Prendre la tangente avec (escape,escape,escape) d’Hitchcockgohome !

hitchcockgohome ! (escape, escape, escape)Alt rock pastoral.

Un drôle de personnage orne la pochette du dernier album d’Hitchcockgohome !. Il semble gober des avions tout droits sortis de la fameuse scène de La mort aux trousses, du fameux cinéaste. (escape, escape, escape) est pourtant loin de sonner musique de film, encore moins film à suspens tant ces sonorités évoquent pour nous quelque chose de plus doux et rassurant que les films d’Hitchcock, ce qui n’est pas pour nous déplaire.

Base pop et folk, agrémentée d’un peu de banjo et d’une électricité que nous prenons plaisir à retrouver dans des productions post rock, Hitchcockgohome ! nous propose une immersion totale dans un monde aux teintes changeantes, allant de celles, fragiles, du petit matin à celle, plus assurées, du crépuscule. Avec cet album, nous suivons la courbe du soleil dans le ciel, tout comme nous suivons l’évolution du personnage dans sa vie.

Quand Yo la tengo rencontre Mogwai.

La musique propose une vaste étendue de contrastes. Pop, folk, post rock et aussi rock tout court, (escape, escape, escape) propose en son écrin un voyage sonore à la fois doux, épique où l’on croise un peu Yo la tengo, un peu 16 Horsepower (le banjo et la voix sur Wayfaring stranger, un traditionnel, figurant également sur l’album Secret south des américains en est une preuve flagrante), un peu de Pink Floyd (4000 miles nous évoquant certaines pépites de Meedle), un peu de Syd Matters, un peu d’Evening Hymns (pour cette folk orageuse), un peu de The Besnard Lake (le côté planant de la chose) un peu de Mogwai (l’influence est plus souvent sous-entendue que clairement audible mais ressort par contre à la fin de certains morceau, comme 4000 miles ou Wayfarer stranger). Tous ces « un peu » forment l’identité du groupe, possédant la particularité de chanter à deux voix (masculine et féminine) ce qui donne une couleur particulière, à la fois douce et virile.

Tous les titres reposent sur des ambiances intimistes, portées par des voix chaleureuses, sur lesquelles subsiste une part de fragilité (elle se ressent sur un léger trémolo du chant masculin). Loin d’amoindrir l’impact des morceaux, elle le renforce, en touchant peut-être à cette part de manque de confiance en soi qui réside en tout être. Mais il faut dire que les orchestrations, quand elles se parent de couleurs sombres, de celles qui obscurcissent le ciel alors qu’un orage se profile, décuplent cette impression.

Étrangement, nous ressentons à la première écoute, l’impression d’avoir affaire à un disque principalement acoustique. Cette impression nous saute littéralement aux oreilles, parce qu’il paraît majoritaire, mais c’est un leurre puisque le disque est parfaitement équilibré et que l’électricité, sous forme d’arpège de guitare le plus souvent, y transpire. Les reliefs émotionnels sont bien présents, parfois escarpés, parfois sinueux, parfois placides, et représentent à merveille les états qui s’emparent de nous en période de vulnérabilité (par exemple) ou de bien-être total.

Être sensible.

Ce disque évoque à tour de rôle tout ce que le personnage énigmatique du visuel peut ressentir. De la joie, de la fascination pour un inconnu se dévoilant à ses yeux, de la nostalgie, parfois de la mélancolie, un sentiment d’exaltation parfois épique. Tout transparaît dans l’intensité mise en place par les musiciens. Capable d’une douceur de velours, elle s’avère parfois plus tourmentée. Pour nous, il ne fait aucun doute qu’elle s’adapte à tout ce qui peut nous traverser tout au long de la vie. L’intelligence du groupe est justement de réussir, avec cet album, à faire ressortir toutes les émotions dans un ensemble incroyablement équilibré.

Nous ne sombrons jamais dans une béatitude idiote ou dans un pessimisme forcené. Le juste dosage est dans la variété des thèmes abordés, sans jamais renier la spécificité qui est celle de la force des émotions. La fin de Wayfarer stranger, pour reprendre l’exemple cité plus haut, est une montée vertigineuse de ce sentiment s’emparant de nous lorsque nous sommes soumis à la colère, à l’incompréhension. L’orage gronde, tempête en nous, dévaste des fondements qui paraissaient pourtant solides mais qui s’effritent sous l’action combinée de sentiments contradictoires. Suivi de près par Ode to june, ode apaisée, folk pleine de douceur, à la voix délicate, nous retrouvons une forme de quiétude. Un sentiment de piété s’empare de nous et notre cœur retrouve un rythme normal.

Spirale de sensations.

Le disque nous balade dans ses atmosphères tour à tour intimistes (reposant sur des bases très folks, épurées, sur lesquelles batterie, basse, et instruments électriques viennent se greffer progressivement) ou sur des titres plus grandiloquents (mais jamais prétentieux). L’avantage est que cela réveille progressivement tous nos sens dans une farandole un peu folle, aux monts et vallées chatoyants. Nous déambulons en spectateur avide de surprise, de celle qui nous saisira au moment opportun, quand nos barrières s’apprêteront à tomber. Alors, avec Hitchcockgohome ! nous prenons la tangente de nous-même, nous nous évadons dans un lieu où rien n’a plus véritablement d’importance, si ce n’est cette envie de savourer l’instant présent.

En 9 titres, (escape, escape, escape) est une échappatoire à la rigidité de la société, à la rugosité des relations humaines. Ici, tout entraîne à la communion, autant de celle des corps que de celles des âmes. (escape, escape, escape) est un voyage sensoriel et émotionnel que nous ne pouvons garder pour nous tout seul. Il convient de le faire découvrir à tous ceux qui nous entourent, afin qu’ils puissent bénéficier de la quiétude que procure ce disque totalement hors du temps et de l’espace qui est le nôtre en ce moment. Salutaire (et magnifique à en crever) !

LE titre de (escape, escape, escape).

Alors il conviendrait presque de dire lequel n’est pas titre de l’album car faire un choix dans cette collection de petites tueries est un poil compliqué (bien que dans le sens inverse cela n’est pas non plus chose aisée). Ainsi, nous allons porter notre dévolu sur le titre qui clôt l’album, le très beau The escape. Pourquoi ? Parce qu’il fait partie de ces morceaux que nous chérissons, avec une base relativement simple sur laquelle s’installent progressivement les autres instruments. Comme une vis sans fin, mais toujours agrémenté d’éléments nouveaux, ce titre gagne en épaisseur, en présence et finit par dévorer tout ce qui nous entoure.

Hypnotique, il nous embarque à sa suite dans ce tourbillon allant crescendo nous proposant l’immensité du ciel comme refuge. La poussée émotionnelle s’avère plutôt orientée vers la joie, même si de légères dissonances pourraient ressembler à quelques nuages (légèrement) menaçant dans cet azur uni. Nous sentons sur ce titre, mais comme sur l’ensemble de l’album, une force commune, une envie pour les membres du groupe d’être en parfaite symbiose, de communiquer par la musique tout ce qui les unis. Des valeurs d’amitié, d’amour de la belle musique, et ce sentiment donne à l’album tout son charisme, de ceux qui n’étouffent pas mais qui libèrent. Et c’est simplement jouissif. Alors, terminer ce nouvel opus par un tel titre, ce n’est que du bonheur !

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