Sensation album 3, Oslo Tropique/Nathaniel Rateliff/Kristine Leschper
Sensation album 3 revient sur 3 disques qu’il faut asbolument écouter. Tout d’abord, Entre les mains des robots d’Oslo Tropique (rock), puis The future de Nathaniel Rateliff & The nght sweats (soul/rythm and blues) et enfin The opening or closing of a door de Kristin Leschper.
OSLO TROPIQUE, Entre les mains des robots (Les jeudis du rock).
Quelques mois après la sortie de leur EP remarqué et chroniqué ici même par LGH, Oslo Tropique revient aux affaires courantes avec Entre les mains des robots, album rock, en français, aux formes et au fond particulièrement alléchants.
10 titres, il n’en faut pas plus pour nous convaincre que ce groupe a de la suite dans les idées. Certes, leur EP nous avait mis sur la piste, mais entre un 4 titres et un long format, la donne n’est pas tout à fait la même. Comment maintenir la tension à son paroxysme sur le long format, sans s’essouffler, sans redite, en français dans le texte qui plus est, si on ne possède pas un talent de dingue ? Fort heureusement, Olso Tropique (Christophe Rymland guitare/chant, Mégane Rymland basse/choeurs, Metty Bénistant batterie et Benjamin Entringer guitare/choeurs) n’est pas en rupture de stock en la matière.
Féroce.
Premier constat, c’est que l’écriture se confirme de l’EP au LP. Mots à la bonne place, à la bonne intensité, évitant les clichés, restant bien hargneux comme il faut, tirant à boulets rouges sur la société, les médias, la politique, sans en faire trop et sans non plus oublier de s’arrêter sur l’humain en chacun de nous. Autrement dit, le dosage est parfait, l’éthique irréprochable, le sens direct mais pas trop frontal non plus. Le jeu d’équilibriste permet à Oslo Tropique de ne jamais se casser la gueule sur cet album qui, forcément, évoque un peu le meilleur d’un rock contestataire qui semble mort et enterré depuis fort longtemps par chez nous, ou du moins celui qui met les formes (bref, on n’est pas dans du punk peu nuancé, loin de là).
Les formes sont donc ici fort sexy, alléchantes. D’abord, la voix lead est parfaite d’intensité, de grain, elle est convaincue convaincante, possède du chien, et est mise en valeur par une production jamais lourdingue. Un peu de disto, un peu de delay, rien de plus, bref, le (très) bon goût est au rendez-vous.
Musicalement, les 4 trublions s’en donnent à cœur joie. Si on ressent, forcément, certaines accointances avec le rock outre-Manche, voire outre-Atlantique, il possède aussi ce truc indéniablement français, mais, idem que pour les textes, dans le très bon sens du terme. Les vrais groupes rock français, s’exprimant dans notre langue et ayant eu un vrai succès public ne sont pas légion (Téléphone, Noir Désir sont les plus parlants), Oslo Tropique pourrait, et devrait, leur donner une belle descendance.
Classe et racé.
Ce groupe possède en effet une grande classe, celle d’allier énergie et fond dans un tourbillon implacable, sans perdre en cohérence, sans lécher le cul de quiconque, sans faire de concessions foireuses. Qui plus est, on sent une sincérité totale émaner de l’album, sincérité des écorchés, de ceux qui en ont marre d’un système qui coure à se perte mais que l’on maintient malgré tout coûte que coûte.
Ajoutez à cela un charisme évident (oui oui, le charisme, ça s’entend aussi sur disque) et vous avez là tous les ingrédients réunis pour obtenir un disque rock sans âge, indémodable, parfaitement équilibré, capable de tout dévaster sur son passage. Il ne reste plus qu’à aller découvrir le groupe sur scène pour voir si tout cela se confirme (mais nous n’avons pas véritablement de doute sur la chose).
Nos morceaux coup de cœur : Les chaînes infos, La jungle, Nuits verticales et le toujours ultra efficace Un pavé dans l’écran (déjà présent dans l’EP, mais toujours aussi dévastateur).
NATHANIEL RATELIFF & THE NIGHT SWEATS, The Future (Stax/Virgin)
L’album se pare d’une belle teinte or. L’artwork est sobre. Tout respire l’élégance, et nous n’avons pas encore tendu l’oreille vers The future, dernier album en date de Nathaniel Rateliff, ici en compagnie de The Night Sweats. Nous glissons le disque dans la platine et l’élégance ruisselle dans nos tympans, nous transportant dans le monde raffiné d’une soul et d’un rythm and blues comme il ne s’en fait plus de nos jours, sans pour autant que celui-ci sente la naphtaline.
Il est des évidences qui ne trompent pas, et The Future en fait partie. Car si le vrai futur qui nous pend au nez n’a rien de vraiment réjouissant, celui qui s’épanche sur ce disque en est l’antagonisme le plus parfait. Ici, tout respire le raffinement, la joie, la plénitude. Le premier élément à jouer en cette faveur, c’est la voix de Nathaniel Rateliff. Celle-ci pourrait, si elle le désirait, faire fondre la banquise. De la même manière, si elle le voulait, elle ferait tomber toutes ces dames, et aussi ces messieurs, raides dingues de l’artiste.
De velours ou plus incisive, elle ne se départit jamais d’une justesse incroyable, justesse qui fait ressortir l’émotion avec une conviction pleine de ferveur. Qu’elle soit soul, pop ou plus chargée en blues (ou rythm and blues), elle ne souffre d’aucune approximation, tout comme elle n’est jamais exempte d’une conviction inébranlable en ces sentiments que sont l’amour, la séduction ou la foi (en soi, en l’autre, pas forcément religieuse).
Des instrumentations haut de gamme.
Pour lui donner la réplique et le la, les instrumentations la jouent au diapason. Lumineuses, racées, vibrantes, elles se calibrent automatiquement au phrasé de Rateliff. Là non plus, rien n’est laissé au hasard et l’équipe de musiciens qui forment The night sweats fait preuve d’un redoutable savoir-faire. Ça groove, ça roucoule sous les balcons, ça envoie des étoiles plein les mirettes, mais ce n’est jamais dégoulinant de guimauve. Autrement dit, les classiques dans le rétro, les musiciens restent à la fois sobres et inspirés, totalement dans l’esprit de la soul, celle qui fit les grandes heures de Stax.
Les cuivres sont solaires, les guitares légères, le piano nous rappelle les plus belles œuvres des Stones (période Exile on main street, dont le titre d’ouverture qui donne son titre à l’album semble s’être échappé). Les choeurs sont divins, les rythmiques au plus près du corps et de son flux sanguin et nerveux. Les compositions, si elles restent relativement classiques dans la forme, véhiculent en elles une passion sans failles pour le bel ouvrage. Inspiré, Nathaniel Rateliff nous propulse au 7é ciel en moins de 2 minutes.
Pour enrober le tout, la production est irréprochable. L’ensemble nous transporte automatiquement du côté des États-Unis, des images plein les yeux et l’imaginaire. Hors des modes, cette musique s’inscrit directement dans nos veines, comme la plus puissante et la plus saine des drogues. Du genre de celle dont on ne se défait jamais, ce qui, avouons-le, reste une excellente nouvelle.
Les titres coups de cœur : The future, Surivor, Something ain’t right, Love me till I’m gone, I’m on your side, So put out.
KRISTINE LESCHPER, The Opening Or Closing Of A Door (Anti-, Pias)
Celle qui officiait sous le nom Mothers s’exprime pour la première fois sous son nom dans cet album totalement à contre-courant, mais au charme incroyable. Kristine Leschper nous offre un disque pop, baroque, où les percussions tiennent une place prépondérante, tout comme sa voix si particulière. The opening or closing a door, nous ouvre un univers délicat, aux arrangements finement pensés et organisés pour s’approcher au plus près de ce que veut exprimer l’autrice-compositrice américaine.
La pandémie mondiale a rebattu pas mal de cartes, et nombre d’artistes, ayant souffert de la situation, ont réinventé leur art. C’est un peu ce qui s’est passé pour Kristine Leschper qui a modifié sa façon de travailler, tout comme elle a décidé d’aller plus à l’os de ce qu’elle est fondamentalement. Oser s’exprimer sous son vrai nom en fait partie. Mais tout ne tient pas qu’à cela.
Enregistrer différemment.
Si, en 8 ans sous son nom Mothers l’enregistrement n’était pour elle qu’une manière de garder une trace du travail effectuer, Kristine Leschper s’est ici attelée d’arrache-pied au travail de celui-ci, sur l’exploration sonore, les tessitures, les timbres, sans oublier le travail rythmique. Dans The opening or closing of a door, il a souvent recours aux claquements de main, mais s’avère bien plus vaste que cela puisque 12 instruments percussifs habillent le disque, en plus d’une basse qui, bien que discrète, apporte une densité certaine au disque. La voix, elle aussi, joue les rythmiques avec un phrasé tantôt coulé, tantôt plus haché. Il concourt à cette sensation un peu magique qui circule sur le disque.
Des nappes de claviers imposent les climats. Dessus, se posent le chant et, souvent, des arrangements de percussions, souvent entremêlés les unes aux autres, pourtant parfaitement distinctes. Elles procurent, ces percussions, un sentiment pourtant léger, n’écrasent en rien la musique. Tout tend en effet à décoller les compositions du sol, leur offrir un contexte aérien, doucement psychédélique, folk, sans pour autant y ressembler réellement. En fait, cet album est tellement original qu’il s’émancipe des codes tout en les convoquant pourtant.
Un album un peu magique.
Kristine Leschper emprunte donc des chemins détournés, inventifs, lumineux, pour parler de ce qui lui tient particulièrement à cœur, à savoir l’amour, mais pas forcément l’amour amoureux, mais celui qui unit une personne à ses amis, ou même de l’amour que l’on se porte à soi-même. Cet album en est imprégné, et chaque composition le porte en elle d’une façon plus ou moins frontale. Sa « féérie » hors du temps tend à amplifier et à rendre chaque titre comme un moment totalement à part, un cheminement intime amenant à se libérer d’entraves bien quotidiennes. Bref, à réenchanter la vie.
On peut ne pas accrocher à la voix particulière de Kristine Leschper, cependant, elle est l’élément primordial au charme de cet album qui s’avère comme une parenthèse au monde extérieur, à la furie qui nous envahit tous les jours. Un album qui s’écoute confortablement installé, enveloppé dans une couverture ou dans les bras de sa moitié, pour en savourer toutes les nuances. Et tout l’amour qui en irradie.
Nos titres coups de cœur : Blue, Figure and I, Ribbon, Carina, Stairwell song et le morceau donnant son nom à l’album.