LUNA BERETTA En vie (seconde partie)
Retrouvez la première partie ICI.
Je ne sentais toujours pas sa bite. Vu comme c’était parti, ce n’était pas lui, le type qui allait me sauver. Il a sorti un couteau. La lame dans un étui. Son regard s’est planté dans le mien et sa main gauche étudiait ma chatte avec habileté. Avec savoir-faire. Je me sentais goutter entre ses doigts, il me semblait que je n’avais pas mouillé comme ça depuis des lustres. J’y étais presque et il s’est arrêté d’un coup. Il a dit Il faut l’assommer. Il est sorti de l’étable et a crié Viens m’aider. Nous avons ramené une large pierre. La vache s’est débattue lorsqu’il l’a attachée. De lourds nœuds de marin. On a soulevé la pierre au-dessus de sa tête, l’avons faite tomber dessus, plusieurs fois. Ça saignait. Elle a fini par s’affaler, énorme. Je me demandais combien de centaines de kilos venaient de tomber à mes pieds. Je regardais l’autre vache, comme si elle allait nous juger ou se mettre à gronder, mais elle a continué à mâcher. J’ai touché la pierre. J’ai touché le sang. Je regardais les pis, énormes, gorgés de lait. Maintenant j’attendais quelque chose. J’avais l’impression d’être devant un de ces films que je regardais adolescente. Mais là, plutôt qu’un penchant bizarre du personnage, j’y voyais une manière de me sauver. Un moyen de me dire il s’est passé quelque chose. Je ne songeais plus aux autres, ni au suicide. Je mouillais encore et je ne voulais pas y penser. Il m’a allongée sur la vache. Elle était chaude, et puante. L’odeur m’envahissait jusque dans la bouche. Il m’a déshabillée silencieusement. Je ne l’avais pas vu ôter la lame de son étui, je me suis demandée s’il allait me tuer, me crucifier sur l’animal. Je n’étais pas tellement effrayée. Mon dos me faisait mal, les proéminences du corps de la bête me rentraient dedans un peu partout, pourtant je n’ai pas bougé. Il m’a embrassé doucement, avec tendresse. Son couteau a creusé dans la peau, suivant les contours de mon corps. Il respirait lentement, s’appliquait. Alors qu’il avait presque terminé, la créature a remué. J’essayais de demeurer immobile. Elle souffrait. Il a chuchoté Je veux te faire un bel habit. Je veux te voir dans ce cuir vivant. Son souffle m’a chatouillé l’oreille et tout à coup je me suis sentie pleinement en vie. La bête a meuglé et je me suis mise à crier. Je hurlais et il ne comprenait pas. Il s’est redressé et a voulu soulever la pierre. Je me suis relevée d’un bond, l’ai bousculé et ai couru, dehors, nue dans la nuit noire, j’ai couru en continuant à hurler parce que j’étais vivante, parce que j’avais failli sombrer, parce que je ne voulais pas entrer dans ce cuir vivant, parce que j’avais résisté à la mort. J’ai couru longtemps et j’ai fini par tomber au milieu des herbes, je mouillais, je mouillais encore et je sentais la terre humide mouiller aussi et je me suis branlée fort pour me remettre à hurler.
Ce texte est publié avec l’aimable autorisation de Luna Beretta.
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