FEIFEI CUI PAOLUZZO, Islande (éditions Favre)

fei fei paoluzzo islandeVoyage photographie en terre de feu et de glace.

L’Islande est un pays incroyable. Peu peuplé, possédant une âme véritable, comme la possède souvent les pays soumis à des climats particulièrement rigoureux, difficiles, possède également des paysages incroyables, fruits des glaciers et de la neige, mais également fruits de nombreux volcans qui, de temps à autre, entrent en éruption. C’est sous l’oeil amoureux de l’objectif de Feifei Cui Paoluzzo que ces décors dignes de films de science-fiction ou de séries épiques nous sont dévoilés.

Comme pour les autres grands livres que nous avons eu le plaisir de chroniquer, à savoir les tous deux excellents et surprenants Lost et Biélorussie, Dreamland, les éditions Favre font une fois de plus du très bon travail. Le livre est, dans sa forme, irréprochable. Couverture cartonnée rigide, papier plaisant au touché, photographies misent en avant dans un agencement par points cardinaux et par des reproductions parfaitement équilibrées (tons clairs, tons foncés, tout est restitué à la perfection), textes explicatifs et/ou poétiques, fortement teintés d’histoire et de sociologie (ils sont signés Thierry Stegmüller et nous apportent des éclairages sur la vie de ce pays qui nous est relativement inconnu), légende et cartographie en fin de livre, rien n’est laissé au hasard pour un maximum de plaisir.

soutenir litzic

Islande.

L’Islande nous est avant tout connue par quelques artistes à la renommée mondiale. On pense à Sigur Ros (dont la discographie s’étoffe d’un excellent DVD, Heima, sorte de clip d’office du tourisme islandais relatant leur tournée Islandaise post Taak), Björk, Emiliana Torrini et quelques autres. Comme leur pays, leur âme sonne différemment de bien des groupes anglo-saxons traditionnels, possédant un je-ne-sais-quoi de plus…grand. Car ce pays, petit par le nombre d’habitants (quelque chose comme 300 000) est grand par sa diversité de paysages, de décors.

La photographe chinoise Feifei Cui Paoluzzo, tombé en amour pour l’île, en fait un tour totalement non exhaustif (assumé) qui nous démontre cette richesse par le simple pouvoir de l’image. Nous y découvrons des terres glacées, de vastes étendues désertiques, souvent minérales, des couleurs à tomber à la renverse, des lieux féeriques ou inquiétants. Il n’apparaît dès lors pas étonnant que de nombreux films ou séries (on pense à Game of thrones, à Interstellar) aient été filmés sur cette terre difficile, âpre, mais dont la beauté ensorcelle.

Mais il est aussi question de lumière, de matière. L’objectif de la photographe, même si rien ne vaut l’oeil humain, restitue au plus juste la beauté des lieux. En optant pour un traitement minimal, autrement dit en étant presque naturaliste dans son approche, Feifei Cui Paoluzzo vise la vérité de la découverte plus qu’un sensationnalisme un peu outrancier. De cette manière, son travail fait sens en se fondant dans l’âme islandaise, cette âme faite de fraternité/solidarité, d’entraide, seuls remparts contre le froid mordant et les éléments tempétueux.

Textes.

Les textes nous apportent un lot non négligeable d’explication sur la vie du pays, sur ce qu’est l’Islande, profondément. Pas de sensationnalisme là non plus, mais une certaine poésie, parfois très factuelle, mais là aussi amoureuse. Comme si le pays avait fait sien les deux auteurs/artistes de ce livre. Muet, c’est l’oeil de Feifei Cui Paoluzzo qui parle pour elle. Aveugle, ce sont les textes de Thierry Stegmüller qui dévoile leurs images. Tous deux en revanche portent un véritable respect pour ces paysages de silence, pour ses habitants discrets. Si discrets d’ailleurs que l’on en voit peu sur les clichés, à la différence d’animaux typiques du pays, comme les chevaux ou les moutons, ainsi que quelques oiseaux.

Les photos de Feifei Cui Paoluzzo dégagent plusieurs sentiments complémentaires. Outre l’éventuel message écologique inhérent aux photos de paysages, visant à nous faire prendre conscience de la beauté de ce qui nous entoure, de prés comme de loin, d’autres surnage, elle nous montre aussi la fragilité ou la force d’un écosystème, la façon dont nous habitons notre environnement, l’art dans la nature et la manière de restituer tout cela sans le pervertir.

La touche artistique de Paoluzzo réside en grande partie dans son art du cadrage, dans l’éclairage qu’elle donne à ses photographies. L’énorme majorité d’entre eux ressemble d’ailleurs à des peintures, à ce point que nous en venions à nous dire que ce pays est celui de Dieu (Dieu étant, évidemment, une référence au nombre élevé de bâtiments liés au culte et disséminés à travers le territoire islandais).

Vertige et questions.

Ce superbe livre nous donne le vertige, et nous montre une infime proportion de ce que peut être la beauté du pays (en plus de l’impression de nous sentir minuscules face à la nature de l’Islande). En effet, d’hiver ou d’été, les paysages n’ont rien à voir. De même, vu l’instabilité météorologique du pays, ayant contraint la photographe à parfois devoir patienter de longues heures pour capter l’image de son choix dans les meilleures conditions, nous nous disons que ce pays se découvre et se redécouvre à chaque déplacement, à chaque fois que nous recroisons une route déjà empruntée.

Mais cela nous interroge, tout comme cette interrogation se fait pressante, notamment à cause du tourisme. En effet, ce pays désormais connu de tous attire de plus en plus de monde, ce qui n’est pas sans poser certains problèmes, à la fois environnementaux et même sociaux. Comment lier les deux, respecter ce pays incroyable qui ne demande qu’à être connu en respectant une population qui fait tout pour le garder aussi vierge que possible. Quoi qu’il en soit, ce livre nous donne un superbe aperçu de ce qu’est l’Islande, et nous n’avons qu’une seule envie, nous y plonger encore et encore !

Islande est disponible aux éditions Favre

soutenir litzic

Pour faire en sorte que litzic reste gratuit et puisse continuer à soutenir la culture

Nous retrouver sur FB, instagram, twitter

Ajoutez un commentaire