TOUT BLEU, Otium
disponible chez Les disques Bongo Joe/L’autre distribution
Une fois n’est pas coutume, c’est avec un certain retard que nous souhaitons vous parler de Otium, l’album des Genevois de Tout Bleu, sorti courant Décembre 2021. Mieux vaut tard que jamais, paraît-il. Pourquoi ce retard nous direz-vous? Eh bien disons que notre negotium prend considérablement le dessus sur notre otium.
What the fuck, Litizic!? Mais qu’est-ce que vous racontez? Bon ok, nous arrêtons de fanfaronner et avouons fébrilement nos lacunes de la langue latine.
Sonorités électroniques et acoustiques
Un peu d’histoire ne nous fera pas de mal. À l’époque de l’Imperium Romanum, les Romains scindent leur vie quotidienne en deux temps : celui du travail, des affaires, des obligations politiques et sociales, appelé negotium, et, par opposition, loin des affaires et de la vie politique, le temps du loisir, où l’on prend du temps pour soi, appelé otium. Savourer le moment, se reposer le corps et l’esprit, profiter de ses proches, voilà des sujets qui n’ont jamais été autant d’actualité. La réussite d’une vie ne passe plus par le travail uniquement.
Après un premier album éponyme sorti en 2018, Tout Bleu revient avec un deuxième effort où s’entrechoquent sonorités électroniques et acoustiques. À la tête de ce projet, nous retrouvons évidemment, Simone Aubert, moitié du groupe Hyperculte, que nous avons déjà eu le plaisir de chroniquer pour Litzic. Elle s’adjoint la présence de Naomi Mabanda au violoncelle, membre (entre autres) du groupe Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp, du multi-instrumentiste, Luciano Turella, qui officie également avec son projet solo Irtum et enfin du compositeur de musique électronique, POL.
Serait-ce l’attraction d’une planète?
À l’évocation du nom Tout Bleu, nous pensons instantanément aux grands espaces, aux horizons marins et/ou célestes qui s’étendent à l’infini. Par extension, nous vient également à l’esprit l’idée d’évasion et de voyage. Le voyage ! Avec ce second opus, les membres de Tout Bleu nous entraînent avec eux dans un périple énigmatique entre l’ombre et la lumière. Le morceau Ere de Rien nous capte de suite et nous entraîne dans une atmosphère mécanique et répétitive, où la machine prendrait le dessus. L’enchanteresse Simone y pose sa voix de Circé qui accentue le côté dérangeant et angoissant du morceau.
Nous retrouvons cet esprit anxiogène et fracassant avec Ce Sera où nous imaginons le capitalisme semblable à une bête écrasant tout sur son passage. En écoutant le titre, nous avons le sentiment de plonger dans un bon livre ou film de SF. Constellation nous conforte dans cette idée d’un univers futuriste. Nous fermons les yeux et sommes happés par la voix de Simone et les sons environnants. Nous nous imaginons en gravité au milieu du néant qu’est l’espace. Difficile à expliquer, mais l’atmosphère quelque peu pesante, nous convie à voir plus loin et à continuer ce voyage sidéral. Serait-ce l’attraction d’une planète, d’un astre ou tout autre force cosmique?
Sonar, cris de mouettes et chants de cétacés
L’errance est toujours là, avec le titre U22, qui démarre brièvement de façon poétique et apaisée, à la guitare, puis au son du synthé, avant de se disloquer progressivement au fur et à mesure que les secondes s’écoulent. Sur Otium nous apprécions énormément le jeu des cordes, qui donne un côté organique, humain au morceau et où respirent douceur et sérénité. Nous retrouvons aussi cette quiétude sur le suave Entre Les Mots ou encore Rucksucre, acidulé à souhait. Ce dernier nous transporte vers une transe quasi hallucinatoire et enfantine.
Nous plongeons dans les abysses, l’immensité bleue, tels Herman Melville et son Moby Dick avec Baleine (quasiment 7’). Sonar, cris de mouettes et chants de cétacés, nous propulsent dans l’atmosphère des profondeurs. Le titre nous rappelle furtivement l’univers des américains d’Animal Collective et de leur génialissime album Merriweather Post Pavilion. She’s lost clôture l’album de manière obscure et tourmentée. La voix spectrale de Simone semble errer telle une âme perdue, emprisonnée entre deux mondes.
Ce second volet des Suisses de Tout Bleu est un petit ovni à attraper en plein vol, qui ne demande qu’à être apprivoisé. Entre rythmes entêtants, voix ensorcelantes et musique bruitiste, tout est fait pour surprendre votre sens de l’ouïe et vous faire voyager dans un monde jusque-là encore inconnu.
Keep Rockin’
LGH
LGH (Le Gosse hélicoptère) :
Révolutionnaire en peau de lapin, guitariste de salon à mes heures perdues, amoureux des mots et féru de musique. Mes mots d’ordre sont l’éclectisme, la curiosité et le partage. Keep rockin’ !!
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