BARBARA STOK, La philosophe, le chien et le mariage.

barbara stok la philosophe, le chien et le mariage paquetÀ la découverte, en BD, d’une des premières femmes philosophes.

La philosophe, le chien et le mariage de Barbara Stok, paru chez Paquet, nous conduit dans la Grèce antique, au temps des philosophes. Hipparchia quitte Maroneia pour rejoindre Athènes et y rencontrer son futur époux. Mais la jeune femme, ayant déjà éconduit quelques prétendants, s’intéresse de très près aux questions philosophiques et l’idée du mariage, ou de la place de la femme mariée et son épanouissement, la taraude.

Nous suivons son aventure, car il s’agit véritablement d’une quête de soi, à travers des cases colorées et un dessin naïf qui en renforcent le propos. Cette bd, dont l’histoire se déroule au 4é siècle avant Jésus-Christ, du temps d’Alexandre Le Grand, ne manque pas d’interroger, encore aujourd’hui, sur la place de la femme dans la société.

Grèce d’hier.

Hipparchia, fille d’un riche propriétaire, fait partie d’une certaine élite provinciale. Son frère Métroclès étudie la philosophie à Athènes et son père organise des fêtes durant lesquelles, avec ses amis, il devise sur le bonheur et le sens de la vie. Un mariage est arrangé entre elle et un riche entrepreneur, l’obligeant à quitter Maroneia pour Athènes.

Menant jusqu’à cette annonce une existence simple faite de lecture, d’une forme de communion avec les animaux qui l’entourent, dont ses chiens, elle devra quitter la maison familiale pour rejoindre Athènes et son futur époux. Là,
elle découvre la vie sous d nombreux aspects qui la choquent, allant notamment de l’esclavage au fait que la maison de son prétendant ne dispose pas de bibliothèque. Mais désirant faire bonne figure, elle se plie, elle qui a déjà effrayé plusieurs prétendants, aux différents rendez-vous pour concrétiser ce potentiel mariage organisé par son père.

Un jour cependant, elle rencontre Cratès, un philosophe vagabond, et sa vie prend un virage inattendu. Elle assiste à ses discours, grimée en homme (les femmes n’ont pas le droit de sortir seules, ni même de participer à des réunions ou des cours), jusqu’à ce que son frère découvre la supercherie.

Malaise.

Dès les premières cases, nous sentons un malaise. Il naît des échanges entre Hipparchia et sa mère, et l’on sent très vite que la jeune femme, rebelle d’une certaine façon, n’entend pas d’une très bonne oreille de devenir l’épouse d’un homme et de n’avoir trop rien à dire, de se contenter d’accepter cette nouvelle situation au détriment de son épanouissement personnel. Trop maline, elle s’interroge sur ce qui différencie l’homme de l’animal, sur le pourquoi de la richesse (ce qui sous-entend pourquoi sommes-nous supérieurs aux esclaves ? Qu’est-ce qui nous différencie d’eux ?) et l’on pressent très rapidement que le cadre du mariage sera comme un tombeau pour elle.

Le dessin est extrêmement simple, naïf. Loin de desservir le propos, il l’alimente au contraire puisque son « économie » va de pair avec le stoïcisme qui imprègne les différentes planches. Les personnages sont très facilement identifiables, notamment par certains traits (de caractère) qui les illustrent. Leurs expressions sont totalement lisibles, de même que nous sentons, que nous devinons, ce qu’elles ne traduisent pas explicitement. Le travail de Barbara Stok est donc, derrière son côté enfantin (qu’il s’agisse du trait ou de la colorisation pastel des scènes de vie), très précis et sert une narration très documentée (comme l’atteste la postface, hyper intéressante à lire car elle délivre quelques clés du livre et de l’histoire d’Hipparchia).

Barbara Stok

(c) DR

Place des femmes.

Barbara Stok, autrice néerlandaise, a commencé à s’intéresser à la philosophie alors qu’elle était batteur dans un groupe. Elle commençait aussi la bande dessinée à ce moment. Évidemment, tout cela s’est mélangé, pour le meilleur. Derrière l’aspect ludique et très accessible de la BD, c’est évidemment la force de la pensée philosophique qui ressort, de manière extrêmement fluide puisque divertissante. Cette double entrée (accessibilité et divertissement) permet justement à l’intelligence du propos de ressortir de façon d’autant plus forte qu’elle est a priori insoupçonnée.

Ce livre forcément, nous interroge sur la place de la femme sans être à proprement parlé féministe, même si très influencé par le mouvement me too. Nous voyons que pour se faire une place, pour trouver la place qui est la sienne, Hipparchia fait preuve d’un grand courage, celui d’écouter simplement qui elle est, quelles sont ses valeurs. Même aujourd’hui, cela n’est pas monnaie courante, le poids de la société faisant que les rôles alloués mettent du temps à se défaire et à s’équilibrer.

Ainsi, avec une forme d’espièglerie, Barbara Stok nous éveille à la philosophie, à ce thème important de la femme dans la société, avec une forme inédite qui ne manque jamais sa cible. Sans doute parce que son travail de recherche (on vous reprécise que la postface et le chapitre précisions sont d’une grande richesse pour mieux comprendre la démarche de l’autrice-dessinatrice) est d’une très grande rigueur. Et nous y suivons qui plus est la vie d’une femme indépendante, forte, avec ses aspects biographiques parfois très drôles, mais surtout pleins de sens. Bref, de la grande BD.

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