ALEXANDRE HIGOUNET, Pink Floyd & Syd Barrett…

Alexandre higounet pink floyd & syd barrett la croisée des destins…La croisée des destins.

Il y a des événements, dans la vie d’un groupe, qui en écrivent la légende. L’éviction de Syd Barrett, l’âme créatrice de la première mouture de Pink Floyd en est une. Elle est peut-être même la plus incroyable, la plus lourde de conséquences sur ses membres. Et sans elle, certaines des plus brillantes œuvres du monde du rock n’auraient jamais vu le jour. Dans cet essai absolument passionnant, Alexandre Higounet revient sur ce moment charnière, survenu il y a plus de 40 ans et qui reste, aujourd’hui encore, chargé en mystères et en questions. Pink Floyd & Syd Barette, la croisée des destins, paru chez Le mot et le reste, ravira les fans du groupe comme les férus d’histoire du rock.

Tout commence vers 1966. Un groupe nait, Pink Floyd. Le quatuor formé de Syd Barett, Roger Waters, Richard Wright et Nick Mason commence à faire parler lui. En quelques mois, il devient la coqueluche des groupes pop de la scène psychédélique Londonienne. Quelques singles sortent, des chefs-d’oeuvre du genre : Arnold Layne, Apple and oranges, See Emily play, Astronomy Domine. La renommée du groupe se dessine, en particulier autour de son leader, le diamant Syd Barrett, guitariste au jeu si particulier, chanteur et auteur inspiré par les scènes de vie quotidiennes de son enfance à Cambridge. Bientôt, le premier album du Floyd, The piper at the gate of dawn, sort. C’est une réussite leur ouvrant les portes vers le succès. Mais en 68, tout bascule.

soutenir litzic

LSD ou maladie mentale ?

Au retour d’un week-end chargé en LSD, Syd Barett revient changé. Profondément. Ses yeux, son regard, ressemblent à des trous noirs dans le ciel. Ils sont vides, impénétrables, voient au travers des êtres comme s’ils n’existaient pas. Tous le remarquent, Waters, Mason, Wright, mais également Peter Jenner alors manager du groupe, et évidemment certains fans inconditionnels de la première heure. Mais le spectacle doit continuer, c’est bien connu. Mais Syd irrémédiablement, n’est plus là. Incapable, dans la plupart des cas, de jouer correctement, de chanter même, il devient un fantôme sur scène. Il faut quelqu’un pour le suppléer. Arrive alors un ami de Cambridge, David Gilmour, chargé de jouer les parties de guitare de Syd, de chanter aussi, un peu, quand il se doit.

Un jour, alors qu’ils sont sur la route les conduisant à un concert, Waters, Wright, Mason et Gilmour ne vont pas chercher Barrett. Ils prennent consciemment la décision de ne plus s’encombrer de ce « fardeau ». Ainsi naît la deuxième mouture de Pink Floyd (et sans le savoir 3 futurs albums concepts qui entreront dans la légende), mais également sa légende, forgée sur la culpabilité d’avoir évincé Syd Barrett de « son » groupe. Cette culpabilité rongera deux des membres du groupe, les deux amis d’enfance, Waters et Gilmour, qui n’auront de cesse de combattre leurs démons, l’un par l’écriture de certains des plus beaux morceaux de l’histoire du rock, l’autre en s’occupant, même à distance, du « Lunatic ».

Les questions.

Fallait-il continuer le groupe avec Syd Barrett ou effectivement le laisser sur le bas-côté ? Aurait-il eu, sans le succès phénoménal du groupe, autant marqué l’histoire du rock si, justement, l’histoire avait été différente ? Et tout était-il la faute du LSD ou bien certains éléments de la vie même du singulier personnage n’ont ils pas précipité sa déchéance ? Avec un travail de fourmi, recoupant les divers témoignages des proches de l’époque, Alexandre Higounet (dont nous avions déjà salué le formidable travail sur son précédent ouvrage Pink Floyd, Wich one’s Pink?) nous replonge au cœur de la légende, en explorant chacune des pistes de réflexion, avec un regard à la fois de fan, d’amoureux inconditionnel du groupe, mais également avec l’oeil critique du journaliste.

En résulte deux caractéristiques folles de son travail : un talent de conteur absolument magnifique, plein de vie, d’amour, et une rigueur incroyable qui font que ce talent de conteur est d’une crédibilité sans failles. Il se garde bien de donner son avis, émet des hypothèses, nous questionne ne joue pas le rôle d’un psychiatre en tentant de décrypter le malaise mental de Barrett, bref en sachant rester à sa place.

Néanmoins, il n’est qu’un homme, et nous sentons dans certaines de ses phrases les émotions qui le traversent s’imprimer sur le papier. Comment rester insensible à la folie du créateur du Floyd ? Ne nous met-elle pas dans la possibilité de notre propre folie ? Et comment pouvons-nous rester de marbre devant l’amitié qui unissait le Crazy Diamond à ses amis d’enfance qui portèrent (et portent peut-être encore un peu) sur leur dos le poids de la culpabilité ?

Dans les œuvres marquantes.

Et puis, ramener le fantôme de Barrett dans les œuvres phares du Floyd, voilà qui semblait indispensable. L’auteur le fait, explique ainsi en creux pourquoi Waters a quitté le groupe, après avoir exorcisé ses démons dans trois pièces majeures de l’histoire du rock, The dark side of the moon, Wish you were here ( et son célèbre Shine on you crazy diamond, morceau bouleversant à bien des égards, y compris lors de son enregistrement et seul réel titre composé pour Syd Barrett) et The Wall. Tout est lié, voyez-vous, tout est histoire d’homme, de ses liens qui jamais ne disparaissent.

Nous y découvrons un Waters plus humain que jamais, un Gilmour toujours plus chevaleresque. Ces deux hommes qui finalement ne s’appréciaient guère ont, par devoir ou loyauté, continué ce que leur amis d’enfance avait mis en place, avec le succès que nous leur connaissons. En avaient-ils conscience ? L’auraient-ils souhaité ? Impossible à dire, à imaginer. Les faits sont cependant là, Pink Floyd a été et reste un des groupes de rock le plus influent au monde. Tout ça grâce à une fêlure, une blessure.

Enfin, nous terminerons cette chronique en mentionnant cela. Grands fans du Floyd nous-mêmes, connaissant en (très) grande partie son histoire, ses méandres, nous avons découvert des ramifications inattendues, des points de vue intéressant (c’est le moins que nous puissions dire) et surtout des facettes de Barrett inédites qui font qu’il reste, à nos yeux, éternel et génial. En ce sens, ce bouquin a toutes les raisons de figurer dans les bibliothèques des fans du groupe (et pour les moins fans, ou ceux qui se lancent dans l’exploration du groupe, cet ouvrage est tout simplement indispensable). À posséder absolument !

radio activ podcasts erwan Bargain

 

Chronique radio Pink Floyd & Syd Barrett (avec un mea culpa, l’auteur s’appelle Alexandre Higounet et non Alexis)

Retrouver Litzic sur FB, instagram, twitter

Ajoutez un commentaire