Carré d’as 3

Nouvelle sélection d’albums par Ben !

Découvrez la sélection underground Carré d’as 3 !

carré d'as 3 Dylan HouserDylan Houser – The Release (autoproduit)

Depuis la claque Drone Salon », on suit avec attention Dylan Houser. C’est donc avec un plaisir non dissimulé que l’on a accueilli, l’avant-veille de Noël, la dernière livraison du prince de la lo-fi (telle qu’on l’entendait dans les années 90) intitulée avec beaucoup d’esprit « The Release« . Une nouvelle fois, rien de solaire dans la musique du reclus de Lakeland, en Floride. Mais de la qualité assurément.

Et de la guitare sèche sur le titre d’ouverture. Six cordes que l’on retrouve plus loin sur l’émouvant « Psalm Coast« , apportant à ce titre une touche mélancolique rarement rencontrée dans l’œuvre d’Houser. A l’exception de « Sulphur Springs« , enregistré live lors de la nuit de Noël 2018, les morceaux de Dylan Houser se font plus courts et gagnent en efficacité comme sur l’excellent blues bruitiste « Cloud Nine Overdrive » et ses répétitions magnétiques. Boucles, bricolages, expérimentations, glitch de synthétiseurs (« Sew Us Up« , « Everything Overheating« , « Sulphur Springs« ), le sorcier de Lakeland offre à entendre l’étendue de ses talents d’expérimentateurs.

Sa magie s’exprime particulièrement sur le drone lugubre de « Chilled Pollen » et sur le mélange détonnant de folk et de harsh noise qui clôt l’album, un torrent de larsen accompagnant une mélodie fredonnée par Houser lui-même. Même chose sur « Everything Overheating » qui donne à entendre les expérimentations d’un Nick Wright dont les roadies auraient fracassé  les claviers à coups de marteaux. Album radical et décoiffant, « The Release » prend l’auditeur à rebrousse-poil. S’inscrivant dans les dernières sorties de l’artiste (on pense à « D.A.N.G. » volume 1 & 2), il pousse la malice jusqu’à proposer un artwork à rebours des canons esthétiques actuels. Réjouissant.

https://dhouser.bandcamp.com/album/the-release

carré d'as 3 Charlotte SpiralCharlotte Spiral – All This Time Asleep (autoproduit)

On ne va pas un énième fois paraphraser Baudelaire ; pourtant sa si célèbre formule qui structure « L’Invitation au voyage » sied à la perfection à ce magnifique EP que le duo Charlotte Spirale a publié au début du mois de décembre. Pianos luxueux, voix cristalline, arrangements au goût sûr : on est ici dans ce que la pop sophistiquée propose de mieux.

Quelque part entre le Pulp de « This Is Hardcore » et le premier album de Shivaree, ce « All This Time Asleep » rappelle aussi Aimee Mann, non pas dans la voix d’Amy Spencer, mais dans les chausse-trappes qui jalonnent chacune des quatre compositions. La chanteuse illumine de sa voix les ballades « Roots » et « Tomorrow« , commencées dans la quiétude et achevées  dans le lyrisme de percussions électroniques très à propos. Sur « Walls« , morceau en apesanteur qui achève l’EP avec grâce, les synthétiseurs vintage offrent un écrin idéal à la voix de Spencer. Mais c’est bel et bien sur le titre éponyme que la Londonienne et son comparse, Avi Barath, déploient l’étendue de leur talent.

Composition tortueuse à l’élégance feutrée, ce « All This Time, Asleep » et ses chœurs aériens feront frissonner l’épiderme de toute personne dotée d’un système sensoriel efficient. Véritable leçon de songwriting (ce pont !), ce morceau regarde les maîtres de la pop droit dans les yeux. Tout ce temps, endormi ? On est heureux que Charlotte Spirale se soit réveillé. EP disponible en cassettes sur la page Bandcamp du groupe.

https://charlottespiral.bandcamp.com/album/all-this-time-asleep-ep

carré d'as 3 2 tones2 Tones – Cosmos

Synthétiseurs cosmiques, textures intersidérales, beat downtempo, 2 Tones entame le bien nommé « Cosmos » de la meilleure des façons. Composée d’un unique morceau, trip galactique de vingt-cinq minutes, la nouvelle livraison du duo français réunissant Bâtard Tronique et Arnaud Chatelard (bien connu de nos lecteurs et lectrices) offre à entendre ce que la musique électronique propose de meilleur. Résolument moderne dans son approche et dans son impeccable production,

« Cosmos » se distingue pourtant par une touche vintage amenée par ses nappes planantes et ses arpeggiators épileptiques (qui vrillent carrément à la fin du premier tiers du morceau). Pêle-mêle, on croise une piste lead à la coloration seventies, des sonorités eighties toutes droit sorties d’un épisode de V ou, avant le gouffre final qui évoque le meilleur de l’immense « Saucerful Of Secrets », on est surpris des accords de clavier qui rappellent Vangelis. Sorte de panorama d’une science-fiction biberonnée aux space operas d’Heinlein ou Asimov, ce « Cosmos » est une géante gazeuse en perpétuelle mutation, un léviathan stellaire polymorphe se réinventant au gré des univers qui naissent et meurent sur son passage.

En bref, 2 Tones nous paie une croisière spatiale inoubliable où les paysages fantastiques côtoient les dangers les plus létaux. Cerise sur le gâteau : ni Elon Musk, ni Jeff Bezos ne sont dans la navette.

Disponible sur la compilation Foolish Finest 1 https://apocalypsesounds.bandcamp.com/album/foolish-finest-1
ou sur le Bandcamp de Batard Tronique : https://batardtronique.bandcamp.com/album/cosmos

carré d'as 3 Gypsy Wizard queenGypsy Wizard Queen – Gypsy Wizard Queen

Le Dakota du Nord est l’État qui compte le plus grand nombre d’églises par habitant. C’est aussi le fief de l’excellent trio de stoner Gypsy Wizard Queen qui, après un premier EP remarqué des amateurs de musique enfumée, vient de sortir en décembre son premier effort. Riff bluesy, rythmique sépulcrale, voix hantées, « Witch Lung » ouvre l’album avec maestria, conjuguant la lourdeur du stoner à la subtilité du psychédélisme seventies, jouant des contrastes entre déflagrations de fuzz et solos spleenétiques.

Le jeu de cymbales de Chad Heille fait merveille sur chaque morceau, la basse de Mitch Martin groove et les solos de Chris Ellingson cinglent comme les coups de fouet du cocher mort-vivant qui orne l’artwork de l’album. Cerise sur le gâteau, le trio de Fargo (oui oui, là où le film des frères Cohen a été tourné) n’est pas dénué d’humour ainsi qu’en témoignent les titres de leurs morceaux en forme de clins d’oeil aux pontes du rock à guitares (chacun cherchera les références à White Lung, Black Sabbath ou Queens Of The Stone Age) ou de la pop eighties (« Yeti Davis Eyes » !).

En plus de la première pièce, on relèvera particulièrement la furia de « Stoned Age » qui clôt l’album dans une cavalcade métallique et le groove empoisonné de « Yeti Davis Eyes« . On pense aux premiers Kadavar pour le classicisme distingué des compositions ou au « Busse Woods » d’Acid King pour la combinaison de lourdeur et de digressions lysergiques : c’est dire si cet album, disponible en CD sur la page Bandcamp du trio, se présente sous les meilleures auspices.

https://gypsywizardqueen.bandcamp.com/album/gypsy-wizard-queen

BenBEN

Frontman de Wolf City, impliqué dans des projets aussi divers que The Truth Revealed ou La Vérité Avant-Dernière, Ben a grandi dans le culte d’Elvis Presley, des Kinks et du psychédélisme sixties. Par ailleurs grand amateur de littérature, il voit sa vie bouleversée par l’écoute d’ « A Thousand Leaves » de Sonic Youth qui lui ouvre les portes des musiques avant-gardistes et expérimentales pour lesquelles il se passionne. Ancien rédacteur au sein du webzine montréalais Mes Enceintes Font Défaut, il intègre l’équipe de Litzic en janvier 2022.

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