Interview SOL HESS, 2 LP cette année.
Nous avons posé quelques questions à Sol Hess.
Cet homme là, en solo ou en groupe avec The Boom boom Doom revue à sorti deux LP cette année. On revient avec lui sur son parcours et ces deux objets musicaux forts, qui sont comme autant de tableau de vie. L’interview SOl Hess, c’est tout de suite !
L’interview
Litzic : Salut Sol Hess. Première question, comment ça va en cette fin d’année ?
Sol Hess : Ça va, merci. Je suis toujours un peu excité à l’idée d’avoir un nouvel album qui sort. Mais je croise les doigts fort pour que les lieux ne referment pas à nouveau en début d’année avec l’évolution de la crise sanitaire, et qu’on puisse le défendre sur scène comme il faut.
L : Peux-tu nous expliquer en quelques mots qui tu es et quel est ton parcours artistique, quels ont été les artistes qui t’ont donné envie de faire de la musique ?
Sol Hess : Étant élevé par une mère danseuse et une grand-mère peintre, l’art a été très présent dans ma vie dès le départ. Ma mère dansait sur du free-jazz, notamment avec un saxophoniste, Paul Moss. Paul découpait d’énormes notes en carton, me les donnait et me faisait courir en rond dans le studio de danse pendant qu’il faisait hurler son sax. Ça a été mon initiation à la musique. Souvent sur scène, avec mes groupes, je me demande si je ne continue pas à faire exactement la même chose : à gigoter partout pendant que la musique hurle à blinde autour de moi.
Plus tard, j’ai voulu être réalisateur de films. C’est après mes études de Cinéma que j’ai commencé à faire de la musique. J’ai aussi écrit du scénario de Bande Dessinée.
Plus le temps passe, et plus j’ai l’impression que les pistes se brouillent lorsqu’il s’agit de parler de mes influences. J’aime les belles chansons, les recherches sonores qui remuent l’âme, et la musique de film. Nina Simone, Swans, Alice Coltrane, Sonny Sharrock, Jonathan Richman, Frog Eyes, Rien Virgule et Ennio Morricone me viennent tout de suite en tête.
« …je me demande si je ne continue pas à faire exactement la même chose : à gigoter partout pendant que la musique hurle à blinde autour de moi. »
L : Tu sors ton nouvel album avec The Boom Boom Doom Doom Revue, And the city woke up alone, en ce mois de décembre, après avoir sorti ton premier album solo, The missing view, en début d’année. 2 albums pour 2021 donc. 2020, et la situation qu’on connait, a été propice à l’écriture ?
Sol Hess : Non, je ne crois pas qu’elle ait été vraiment propice à l’écriture. J’avais la chance d’avoir ces deux projets en cours, et plutôt avancés, lorsqu’on a été confinés en 2020. En vrai, je crois que c’était une période compliquée pour la création. Quand tout s’arrête, tout s’arrête. On a besoin de la vie pour écrire, et même si des fois on a besoin de se réfugier dans le silence pour travailler, on a surtout besoin de savoir qu’il y a du bruit et du raffut quelque part. Et de sortir dehors. On ne peut pas s’inspirer de soi-même.
L : Les deux albums sont très différents. Pour schématiser, l’un est acoustique (et solo), l’autre est électrique (et en formation). Quel en ont été la genèse ? A quels besoins répondaient-ils ? Que racontent-ils ?
Sol Hess : The Missing View est mon album solo. Il est très différent de ce que j’ai pu faire avant, parce-que je suis vraiment tout seul dessus (à part le featuring au clavecin de mon ami Antoine Souchav’). J’ai écrit ces chansons, et j’avais envie d’être seul avec elles. Et je voulais qu’il y ait du silence et du vide, pour que mes fantômes puissent s’y immiscer, et pour que chacun puisse y entendre les siens.
L’album avec le Boom Boom Doom Revue, c’est un vrai projet de groupe en revanche. C’est la suite de Sol Hess & the Sympatik’s, et on a composé toute la musique tous les trois ensemble. On se retrouve vraiment sur une certaine vision de la musique, très nourrie par une matière sonore épaisse et un sentiment de narration.
L : Tous deux en revanche dégagent ce mélange de force (interprétation engagée) et de fragilité (dans la voix qui parfois chancelle et des instrumentations tendues). J’y sens de l’introspection mais aussi un besoin de dépeindre le monde qui t’entoure. Mais toi, comment les définirais-tu ?
Sol Hess : Avant je disais tout le temps que je n’avais pas de rapport profond à l’introspection, et que ce que j’aimais vraiment c’était faire de la fiction. Ce qui n’était pas forcément pertinent, car l’un n’empêche pas l’autre. Aujourd’hui je crois que mon écriture vacille entre fiction, observation et introspection… C’est un mélange de restes de souvenirs, et d’images d’ailleurs… ça ressemble à de la pellicule qui se décompose. On essaie d’en sauver des bouts, pour les remonter et en faire un film, qui mélangerait à la fois des archives du réel et des bouts de fiction… A force on ne sait plus les distinguer les uns des autres.
» On ne peut pas s’inspirer de soi-même. »
L : The Boom Boom Doom Revue est composé de Roland Bourbon et Frédérick Cazaux, des collaborateurs de longue date. Qu’est-ce qu’ils apportent à ta musique, ainsi que dans ton processus créatif ?
Sol Hess : Comme je disais précédemment, c’est un vrai groupe et on compose la musique tous les trois ensemble. Roland Bourbon est un batteur exceptionnel. Il a un jeu très félin, très axé sur les cymbales, la couleur et le son. Fred Cazaux est un inventeur, il fabrique tous ses sons de claviers de A à Z, et y passe beaucoup de temps. On se retrouve sur l’idée de travailler sur un son d’ensemble ; une matière sonore qui puisse à la fois prendre la forme de chansons et se laisser traverser et bringuebaler par toutes sortes d’évènements plus ou moins intenses.
L : Vous avez des guests également, Jac Berrocal qui apparaît à la trompette free, et Marie Möör. Etait-ce des collaborations voulues de longue date ou s’inscrivaient-elles précisément dans ce projet ? Quels ont été leur apport ?
Sol Hess : Jac Berrocal est un ami de longue date de Roland. Ils ont eu un groupe ensemble dans les années 90 qui s’appelait les Bad Boys. Jac était déjà venu jouer de la trompette en guest sur des concerts de SH & the Sympatik’s, et on évoquait depuis un moment l’idée qu’il vienne participer à des enregistrements. J’écoute la musique de Berrocal depuis des années, et c’est toujours une expérience. Je crois qu’il s’intéresse d’abord à la sensation, à l’intensité, au son et à la couleur. On retrouve chez lui et de la grâce et de la violence, c’est très beau.
J’ai contacté Marie Möör il y a quelques années en tant que fan. J’écoutais Je Veux (un morceau qu’on ne trouve que sur Youtube) en boucle, et elle venait de sortir un très bel album sur un texte en ancien français de Hélinand de Froidmont, Les Vers de La Mort. Je lui ai écrit suite à ce disque pour lui dire à quel point j’aimais son travail. A l’époque j’organisais des concerts et après quelques rencontres et un plateau partagé à Mains d’Oeuvres, on est devenus amis. Dans l’œuvre de Marie, la vie vibre et s’enflamme, côtoie la mort et marche aux rebords de l’abîme comme nulle part ailleurs. Le tout lu et chanté par une voix sans âge… la voix d’une enfant qui a vu le début et la fin des temps. J’avais très envie d’avoir une trace de ça sur ce disque.
« la voix d’une enfant qui a vu le début et la fin des temps. »
L : Tu dis de And ce city woke up alone que l’idée qu’il soit comme un recueil de nouvelles n’est pas pour te déplaire. Je retrouve un peu cette même idée dans The missing view, celle de peindre des tableaux qui imposent une homogénéité malgré des thèmes différents. Quelle place possède la littérature dans ta vie ? Aurais-tu des conseils lecture à proposer ?
Sol Hess : Etant musicien sans permis de conduire, c’est toujours les autres qui conduisent en tournée, ce qui me laisse plein de temps pour lire. Et je suis parfois interprète pour des auteurs anglophones lors de rencontres. J’ai eu la chance comme ça de traduire et de rencontrer des auteurs que j’aime… Bret Easton Ellis, Richard Krawiek, David Vann, James Ellroy… J’adore Ellroy. Pour l’anecdote, je rêve régulièrement qu’Ellroy me lit à voix haute le roman sur lequel il travaille en ce moment… !
J’aime aussi Brautigan (qui dans la même phrase peut te faire hurler de rire puis basculer dans un désespoir noir), Ursula K. Leguin, Hervé Prudon… Récemment, j’ai beaucoup aimé « Le Bar Sous La Mer » de Stefano Benni, et « Burning Bright » de Ron Rash.
Et en ce moment je lis « Les filles de Monroe », le nouveau roman d’Antoine Volodine. Je retourne toujours avec énormément de plaisir dans son monde d’âmes qui errent à l’infini dans un Bardo post-soviétique.
« Que les lieux de concerts restent ouverts pour qu’on puisse aller jouer ces morceaux devant des gens. »
L : Comment écris-tu, composes-tu ? Qu’est-ce qui t’inspire ? L’idée d’écrire justement des nouvelles ne te titille pas (mais peut-être que tu écris avec déjà la musique de posée)?
Sol Hess : C’est en général la musique qui me donne envie d’écrire. Ce que je trouve très beau dans une chanson, c’est qu’on peut dresser quelque chose, ne serait-ce qu’une simple adresse à quelqu’un, en quelques phrases, sans avoir d’autre justification que la musique. C’est très simple et direct.
L : As-tu des projets en cours qui devraient apparaître dans les prochains mois ou vas-tu te mobiliser pour promouvoir sur scène tes 2 albums ? Et justement, peux-tu les jouer au sein d’un même concert ou bien nécessitent-ils au contraire un show personnalisés tous les deux ?
Sol Hess : Il y a des projets qui arrivent. Mais oui là, de suite, je vais essayer de défendre ces disques sur scène. Il y a certaines chansons en groupe que je peux jouer en solo, mais clairement, les morceaux du Boom Boom Doom Revue sont faites pour être jouées par le Boom Boom Doom Revue.
L : Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter de beau dans les jours, semaines, mois à venir ?
Sol Hess : Que les lieux de concerts restent ouverts pour qu’on puisse aller jouer ces morceaux devant des gens.
L : Merci d’avoir pris le temps de répondre à ces quelques questions.
Sol Hess : Merci à toi.