EKKSTACY, Misery

misery ekkstacyDeuxième album disponible chez United Masters

Quand le poison de la vie s’insinue dans les rouages de celle-ci, nul autre façon de s’en sortir que de trouver un exutoire. En se mettant à la musique, Exxstacy a eu un déclic, lequel a déjà débouché sur un premier album, le très bon Negative, sorti il y a un peu moins d’un an. On retrouve donc l’artiste canadien pour le deuxième volet de cette mise à nu qui lui permet, au compte goutte, d’évacuer le poison qui pollue sa vie. Misery est le récipient qui le récolte.

Le propos n’est jamais joyeux. Il est au contraire souvent tourné vers l’intérieur, vers l’introspection un peu morbide et crue. Elle transparaît par des paroles sans compromis, directe, qui laisse comme un goût acide en fond de bouche. Musicalement, on retrouve la patte d’Ekkstacy, à savoir une voix rendue légèrement brumeuse par le jeu des échos et de la réverb’, le tout pour un shoegaze dopé aux rythmiques endiablées.

Paradoxe.

Ici réside un paradoxe. Car, à quelques exceptions près, le rythme enlevé dégage un fort sentiment de vie, voire même de légèreté quant à celle-ci. Un titre comme I wish I was Dead en est un exemple parfait. L’envie de danser, de croquer la vie à pleines dents contraste parfaitement avec le titre de la chanson. On retrouve cela en filigrane sur l’album, mais de façon parfois plus nuancée, avec notamment des titres aux rythmiques plus lentes, favorisant ainsi une autre forme de proximité avec l’artiste.

Les mélodies sont souvent très vite assimilables. Elles permettent de ne pas rajouter une couche de dépression sur des paroles qui se suffisent à elles-mêmes pour créer le malaise. Ces mélodies sont donc orientées vers la lumière, dispensent un peu de ce sentiment que la vie vaut malgré tout la peine d’être vécue. Cela permet aussi à Misery d’éviter le piège du pathos qui aurait pu lui-même générer une véritable gêne (le malaise évoqué plus haut étant celui qui nous rappelle que nous aussi, potentiellement, avons eu des idées morbides, donc prouve que nous nous identifions au vécu d’Ekkstacy, tandis qu’une gêne pourrait être synonyme d’exposition outrancière de son mal-être existentiel, ou plus exactement comme un truc malsain d’exhibition de son malheur personnel).

Intensité.

Comme ces anciens rockeurs qui énonçaient le fameux « je veux mourir avant d’être vieux », Ekkstacy dégage ce sentiment d’urgence, celui de vivre le temps qu’il a devant lui de façon totalement libre. Cette liberté passe par la musique, certes, mais aussi par ce choix d’exprimer sans fausse pudeur, donc avec une sincérité désarmante, ce que son cœur renferme de plus noir (mais aussi, d’une certaine façon, de ses espoirs les plus lumineux).

Ainsi, Ekkstacy parle au fond des yeux à ceux qui comme lui ont vécu des périodes psychiques plus que délicates et pour qui la vie n’est pas rose au quotidien. Mais plus qu’un tombeau, Misery est une œuvre positive, une célébration en quelque sorte. Ce qui peut paraître antinomique avec ce que renferment les paroles, mais quand on y réfléchit bien, cela va en fait de paire.

En effet, crier sa douleur, souhaiter être mort pour la faire taire, prouve que l’on est toujours debout, en quête d’un avenir meilleur. L’énergie et les mélodies catchy de Misery laissent à penser qu’Ekksatcy continue à aller de l’avant, pour peut-être au final arriver à se défaire de ses démons intimes.

Une suite déjà attendue.

Forcément, nous sommes curieux de voir et savoir comment l’oeuvre de ce jeune homme évoluera. Gardera-t-il ses références post punk/shoegaze ou bien (re)trouvera-t-il des accroches hip-hop ? Chantera-t-il toujours ces thèmes de prédilection ou s’orientera-t-il vers une exploration plus optimiste de ce que la vie lui réserve ?

Peu importe ce qui se passera, peu importe ce qu’il choisira comme orientation artistique, Ekkstacy restera intègre à n’en pas douter, car il démarre sa carrière de façon totalement « innocente ». C’est-à-dire avec cette façon totalement décomplexée qui lui permet d’exprimer ce qu’il a de plus proche du cœur, comme un jeune enfant pourrait d’ailleurs le faire. Son art, il le vit intensément, il se forge son caractère, et celui-ci, forcément, fait sens. Et Misery complète à merveille ce qu’avait initié Negative, avec cette même fougue incandescente et pure. La suite attendra (mais nous sommes déjà impatients de la découvrir).

Crédits Gilbert Trejo

Patrick Béguinel

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