à quoi ? À un président dictateur du nom de Loukachenko ? À l’opacité qui règne en ces lieux ? Au fait que tout ce qui fait penser à l’ex URSS ou à la Russie de Vladimir Poutine ne paraît pas forcément bien sympathique ? Un peu de tout cela. Et nous avouons que si le travail sur Lost ne nous avait pas à ce point fasciné, nous n’aurions pas pris le risque de chroniquer ce nouveau bel objet. Oui mais voilà, Biélorussie, Dreamland, est un magnifique livre qui, en très grande partie, met au tapis nos préjugés sur un pays et ses habitants.

Tout commence par une introduction de Patrick Besson. Ce journaliste et écrivain publie une espèce de lettre d’amour à ce pays qui nous est relativement étranger. Sa plume est lumineuse, quoi que marquée par un spleen certain. Finalement, elle annonce ce qui suivra dans les photos de Nicolas Righetti, photographe Suisse « spécialiste » des dictatures, à savoir un pays engoncé dans son passé mais qui essaye de s’ouvrir à la modernité, par le levier du capitalisme. Le résultat est saisissant, paraît figé dans un entre-deux à la fois poétique et désespéré (désespérant?).

Grandeur et décadence.

Les photos de Nicolas Righetti sont saisissantes. Il en émane une poésie étrange, nimbée d’une certaine rigueur. Le paradoxe entre l’imagerie militaire, à base des tristement célèbres AK 47 (kalachnikov), de chars de combat, avec la joie qui émane des nombreux visages présents (autant d’anonymes que de personnels politiques ou militaires, dont le président Loukachenko). Cette ambivalence permet aux photos de dégager une force toute en contraste, magnétique.

L’autre poésie se dégage des bâtiments de Minsk (capitale de la Biélorussie). Ceux-ci sont dignes des films de science-fiction avec leurs structures alambiquées que nous n’escomptions pas découvrir dans ce pays (les préjugés ont la vie tenace). D’une façon générale, il existe dans chacune des photos une notion que nous découvrons sur ce pays, celle d’un espace incroyable, couplé à une lumière particulière. Et puis, la dernière forme de poésie émane de la rencontre incongrue entre deux utopies, celle du communisme et du capitalisme.

Fierté.

Cette rencontre entre Mc Donald et, par exemple, Staline, était inenvisageable il y a quelques années, et pourtant, elle existe bel et bien. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que les figures patriotiques Russes dégagent un côté exaltant que ne dégagent pas ceux du pays de l’Oncle Sam. Culte de la personne oblige… Cependant, cette exaltation qui transpire des figures autoritaires possède une grâce particulière que Nicolas Righetti transpose de fort belle manière. Pour autant, nous sentons dans son regard un côté joueur, comme s’il pointait certaines incohérences, et ça, quand nous avons l’esprit un peu mal tourné, ou de mauvaise foi comme nous pouvons l’avoir, nous fait pas mal jubiler.

Pour le reste, les photos sont magnifiques. Le sentiment qu’elles nous procurent, outre cette fascination propre à la découverte d’un endroit insoupçonné, est celle d’une étrange liberté. En effet, ce pays, défini comme une dictature soft par ses habitants, paraît en phase avec l’époque. Les personnels militaires qui se prennent en seflie lors d’un rassemblement, cette femme qui enlace son petit amis ou mari (toujours smartphone à la main), ce défilé de femmes militaires tout sourire, tout nous embarque dans une sorte d’allégresse proche de ce que nous pouvons vivre ici, toutes proportions gardées néanmoins quant à la réalité de la vie sur place (la photographie est un instant volé, ou immortalisé, pas forcément le fruit de la vérité).

Biélorussie, Dreamland, un très beau livre.

Pour le reste, les Éditions Favre nous proposent une nouvelle fois un livre de très belle facture. La couverture légèrement molletonnée, avec ses lettres d’or, nous donne forcément envie d’en découvrir plus. À l’intérieur, la mise en page est soignée, la qualité du papier nous plonge également dans une atmosphère particulière, celle qui relève des choses passées (ou du passé, ou d’un passé sur le point de s’éteindre ou de basculer vers un autre « état »). L’unité de ton délivrée par les photos permet un mariage cohérent des différents univers ou thèmes mis en avant par le photographe. L’impact n’en est que plus percutant.

Enfin, parce que le texte a aussi son importance, nous tenons à dire que l’introduction de Patrick Besson est totalement immersive. Elle nous annonce, à demi-mots, dans quel univers nous allons mettre les pieds. Et il ne ment pas. Ce pays possède un attrait inédit, une aura puissante, aura qui fait que son sous-titre n’est absolument pas injustifié. Oui, Biélorussie, Dreamland, ou l’anti-rêve américain, dans ce qu’il a de plus beau.

Avant de refermer ce livre, Nicolas Righetti tempère un peu notre « saine » fascination pour le pays (via ces magnifiques photos, et non par la réalité/vérité de la vie sur ces terres) par ses mots. Ils retranscrivent, très succinctement, la réalité des différents reportages photos. Qu’importe, ce livre nous a fait voyager, imaginer un ailleurs à travers des prises de vues magnifiques, de près comme de loin, et nous ressortons un peu amoureux de ce pays des rêves, modèle ex-soviétique.

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